Par Rémi Boyer
Un long parcours au service de la pédagogie
Quel a été votre parcours professionnel ?
« Après mon Bac en 1967, je me suis orientée vers les sciences naturelles : maîtrise, DEA, puis agrégation des sciences de la vie et de la terre (SVT) en 1973. J’ai d’abord enseigné 9 ans en collège, puis 9 ans au lycée, tout en poursuivant mes recherches (Thèse de Doctorat en Biologie Animale obtenue en 1980) avant de passer tout naturellement le concours d’Inspecteur Pédagogique Régional en 1993. J’ai exercé ces fonctions 7 ans dans l’académie de Poitiers, puis 4 ans à Paris, avant d’obtenir un détachement au Centre national d’enseignement à distance (Cned) depuis 4 ans. »
Lorsque vous étiez enseignante, quelle était votre activité pédagogique ?
« J’animais des clubs nature, je m’occupais du laboratoire de sciences naturelles au lycée, je menais des débats en lien avec l’Education civique juridique et sociale (ECJS), j’étais adulte relais pour les questions de drogue, et j’ai mené un projet en 1989 sur les savants et la Révolution Française. J’ai souvent été conseillère pédagogique, et je menais des recherches avec l’inspection en évaluation et sur la didactique en SVT. J’avais des classes avec des élèves en difficulté, j’ai eu des 5e de transition, des classes de Terminale avec doublants et triplants. J’ai aussi été jury de concours (Capes et agrégation internes), vice-présidente du Capes spécifique, et j’ai présidé tous les concours des agents de laboratoire.»
Actuellement, quelles sont vos fonctions au Cned ?
« Je suis directrice adjointe à la formation en charge des questions scolaires (DAESCO). J’assure :
– le pilotage et la coordination des instituts scolaires du Cned de Toulouse (Primaire), de Rouen (Collège), de Rennes, de Grenoble et de Lyon (Lycées).
– une mission de veille et pilotage pour accompagner les équipes dans la rénovation pédagogique et la mise en conformité aux programmes et aux instructions officielles de toutes les disciplines,
– une veille externe, en entretenant des relations étroites avec la Direction Générale des Enseignements Scolaires (DGESCO) ministérielle, l’Inspection Générale (IGEN) et les autres services (SD-TICE par exemple pour la mise en place du B2i).
– l’accompagnement des enseignants du Cned : auteurs, correcteurs, tuteurs.
• Pour les auteurs, mon objectif est d’accompagner leur travail par des groupes d’experts (IEN, IPR, IGEN) pour valider leurs productions. J’aide à trouver des ressources et de m’occupe des droits d’auteur en supervisant la création de sites (en langues, en histoire des arts, en développement durable).
• Pour les correcteurs, qui sont des professeurs isolés qui corrigent des copies au Cned, je considère que leur rôle pédagogique est essentiel, car il inclut une médiation étroite avec les élèves. La formation des professeurs affectés sur des postes à courte durée (PACD) et sur des postes à longue durée (PALD) doit être très positive, avec l’apprentissage d’une aide à la remédiation, un encouragement aux enfants. J’essaie d’accompagner le Cned dans la mise en place des copies numériques, écrites et orales, dans un souci de modernisation, ce qui permet aussi d’abaisser les coûts et les délais postaux. J’aimerais développer davantage la formation de ces correcteurs en évaluation et en docimologie, pour qu’ils aient de meilleures notions en évaluations formative et sommative.
• Pour les tuteurs, le tout à distance n’est pas possible. On se rend compte qu’il faut mettre plus d’humain dans la formation, puisque le tutorat y est de plus en plus présent. Il faut être réactif et proactif dans ce domaine. Le tutorat prend une forme de préceptorat, en étant proche des attentes de l’inscrit. Nous avons de plus en plus de demandes de regroupement des inscrits sur certaines formations, ce qui rend les formations hybrides nécessaires.
– mon rôle est aussi d’accompagner les productions audiovisuelles et multimédia, d’accompagner les créations et productions de DVD. Nous sommes par exemple très sollicités dans la Vienne par l’Institut de la Prospective, où nous réalisons une fois par mois un DVD sur des conférences au Futuroscope. Mon travail est de scénariser les DVD, de rencontrer l’interviewé, de lui proposer des questions, et de coordonner la réalisation avec la responsable des productions audiovisuelles de la Direction Générale, Catherine Robin. »
Quelles autres activités avez-vous menées en parallèle de vos activités d’enseignante au cours de votre carrière ?
« Le montage d’universités d’été. J’ai organisé sept universités d’été en Poitou-Charentes, dans le développement durable, sur la protection des zones humides, les relations avec les collectivités territoriales, la paléontologie. A chaque fois, il y avait une cinquantaine de stagiaires, une quinzaine d’intervenants, et cela se déroulait sur une semaine. En amont, je m’occupais de prospecter les intervenants, je gérais le budget de chaque manifestation, je réservais les lieux de résidence, j’organisais les excursions. En aval, je mettais en production la publication demandée par le ministère. J’ai aussi été pilote pour l’environnement et le développement durable dans l’académie de Poitiers, je suis membre du conseil scientifique de l’aquarium de La Rochelle, de l’espace Mendès France de Poitiers, et j’ai participé à la création de l’Institut Français de Recherche et de Formation en Environnement (IFREE). »
Quelles compétences aviez-vous développées dans l’enseignement ?
« J’ai été une bonne prof ! Je savais travailler en équipe, disciplinaire et pluridisciplinaire, je faisais preuve de beaucoup d’empathie avec mes élèves, le courant passait bien, j’étais très motivée par ma discipline et par mes élèves. J’étais une personne active, militante, très à l’écoute des autres, très exigeante vis-à-vis de moi-même et de mes élèves. J’ai été une enseignante heureuse. »
Quelles étaient vos activités en tant qu’IPR ?
« J’ai vécu mon métier d’IPR dans la continuité de mon métier d’enseignante. J’étais assez active et professionnelle, d’un abord facile, dynamique, positive, avec une passion pour la formation, le travail d’équipe. J’ai eu des responsabilités de cadre supérieur liées à ma discipline d’enseignement. J’étais par exemple conseiller technique du recteur, plus précisément pour les collèges, pour qui je rédigeais des notes de synthèse ou des notes politiques. Mon rôle était aussi de gérer la carrière des enseignants par les inspections et la notation. J’avais aussi une responsabilité pédagogique, avec l’accompagnement de la mise en œuvre des programmes. J’ai eu l’occasion de participer à leur conception, de répondre à différentes enquêtes nationales, en lien avec l’IGEN. En 1995, sous le ministère de Jack Lang, j’ai été responsable nationale de l’enquête en sciences naturelles.
J’ai aussi participé à des rapports collectifs de jurys de concours, et en tant qu’IPR, je réalisais chaque année un rapport de mes activités, sur le plan qualitatif et quantitatif, sur les stages de formation, la gestion des carrières, le nombre de professeurs que j’avais inspectés, etc. »
Actuellement, à la DAESCO, gérez-vous du personnel ?
« J’ai une petite équipe : un chargé de mission et une assistante secrétaire. J’ai ainsi appris à construire une fiche de poste. Je gère avec la DRH et les directeurs d’instituts près d’un millier d’enseignants (PACD, PALD, Détachés, mis à disposition). Pour l’ensemble de mes missions, j’ai reçu du Recteur, Directeur général du Cned, une lettre de mission. »
Que conseilleriez-vous à une personne tentée par une carrière ou une seconde carrière dans l’enseignement ?
« Surtout, il faut le faire : ça redonne de l’énergie, du dynamisme, ça fait voir autre chose. Néanmoins, il ne faut pas rester tout le temps dans le même poste, il faut changer d’établissement tous les 6 à 7 ans pour ne pas se scléroser. Enseigner en seconde carrière, c’est aussi une très bonne idée. »
Qu’est-ce qui conduit à passer de l’enseignement à la fonction d’IPR ?
« C’est d’abord spontané, la passion pour sa discipline d’enseignement, une envie de faire les choses autrement. Et puis, on n’est pas aussi énergique à 60 ans qu’à 30 ans devant ses élèves. Devenir IPR, c’est continuer autrement sa mission de service public, c’est aussi travailler pour les élèves. Il faut beaucoup de rigueur intellectuelle et une grande loyauté au service public pour faire ce métier, et nous sommes tenus à un devoir de réserve. »
Que conseiller à un enseignant qui souhaite quitter l’Education nationale ?
« D’avoir la gniake ! Du courage, de la volonté, et faire gaffe…Ne pas jeter la proie pour l’ombre, car quand on démissionne, la sécurité de l’emploi n’est plus assurée, c’est un autre mode de management. Surtout, bien réfléchir, bien se renseigner. Pour créer sa boîte, il faut s’initier à l’informatique, au droit, à la gestion, acquérir de nouveaux savoir-faire et savoir-être. Il faut aussi prendre le temps d’un deuil de ses fonctions enseignantes pour aller vers autre chose. Il faut trouver aussi quelqu’un pour vous accompagner, vous tutorer dans cette nouvelle étape. »
Que vous inspire une association comme Aide aux Profs ?
« C’est génial ! Le professeur est « handicapé » par rapport aux autres travailleurs. Il ne connaît pas l’ANPE, ni le chômage. Son salaire tombe tous les mois, quoi qu’il arrive. Il est libre dans sa classe, indépendant, il exerce une profession plus ou moins libérale. Mais il peut déprimer rapidement s’il n’est pas accompagné dans ses difficultés, ou dans sa mobilité hors de l’enseignement. C’est évident qu’il est difficile de supporter les enfants pendant une carrière de plus de 40 ans. Il y a une sclérose, une inertie qui s’installent, qui font le lit de la dépression, surtout s’il reste seul. »
A 59 ans, avez-vous envie de prendre votre retraite ?
« Il me reste 3 ans à travailler encore, et je suis prête à changer de travail. Je reprendrais bien mes fonctions d’IPR ou j’irais bien travailler en collectivité territoriale, à la Région Poitou-Charentes par exemple, pour une mission de formation, pourquoi pas dans le domaine de l’environnement. »