Le dédain envers le lycée professionnel c’est fini ? Après de nombreuses déclarations en faveur de l’apprentissage, le gouvernement semble redécouvrir le lycée professionnel. A l’occasion des 30 ans du bac professionnel, au lycée Desprez de Paris, la ministre de l’éducation nationale a souligné les points forts du lycée professionnel. « C’est ce que je demande au président.. Dans nos discours il faut avoir des ambitions pour tous les types de formation en alternance aussi bien l’apprentissage que le lycée professionnel qui sont tout aussi performants ». Au passage elle a annoncé des mesures qui font grincer des dents du coté des proviseurs comme la réorientation possible en début de 2de pro.
1000 postes pour les L.P.
Avec 700 000 élèves et près de 1700 lycées, la voie professionnelle fournit chaque année un bachelier sur trois. C’est bien une « voie de réussite » : 80% de réussite au bac pro et 27% des bacheliers professionnels en emploi 3 mois après le bac.
« Les 1000 postes c’est bien pour les lycées professionnels ». N. Vallaud-Belkacem a clarifié la déclaration de François Hollande le 18 janvier et, ce faisant, redoré le blason du lycée professionnel un peu terni par des déclarations gouvernementales très favorables à l’apprentissage. Les mille postes iront bien en lycée professionnel en 2017 annonce la ministre. La ministre assure que « le lycée professionnel est aussi performant que le CFA.. Dire tous les jeunes qui souhaitent se former en alternance doivent pouvoir le faire cela veut dire développer l’apprentissage mais aussi le lycée professionnel ». Elle va un peu plus loin : « il y a des entreprises qui manquent à l’appel en apprentissage. Beaucoup de jeunes finissent par revenir en lycée professionnel ». Et voilà comment le discours gouvernemental change et comment le lycée professionnel se retrouve au premier plan.
Moins de certification en 2de pro
Mais la ministre veut aussi le faire évoluer de façon parfois surprenante. Elle précise que les épreuves de certification seront davantage concentrées en 1ère et terminale de façon à moins peser sur la 2de. Elle demande à partir de la rentrée 2016 une journée d’intégration dans les lycées professionnels, comme si la pratique était rare… Elle annonce aussi une semaine de préparation au stage en entreprise en 2de professionnel, comme si les enseignants envoyaient en stage des élèves non préparés.
L’offre de formation devrait aussi évoluer. La ministre va s’appuyer sur une étude de France Stratégie sur les emplois en 2020 pour développer certaines filières (soins aux personnes, sécurité, cadres commerciaux aides soignants etc.) Les cartes des formations devraient évoluer.
Période de libre essai en 2de pro
Mais la principale annonce c’est la création d’une période d’essai en seconde professionnelle. « A partir de la rentrée 2016 les élèves auront la possibilité de changer d’orientation jusqu’aux vacances de la Toussaint ». En fait un nouveau tour d’orientation sur Affelnet aura lieu à ce moment et les conseils de classe pourront valider la demande de réorientation ce chaque jeune.
Dans la salle, l’annonce suscite des mouvements divers chez les proviseurs présents. La ministre veut éviter le décrochage en faisant en sorte que l’orientation en professionnel soit davantage choisie. Mais les responsables de lycée, qui savent comment cette orientation est décidée, comment elle est souvent perçue par les jeunes, imaginent sans peine les complications à venir… D’autant que la passerelle ne crée pas pour autant de nouvelles places dans les formations recherchées. Les jeunes sont souvent affectés dans des filières qu’ils n’ont pas demandé.
Une autre catégorie de personnel, absente, est touchée : avec le même souci la ministre veut jumeler les collèges avec des lycées professionnels et des CFA, à charge pour le professeur du collège de venir découvrir les réalités des lycées professionnels.
Un effort pour garder les professeurs contractuels titularisés
La ministre s’intéresse par contre au devenir des professeurs contractuels de l’enseignement professionnel titularisés. Aujourd’hui ces professionnels rares sont astreints à suivre le mouvement et souvent à quitter leur région ou à refuser le bénéfice du concours. Pour les garder dans leur lycée, la ministre veut revoir le mouvement. Ils pourraient garder leur poste. La décision pourrait être prise pour la rentrée 2017 « sans révolutionner le système d’affectation »..
Des changements sont confirmés pour le post bac. La ministre confirme la mise en place des quotas d’entrée en STS prévus par la loi de 2013. Interrogée par le Café pédagogique elle précise qu’ils seront publiés.
Tout au long de sa visite du lycée Deprez, la ministre a salué des responsables d’entreprise partenaires de l’établissement pour bien marquer l’ancrage du professionnel dans le tissu d’entreprises. Elle s’est aussi enquis de l’orientation des élèves qu’elle croisait. Du coup peut-être n’a-t-elle pas vu que tous les élèves du lycée professionnel sont issus de l’immigration et que , en dehors de l’atelier mode d’un lycée voisin, elle n’a rencontré que deux filles. Il y a encore du pain sur la planche…
François Jarraud