L’étude Pisa 2009 sur l’influence du désordre en classe sur les performances scolaires repose indirectement la question de la taille des classes comme facteur de réussite scolaire. Une question urgente en France.
« Les classes et les écoles où il y a davantage de problèmes de discipline sont moins propices aux apprentissages« , affirme, preuve à l’appui, Pisa 2009. L’enquête internationale de l’OCDE a pu calculer l’impact du bruit en classe sur les résultats des élèves. On ne sera pas surpris d’apprendre que celui-ci est négatif et qu’il affecte particulièrement les élèves des milieux populaires. La conclusion de l’OCDE est sans ambiguïté : assurer le calme en classe n’est pas seulement propice aux apprentissages. C’est aussi un moyen efficace de lutter contre les inégalités scolaires. Ce que ne dit pas l’OCDE mais qui saute aux yeux de l’enseignant de terrain c’est que cette constatation pose à nouveau la question du nombre d’élèves en classe.
A l’OCDE comme à l’éducation nationale, la question de la réduction du nombre d’élèves par classe est devenue un véritable tabou. On s’appuie sur des études de l’OCDE et une expérience menée en 2002 pour en contester l’effet. » Les effets de la variation de la taille des classes sur la performance des élèves ne sont pas étayés par des éléments probants », écrit » Regards sur l’éducation », une publication de l’OCDE en 2011 . « Les recherches menées dans ce domaine controversé n’ont pas permis de tirer des conclusions cohérentes, même s’il apparaît que les classes moins peuplées pourraient avoir un impact sur des groupes spécifiques d’élèves, notamment les élèves défavorisés ». Des études françaises vont dans le même sens. Ainsi, en 2001, une étude de Denis Meuret pour le Haut Conseil à l’évaluation de l’école avait conclu en insistant sur les limites de la réduction de la taille des classes et vivement critiqué les dédoublements. « Les recherches ne justifient donc certainement pas une réduction de la taille des classes (RTC) “ au fil de l’eau ” qui procède du fait qu’il est difficile de retirer un poste ou de fermer une classe lorsque les effectifs baissent, ni une baisse générale de deux ou trois élèves par classe. C’est le résultat le plus clair des études menées en France », écrivait-il. Le raisonnement de l’OCDE ou de Denis Meuret c’est qu’il ne suffit pas de réduire le nombre d’élèves pour que la pratique pédagogique de l’enseignant change. Ainsi l’essai des CP dédoublés en 2002 avait été évalué négativement. On avait allégé les effectifs mais les enseignants avaient enseigné comme avant et l’effet du dédoublement sur les résultats des élèves avait été à peu près nul. En 2012, la concertation a à nouveau écarté cette possibilité. Et le ministère a fait le choix, avec l’agrément des syndicats du « plus de maîtres que de classe », une formule qui impose de changer les pratiques pédagogiques.
Pourtant la France a des classes particulièrement chargées. Pisa montre aussi que la France a un nombre d’élèves par classe supérieur à la moyenne de l’OCDE aussi bien au primaire qu’au collège. Parmi les pays développés, seuls la Corée du Sud et le Japon ont plus d’élèves par classe. Mais ces moyennes cachent deux particularités françaises. La France est un des rares pays où la taille des clases a augmenté entre 2000 et 2010 (+3,4%). A l’exception de l’Italie et des Pays-Bas, tous les autres pays développés ont diminué le nombre d’élèves par classe en moyenne de 7%. La France a aussi un des taux d’encadrement (nombre d’adultes pour 100 élèves) les plus bas. C’est vrai au collège et encore davantage au primaire.
Pourtant d’autres travaux ont montré l’effet positif de la réduction de la taille des classes. A la fin du 20ème siècle, l’enquête américaine STAR, s’appuyant sur des échantillons, avait mis en avant l’efficacité de la réduction de taille des classes mais sans montrer d’effet durable. En 2006, la célèbre étude de Thomas Piketty a calculé l’effet qu’aurait une réduction du nombre d’élèves sur la réussite scolaire. Ce travail est repris et développé par Mathieu Valdenaire dans sa thèse soutenue en juin 2011. La grande force de ce travail c’est de s’appuyer sur une méthode incontestable. Elle joue sur les effets de seuil qui font que de façon aléatoire certaines classes sont éclatées en deux groupes classes. A l’école primaire, aujourd’hui, l’écart entre une école prioritaire et une non prioritaire est de deux élèves, 21 élèves par classe dans l’une, 23 dans l’autre. M Valdenaire a calculé l’effet d’une diminution de 5 élèves par classe en zep. « La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait dans notre hypothèse basse, à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée ». Si l’impact est faible au lycée, il est majeur à l’école. M. Valdenaire posait la question de la faisabilité et il proposait de financer l’augmentation des postes en zep par leur réduction dans les écoles de centre ville, l’impact sur les résultats du passage de 23 à 24 élèves dans ces écoles non zep étant d’après lui infime. Autrement dit, pour lui, on peut diminuer significativement le nombre d’élèves par classe à coût constant en réaffectant des enseignants moyens entre écoles populaires et écoles plus favorisées. Plus récemment, en avril 2013, une étude de Peter Fredriksson (Université de Stockholm), Björn Öckert (Uppsala University) et Hessel Oosterbeek (Université d’Amsterdam) sur le devenir de jeunes suédois âgés de 10 à 13 ans entrés à l’école entre 1967 et 1982 a mis en évidence l’effet durable de la réduction de la taille des classes par les mêmes effets de seuil. D’après les auteurs, « réduire la taille des classes est bénéfique dans les tests cognitifs et non cognitifs à l’âge de 13 ans et 16 ans… Plus important, nous trouvons que des classes plus petites augmentent la durée de l’éducation, les salaires et les revenus à 27 ans et 42 ans ». Autrement dit l’effet est durable à 16 ans, trois ans après la sortie du primaire en Suède, et bien au-delà. L’effet est permanent. Pour les auteurs, « réduire d’un élève par classe dans les 3 dernières années du primaire (de 10 à 13 ans) augmente la durée de l’éducation de 20 jours ». Cela augmente donc la probabilité d’accéder à l’enseignement supérieur. La même réduction se traduit par une hausse de 1,2% du revenu. Ils calculent aussi le rapport coût / bénéfice pour monter que le rapport est positif pour l’Etat. On notera au passage l’effet sur les tests non cognitifs.
Or réduire le nombre d’élèves en classe a un effet certain sur le climat de la classe. Il est possible que l’enseignant ne soit pas capable de personnaliser davantage son enseignement. Mais tout enseignant sera plus à même d’établir un climat plus propice aux études dans une classe à effectifs réduits. C’est encore plus vrai dans les établissements populaires qui sont les plus touchés par le désordre scolaire et où il faut de grandes capacités pédagogiques pour assurer un climat favorable aux études. Si assurer un bon climat en classe est un gage de réussite scolaire, alors réduire le nombre d’élèves par classe significativement est un bon levier pour la réussite scolaire, particulièrement pour les jeunes des milieux populaires. En faisant le choix du « plus de maîtres que de classes », le ministère a préféré un dispositif ambitieux qui suppose d’élever le niveau de formation pédagogique des communautés éducatives pour être efficace. Peut-être aurait-il été plus simple de cibler l’amélioration du climat scolaire par la réduction du nombre d’élèves par classe.
François Jarraud
Sur l’étude suédoise et la réduction du nombre d’élèves par classe