Par François Jarraud et Jeanne-Claire Fumet
Christine Froté mérite bien de faire partie de ces profils d’enseignants que le Café vous invite à découvrir cet été. Christine nous montre ce que peut être la force d’une école en lien avec sa communauté. Parce que de la force, Christine en a à revendre…
« Les parents ont joué le jeu », résume Christine. Pourtant, après une trentaine d’années dans différents postes, dans son département de la Haute-Saône, Christine Froté venait de la ville. Nommée directrice, à la rentrée 2010, dans le petit village d’Aumance (697 habitants), à une trentaine de kilomètres de Vesoul, elle dirige une école de 7 classes. S’y côtoient les enfants d’une dizaine de villages. Nombre d’entre eux sont nouveaux : ils viennent de voir leur école fermer. » C’est dur dans un village quand l’école ferme. Je voulais qu’ils fassent de l’école d’Aumance leur école », nous dit Christine.
Un projet d’école. Alors la voilà partie dans un projet téméraire : organiser une fête médiévale qui clôturerait des projets de classe et réunirait tout le monde. Observez le tableau. La dame Christine, tout juste arrivée, qui part séduire ses collègues et les villageois. Car le projet entraîne toutes les classes de la petite section au CM2. Dans sa classe, Christine fait travailler ses CP sur le conte et la légende arthurienne, des poésies et un jardin médiéval. Les CE1 apprennent à danser comme au Moyen-Age avec des jeux d’adresse de l’époque. Les CE2-CM1 préparent une pièce de théâtre. Les CM2 chantent. Tout ce petit monde travaille sur l’histoire du village avec les archives départementales. Avec l’objectif d’une grande fête le 28 mai 2011.
Une fête médiévale pour s’enraciner. Christine arrive à convaincre bien au-delà des murs de l’école. La fête de l’école va devenir celle des villages du secteur scolaire. Christine décroche le ferme soutien du maire, président de la communauté de communes. Elle sait ouvrir bien d’autres portes. Les artistes en résidence dans la communauté viennent animer des ateliers conte et poésie. La médiathèque de Vesoul offre ses services et sa bibliothèque, laquelle fonctionne au village grâce à une bénévole locale. L’herboristerie voisine offre des graines pour monter le jardin médiéval que les écoliers bichonnent. Leurs parents s’offrent pour labourer le terrain et apporter leur aide. Une architecte paysagiste en dessine le plan avec les enfants. Le club du 3ème âge multiplie sa présence pour raconter l’histoire du village et en organiser une étude très précise. Ils seront aussi là pour confectionner les costumes médiévaux. Ils amènent leurs petits enfants qui offriront des combats médiévaux et de la musique médiévale. Le 28 mai, près de 300 parents participent au repas collectif, accompagnés de 150 enfants. Ce sont les villageois qui ont pris en charge la cuisine et le service.
Une mobilisation générale qui n’est pas sans enjeux pour l’école. Menacée un moment de fermeture pour l’une de ses classes, l’école a pu compter sur la dynamique insufflée par sa directrice. Les parents des villages voisins, qui ont vu fermer une à une leurs écoles locales, ne sont pas prêts à abandonner ce bastion d’une scolarité proche des lieux et des gens. Le travail mené par Christine Froté, avec le soutien de la DRAC, l’Inspection académique de Haute-Saône et la communauté de communes, dans le cadre d’un Contrat Local d’Éducation artistique, donne à cette détermination une allure festive et conviviale qui s’élargit progressivement aux alentours d’Amance et se propage bien au-delà. Pour Christine Froté, la recherche pédagogique continue dans d’autres directions : elle prépare déjà une étude entomologique liée au jardin médiéval, les « hôtels d’insectes », et un projet d’herbier numérique trilingue.