Par Bruno Devauchelle
Le premier séminaire international Sankoré de recherche universitaire sur la pédagogie numérique qui se tient au CNAM ces 15 et 16 novembre a rassemblé près de 300 personnes. Pour la plupart acteurs du système éducatif français (enseignants, inspecteurs chercheurs) ou responsables institutionnels ou politique. Si l’objectif clairement exprimé de ce séminaire était de faire un état des lieux de la recherche dans le domaine de la pédagogie et du numérique, il aura rempli son rôle.
Même si l’on est toujours frustré d’entendre autant de chercheurs s’exprimer sans avoir l’occasion d’aller au bout des réflexions impulsées dans leurs propos, il faut saluer l’organisation du professeur Albert Claude Benhamou (Délégué interministériel pour l’éducation numérique en Afrique) qui a su rassembler autour de cette question un large ensemble de compétences.
On connaît le projet Sankoré (wwww.sankore.org) qui s’inscrit dans le cadre de la mission menée par Alain Madelin pour accompagner les pays d’Afrique dans le développement du numérique aussi certains participants ont-ils exprimé leur étonnement du peu de place laissé dans cette première journée aux chercheurs et acteurs des pays concernés par le projet. Seule l’après midi de la deuxième journée apportera un éclairage spécifique au contexte local de ces pays. Ce qui cependant a particulièrement marqué le début et la fin de la première journée est l’accent mis sur le logiciel open source Sankoré : ce logiciel qui permet d’utiliser un tableau blanc interactif permet aussi de fabriquer des ressources pour l’enseignement a été promu largement par Alain Madelin. A la fin de la journée, après le passage de Jean Michel Blanquer (DEGESCO), il a été annoncé qu’un accord se développe pour que en France le même logiciel soit promu et que l’on incite les enseignants à l’utiliser et surtout à développer des « objets pédagogiques » qui pourraient alimenter une bibliothèque internationale d’outils pour l’enseignement.
La matinée a été principalement consacrée aux questions d’ergonomie et d’interactivité. Après un exposé de Daniel Andler qui nous a amenés à comprendre l’importance des sciences cognitives pour ce genre de projets, plusieurs intervenants nous ont amené à mettre en pratique ce qui venait d’être dit : prendre en compte les sciences cognitives aussi bien pour concevoir des ressources que pour lire à l’écran ou encore utiliser les manuels numériques. Malgré la bonne volonté exprimée par ces contributions, la plupart ont rappelé la modestie qu’il fallait avoir, tant le système scolaire français a encore de la marge de progression pour aller dans ce sens. En conclusion de la matinée, François Taddei a mis en évidence combien l’esprit de la recherche scientifique était un élément qui devait s’intégrer au plus tôt dans le système scolaire. Son propos est de dire que les TIC ouvrent des voies (jeu de découverte etc…) pour développer cette approche (qui rappelle d’ailleurs « la main à la pâte » ou encore les démarches d’investigation et d’expérimentation en sciences de la vie et de la terre, par exemple). En d’autres termes n’hésitons pas à utiliser l’appétence première des jeunes pour la découverte et la recherche (en particulier avec les TIC) pour l’intégrer en éducation.
L’après midi a été consacrée à une thématique principale, les réseaux, et en particulier les réseaux sociaux. Abordé d’abord sous l’angle des enseignants puis sous l’angle des élèves, ce thème a permis de voir combien ces dynamiques de réseaux existent, mais combien elles restent frileuses dans le cadre de l’enseignement. Alain Chaptal a d’ailleurs souligné l’écart entre les pratiques personnelles et les pratiques scolaires des enseignants en France et à l’étranger. De nombreux échanges avec la salle (rendus possibles par une organisation différente de celle de la matinée) ont bien confirmé qu’il y avait à chercher du coté des liens entre le ‘dans l’école » et le « hors l’école ». Refusant d’embellir une culture des jeunes qui serait totalement numérique et une culture des enseignants qui serait totalement « monstratives » (comme le disait Eric Bruillard le matin), les intervenants ont soulignés qu’une évolution était en cours et qu’il ne fallait peut-être pas jeter l’opprobe sur l’ensemble de la profession enseignante (Monsieur Fourgous a illustré ce propos par un graphique éloquent).
Ce genre de séminaire permet certes de faire le point et de confronter des apports d’origine diverses. Cependant on est encore loin d’un dialogue interdisciplinaire, voire pluridisciplinaire que Daniel Andler appelait de ses vœux. Les enjeux actuels de numérique sont tels qu’il est encore difficile d’en identifier tous les aspects. En se centrant sur le numérique, on a pu avoir l’impression, tout au moins un temps, que l’on ignorait le reste du monde scolaire et ses réalités, en particulier en France. Un des intervenants, en comparant les différents pays en matière d’histoire de l’éducation, a laissé entendre que les pays les moins avancés dans ce domaine pourraient être un bon terrain d’expérimentation, parce qu’il n’y aurait pas le poids de la culture scolaire française. Malheureusement son propos a laissé une impression un peu amer, car il laissait entendre que le poids des cultures éducatives traditionnelles d’autres pays n’avaient pas la même force de complexité. Les modèles éducatifs ont tous leur complexité et plusieurs intervenants nous ont rappelé qu’il fallait souvent sortir des allant de soi, voire des mythes, sur les pédagogies mises en œuvre ou l’usage du numérique de différents pays. Bernard Benhamou, Délégué Interministériel aux Usages du Numérique, a conclut cette journée en proposant une réflexion prospective sur le développement des TIC et sur les conséquences possibles pour les systèmes éducatifs.
A la fin d’un tel séminaire on ne doute pas de l’importance de la place prise par le numérique en éducation. Par contre on peut se demander quels chemins prendre tant le chantier des TIC est imbriqué dans un autre chantier essentiel : qu’est-ce qu’apprendre au XXIè siècle.
Bruno Devauchelle
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