« Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l’issue de l’aube que le bougeoir du crépuscule ». Ainsi René Char parlait de la liberté. La ligne blanche, frontière que les représentations collectives, trace de la tolérance, droite du supportable vaut aussi pour la politique. A partir de quelle mesure, de quelle annonce l’opinion pose t’elle une ligne blanche? Et cette ligne blanche a t’elle force de loi tacite s’affranchissant des méandres d’un processus législatif ? Les débats sur l’école recueillent les projections personnelles en écho, de multiples interprétations qui au final se mélangent dans un tableau protéiforme aux lointaines ressemblances avec les intentions de départ. Dans les repas de famille, sans doute n’a t’on jamais autant parle de l’école. Le Ministre de l’éducation s’en réjouit certes mais les paroles portent bien souvent les reflets de son vécu plus que les piliers de l’intérêt général.
« Déjà que les élèves reviennent excités de la cantine, qu’est ce que ce sera avec une pause méridienne allongée » dit une soeur instit. La cousine dont les enfants fréquentent le centre de loisirs renchérit « les animateurs du centre ils ont juste leur Bafa, je vois pas comment ils pourraient faire du soutien en maths » Le frère qui vit dans le Sud « oh et puis ces vacances raccourcies c’est n’importe quoi! Je sais pas qui lui souffle ces idées a Peillon! Certainement pas un énarque du Sud. Chez nous sans clim a partir de juin, tu peux plus bosser »
Alors face a cet hallali nourri par le pseudo bon sens, une petite voix s’immiscer dans le débat « non mais je crois que rien n’est ficelé, c’est au niveau local que l’on doit imaginer les choses. » Ah oui s’exclament les trois autres. Et la prof de conclure « Peillon il sait pas comment faire alors il nous balance le bébé et hop ni vu ni connu ».
Pendant ce temps, le ministre allonge sa foulée de coureur de fond. Vincent Peillon ne ménage pas sa peine pour convaincre et convaincre encore que la reforme est nécessaire et urgente: visites en Province, plateaux de télévisions, studios de radios. On l’a vu à « on n’est pas couché », moucher de formules brillantes ses contradicteurs peu affutés. On l’a croisé à Narbonne répondant avec délice à des élus locaux dont la prévenance modérait les doutes. On l’a entendu sur BFM effectuer une nouvelle annonce puis l’édulcorer sur i-tele : celle de vacances d’été raccourcies à six semaines De part et d’autre, la ligne blanche peut être ligne de rupture. Il ne tient qu’aux acteurs d’en faire une ligne de partage pour définir ensemble ce que peut bien être l’intérêt de l’enfant.
Monique Royer