Que savons-nous des attentes, des espoirs et des déceptions des lycéens vis à vis de leur établissement ? Rendus publics le 7 février, les résultats d’une grande enquête à laquelle ont participé près de 18 000 jeunes franciliens dresse pour la première fois le portrait de jeunes inquiets des discriminations et désireux de s’investir davantage dans leur lycée. La région Ile-de-France se propose justement de les associer plus étroitement à leur vie.
« Longtemps on n’a consulté personne. Puis les proviseurs, les enseignants et le Conseil d’administration, et finalement le Conseil de la vie lycéenne (CVL) et les élèves. C’est important et ça change le climat dans l’établissement ». Présentant le 7 février les résultats de la grande consultation menée auprès des lycéens franciliens, Henriette Zoughebi, vice-présidente de la région Ile-de-France en charge des lycées, ne boude pas sa joie. Pourtant la consultation n’est pas toujours tendre pour l’action régionale. Mais elle semble nécessaire au fonctionnement des établissements.
D’octobre 2013 à janvier 2014, près de 18 000 lycéens ont rempli un long questionnaire sur la vie au lycée, la réussite et la démocratie au lycée. C’est devant un millier de lycéens , le 7 février, que le président de la région, Jean-Paul Huchon, et la vice-présidente en charge des lycées, Henriette Zoughebi, en ont tiré les enseignements. Ils ont aussi proposé des actions innovantes pour faire avancer les idées des lycéens.
Du bonheur d’être lycéen
« On dit trop souvent de vous que vous êtes sans espoir, sans projet, individualistes et que vous voulez fuir la France. A l’encontre de toutes ces idées reçues, vous déclarez que vous avez de l’ambition, des projets, le désir de réussir ». Henriette Zoughebi tire la première conclusion de l’enquête. 82% des lycéens s’estiment heureux, avec certes des différences entre l’Esssonne (89%) et la Seine Saint-Denis (77%). 72% jugent leur lycée bien adapté à leurs besoins. 71% s’estiment en sécurité au lycée (77% à Paris mais 59% en Seine Saint-Denis) et 64% s’estiment bien préparés à la vie professionnelle. 21% des lycéens estiment perdre leur temps au lycée. Là l’écart n’est pas social mais entre les sexes : 18% des lycéennes, 25% des garçons.
Les angoisses lycéennes
Ce qui préoccupe les lycéens c’est la charge de travail (77%) mais aussi le manque d’ouverture du lycée sur l’extérieur (62%) et l’état des bâtiments (60%) avant la violence et les discriminations (53%). La charge de travail est davantage ressentie en général (83%) qu’en professionnel (65%). 70% des lycéens déclarent avoir déjà un projet de vie et la réussite pour eux passe par exercer le travail de leurs rêves.
Les jeunes savent qu’il n’y a pas égalité des chances entre les lycées, voir à l’intérieur du même lycée. Une élève du lycée Eugénie Cotton de Montreuil explique que son lycée est divisé en deux entre le général et le professionnel. Il a fallu imaginer de véritables portes ouvertes à l’intérieur du lycée pour que les deux parties se connaissent mieux. Ils sont très sensibles aux discriminations au lycée même si 47% pensent qu’elles diminuent contre 11% qui les voient augmenter. Cette sensibilité est ressentie également dans les différents départements. « Quand je vais dans les lycées, même à Neuilly les jeunes me disent ressentir les inégalités et les vivre comme des injustices », explique H Zoughébi. « C’est partagé par tous les jeunes et ressenti dans toutes les couches sociales ». Les inégalités sociales, raciales et territoriales arrivent en premier dans le sondage. Mais à l’applaudimètre, dans la salle , le 7 février, c’est l’allusion d’Henriette Zoughebi aux inégalités de sexe et au programme ABCD de l’égalité qui accueillent le plus d’applaudissements.
Les revendications
Les demandes des lycéens portent sur ces différents aspects. Les jeunes demandent des stages en entreprise pour 53% d’entre eux. Ils souhaitent un meilleur aménagement des cours. « On aimerait moins de personnes dans les classes pour lieux travailler », dit un lycéen. « Faire des journées avec moins d’heures de permanence' ». ‘Il faudrait que l’on soit mieux accompagné dans l’orientation ». « Soutenir davantage les élèves en difficulté ». Mais les jeunes veulent d’abord être entendus dans le lycée. Pour 85% d’entre eux c’est important. Ils veulent pouvoir choisir des animations (44%), décider des règles de vie (35%) et être plus actif dans elchoix de l’orientation (32%). 58% estime que leur avis n’est aps pris en compte dans l’établissement.
La réponse de la région
Jean-Paul Huchon et Henriette Zoughebi ont avancé des propositions en tirant partie de l’enqête. Elle a annoncé la présentation le 13 février d’un plan de maintenance des lycées. « Dans ce plan je souhaite que les toilettes soient traitées en priorité ». C’est en effet un problème mis en avant par les conseils de vie lycéenne (CVL). Les CVL seront dorénavant associés à la réflexion sur la conception des futurs lycées. Plus généralement, H Zoughebi a annoncé que les élus des CVL et les jeunes du Conseil régional des jeunes définiront un dispositif permettant aux lycéens de saisir directement le conseil régional pour se faire entendre.
Restent bien d’autres points qui échappent à la région : l’absence de dialogue entre jeunes et adultes, la charge de travail, l’efficacité de l’orientation, la demande de stages en entreprises et d’ouverture sur l’extérieur des lycées. Présente à la journée de publication des résultats, Florence Robine, rectrice de Créteil, a souligné sa volonté d’avancer avec la région sur ces chantiers. Il faudra peut-être davantage qu’une enquête pour amener région, rectorat et lycéens à travailler ensemble à améliorer le lycée. Mais déjà, le 7 février, la consultation des lycéens a regonflé les élus des CVL et relancé le dialogue éducatif dans la région.
François Jarraud