L’arc-en-ciel : le mot à lui seul évoque mille et une représentations magiques chez l’enfant. Colette Cayla l’a transformé en objet d’enquête scientifique pour les 15 élèves de MS de sa classe de double niveau PS/MS. Ce projet a reçu le premier prix ex-aequo de la Fondation LAMAP décerné tous les ans à des classes et des enseignants qui ont mené des projets scientifiques ambitieux et emmené la pratique scientifique expérimentale dans les écoles.
Depuis des années, les questions des enfants sur l’arc-en-ciel nimbées de merveilleux interpellent Colette Cayla. Cette envie de percer avec les enfants les secrets des couleurs et de la formation de l’arc-en-ciel s’est réalisée grâce à un ambitieux projet scientifique mené avec la participation de deux étudiantes dans le cadre du programme d’Accompagnement en Sciences et Technologie à l’école primaire (ASTEP) mis en place par la Fondation de la Main à la Pâte.
Colette Cayla enseigne depuis 11 ans, elle est aussi directrice de l’école maternelle Henri Dès de de Notre Dame d’Oé (Indre-et-Loire). Mme Cayla n’est pas scientifique mais baigne dans un entourage scientifique. Toutefois, l’origine du projet est dans la rencontre avec Emmanuel Thibault, professeur de physique au lycée Vaucanson (Tours) et coordonnateur départemental à la culture scientifique et technique qui lui fait connaître l’ASTEP. Ainsi, Mme Cayla pouvait aussi jeter des passerelles entre les plus grands et les plus petits et faire travailler lycéens et élèves de maternelle ensemble.
Quelle motivation a alimenté ce projet en premier lieu ?
C’est un partenariat avec le lycée de Vaucanson. M. Thibault, enseignant de physique, mène des projets scientifiques et les élèves du lycée sont venus pour nous faire une démonstration du ballon solaire. Mais alors pourquoi pas avec des maternelles ? Pourquoi pas nous ? Nous sommes aussi capables d’expliquer aux copains, lycéens et aux adultes et de montrer nos expériences.
Quels sont les apports des projets scientifiques pour les élèves de maternelle ?
Je citerai indifféremment une ouverture d’esprit sur ce qui les entoure, le développement personnel, l’aptitude à travailler en groupe et à organiser leur réflexion. Les élèves apprennent aussi à présenter leur travail à l’oral. Même les enfants réservés se sont révélés grâce à ce projet scientifique. Mais aussi, ils ont développé l’aptitude à poser des questions sur des phénomènes naturels et à suivre une démarche scientifique : question, formulation d’une hypothèse, manipuler, et interpréter les résultats.
Du fait du jeune âge des élèves en maternelle c’est l’enseignant apporte au départ la question avec pour objectif : partir d’observations simples puis faire des petites expériences qui font réfléchir, valident ou non les hypothèses de départ. Cette étape est également importante car elle renforce l’acquisition du vocabulaire spécifique.
Comment vous avez provoqué la réflexion chez les élèves ?
Nous avons commencé par la lecture d’un album à partir duquel les deux étudiantes engagées dans l’ASTEP ont déterminé ce que les enfants connaissaient au préalable sur les couleurs et l’arc-en-ciel. Pour comprendre ce phénomène, nous avons aussi regardé une petite vidéo.
Les enfants se sont mis à faire des propositions de manipulations pour reproduire un arc-en-ciel en classe. Les élèves peuvent tester leurs idées, expérimenter et faire des erreurs, tant que nous savons où nous les emmenons. La première proposition impliquait l’utilisation d’un pichet et d’un verre d’eau et nous n’avons pas réussi. Nous avons ainsi laissé les enfants tâtonner. De même pour essayer de reproduire les mélanges de couleurs. La première idée testée par les élèves était d’utiliser les feutres et les crayons de couleurs et cela n’a pas fonctionné.
L’étayage langagier du professeur est primordial pour emmener les solutions expertes. Par exemple, pour fabriquer des couleurs nous nous sommes mis à examiner les éléments colorés autour de nous. Il a suffi que je prononce le mot « écraser » pour que tous ces objets familiers deviennent aux yeux des enfants autant de sources de couleur. Le support langagier s’avère ainsi un déclencheur de l’expérimentation scientifique des tous petits.
Petit à petit les enfants, ont compris la nécessité de reproduire une expérience pour la faire comprendre aux autres et qu’il ne suffit pas de partager le résultat consigné dans le cahier d’expérience. De cette manière, ils ont substitué la « boîte noire » au cagibi qui n’était pas reproductible auprès des autres camarades.
Les élèves avaient de nombreux interlocuteurs extérieurs. Comment avez-vous conçu et organisé l’apport de chacun ?
J’avais une vue d’ensemble du projet. Les étudiantes engagées dans l’ASTEP étaient profondément impliquées dans le projet. On en discutait en amont autant pour le déroulé des séances que pour l’organisation. On faisait également des bilans de chaque séance. Nous avons bien-sûr eu des soucis d’organisation ou de matériel. Il a fallu être inventif, remplacer les outils inadéquats par d’autres, etc.
Les lycéens nous ont apporté les solutions expertes. Après plusieurs tentatives infructueuses de reproduction d’arc-en-ciel dans la classe, les lycées ont emmené un prisme en classe. Le professeur d’optique du lycée ainsi que quelques élèves se sont proposés pour faire la manip » avec mes élèves. Les maternelles ont démarré la séance par la présentation de leur propre projet et ont conclu qu’ils ne savaient pas reproduire un arc-en-ciel, la maîtresse non plus. Les « grands » sont arrivés avec la méthode experte et en plus sans mettre de l’eau partout !
L’objectif pour les élèves était de présenter leurs travaux aux camarades de l’école mais également à la journée des jeunes chercheurs au lycée et il fallait les préparer. Un chercheur, mon époux, est venu dans la classe pour les « coacher » à l’oral ! Je voulais que les enfants apprennent à répondre à toutes les questions, même celles d’un adulte.
Qu’apporte la pratique des sciences en maternelle à la posture d’enseignant ?
Je suis désormais convaincue qu’en laissant les enfants observer, manipuler, ils sont à même de raisonner. Si on prend le temps de le faire, ils peuvent expliquer des choses même compliquées pour les adultes. Mais aussi avec les sciences, je les ai fait progresser dans d’autres domaines : langage oral, le dessin pour exprimer et expliquer, à l’écrit grâce à la rédaction de légendes. Mes collègues confirment que mes élèves de l’année dernière sont plus mâtures, ont une bonne maîtrise de l’oral et surtout ce sont des enfants qui posent des questions.
Propos recueillis par Ange Ansour
Liens
Site du projet de Colette Cayla