On était aller voir ce qui se passait dans les écoles de Béziers, la ville de Robert Ménard, en octobre 2015 (1). Alors que l’on prévoit une poussée de la candidate frontiste à la présidentielle, on a eu envie d’y revenir. Résultat : rien de très spectaculaire mais une ambiance qui se détériore et une défiance qui s’enracine entre la communauté éducative et la municipalité.
Deux nouveautés vont marquer la rentrée à Béziers. D’abord, la suppression de tous les projets Patrimoine, culturels et sportifs. Créés il y a une vingtaine d’années, ils recueillaient un franc succès. Quelque 1500 élèves en bénéficiaient, sur les 7000 en élémentaire, avec visites de musées, du canal du Midi, découverte de l’éco-système fluvial, club rugby….
Motif avancé par la mairie : la ville n’a plus les moyens de les financer à cause de la réforme des rythmes scolaires. Les animateurs sont désormais affectés en priorité aux activités périscolaires organisées dans le cadre de cette réforme.
Difficile de ne pas y voir d’arrière-pensées politiques. Robert Ménard avait été l’un des derniers maires récalcitrants à refuser de mettre en place la semaine de cinq jours, avec ces fameuses activités.
» C’est vraiment dommage, c’était une ouverture, explique Sébastien Moreno, le délégué départemental du syndicat SE-UNSA, par ailleurs directeur d’école en éducation prioritaire à Béziers. Il y a là une volonté du maire de segmenter les apprentissages et de revenir en arrière. »
Hors contrat
La seconde nouveauté est l’ouverture d’une école hors contrat dans le quartier de la Devèze, le plus défavorisé de Béziers. Lors de ses réunions de février puis de mars, le conseil municipal a avalisé la mise à disposition d’un terrain communal et l’autorisation de construire des préfabriqués.
L’école devrait s’appeler Cours Gustave Fayet, du nom d’un peintre local. Elle prévoit des classes à petits effectifs, des polos en guise d’uniforme, un recentrage sur les apprentissages fondamentaux et l’inculcation des valeurs européennes.
La presse avait parlé un peu hâtivement d’une école Espérance Banlieues. Ces écoles, qui ont le vent en poupe, sont placées sous l’égide de la Fondation pour l’école proche des milieux traditionalistes de la Manif pour tous.
Mais le 7 mars, un communiqué (2) de la Fondation Espérance Banlieues a démenti que le futur établissement appartienne à son réseau. » Pour en faire partie, il faut signer une convention avec nous, ce qui n’est pas le cas ici « , a assuré son président Eric Mestrallet.
Viticulteur
C’est une association totalement inconnue qui va gérer l’école : la Tour de l’espérance. Son site (3), qui vient d’être créé, indique seulement qu’il s’agit d’une association loi 1901 qui organise et gère des établissements scolaires.
Les médias locaux ont fait le rapprochement avec le projet d’une école alternative, débarrassée de la tutelle publique, d’un viticulteur local Pascal Marié. Il faisait partie des intervenants au » Rendez-vous de Béziers » organisé en mai 2016 par Robert Ménard pour rassembler la droite dure et l’extrême droite.
» L’école sera installée sur le site d’un ancien centre aéré, ce qui est symbolique de la vision du maire, souligne Sébastien Moreno. Nous allons suivre le projet et vérifier que la mairie ne le finance pas, ce qui serait illégal s’agissant d’une école hors contrat. »
Force tranquille
Si l’on se souvient des intentions initiales du maire, l’école s’en sort plutôt bien. Robert Ménard, grand partisan de l’enseignement catholique et de l’uniforme, voulait faire voter chaque conseil d’école sur le port de blouses par les élèves. Il a échoué. De même, le comptage et le fichage des enfants musulmans n’a finalement pas eu de suite.
Comment expliquer cette relative impuissance ? » Les provocations du maire vis-à-vis de l’école ont eu tendance à diminuer, souligne Sébastien Moreno, il a fait face à la force tranquille de la communauté éducative et des parents d’élèves. «
C’est plutôt l’atmosphère tout autour qui est pesante. » Quand vous vous rendez dans votre école et que vous passez devant les grands panneaux de la mairie avec des migrants déferlant sur la ville, un policier municipal brandissant son Magnum ou le maire bâillonné car il n’a pas pu organiser son référendum sur les réfugiés, cela pèse « .
Défiance
» De plus, poursuit Sébastien Moreno, lorsque l’on est dans une ville moyenne comme Béziers, la commune est la base de tout pour l’école : elle finance, elle accueille… Or dans les réunions des conseils d’école, la défiance est réciproque avec les élus. Toutes les propositions des uns et des autres sont questionnées. On se sent mis en cause car on sait que le maire n’aime pas les enseignants, des gauchistes pour lui. On sent que ça pourrait dégénérer car il y a une agressivité sous-jacente. En fait, on se retrouve dans une insécurité professionnelle, un climat pas vraiment serein ».
» On résiste pacifiquement, conclut le militant syndical. Nous les enseignants formons une communauté, tous dans la même catégorie, et un réflexe de corps permet de résister. S’il y avait davantage d’autonomie comme le promettent certains, on se sentirait plus seuls, ce serait plus risqué. En fait c’est cette force d’inertie, souvent critiquée pour bloquer l’innovation, qui fait ici la différence. »
Véronique Soulé
(1) Voir une précédente chronique
(2) le communiqué de la fondation Espérance Banlieues sur le projet d’école biterroise
(3) le site extrêmement sommaire de l’association la Tour de l’espérance
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