Par Antoine Maurice
Il est vrai que le sport scolaire est un sujet qui revient de plus en plus ces derniers temps dans les conversations des collègues. D’ailleurs, nous intitulions il y a encore peu notre éditorial : « Le sport scolaire est-il efficace ? ». En effet, plusieurs « attaques » ont vu le jour, pour questionner le sport scolaire dans son rôle, sa place et son statut. C’est bien de cet enjeu qu’il s’agit, notamment pour le SNEP (Syndicat National de l’Éducation Physique) qui, par l’intermédiaire de Serge Chabrol, secrétaire général, a bien accepté de répondre à nos questions.
Pourquoi le SNEP-FSU porte-t-il cette revendication d’un décret confirmant 3h dans le service de tous les enseignants d’EPS pour l’animation du sport scolaire, puisque ce forfait de 3h, globalement, existe?
Il nous faut faire un peu d’histoire : en 1973, avec le décret Mazeaud, le forfait de 3h, jusque là obligatoire, devient facultatif, il doit être demandé et il peut être pris en HS. En 1978, le ministre Soisson modifie le décret de 73 et réduit le forfait à 2h pour récupérer des heures d’enseignement et mettre à mal le sport scolaire. Le service passe donc pour les professeurs d’EPS de 17 + 3 à 18 +2 !
Une lutte très puissante et unitaire de la profession est alors menée contre « le plan Soisson ». Les 3h sont rétablies par le gouvernement Mauroy, conformément aux engagements de campagne du candidat Mitterrand, mais seulement par note de service. Le 16 juin 1981, le MEN « décide de rétablir, dans le service hebdomadaire des enseignants d’EPS le forfait de 3h consacré à l’animation et à l’encadrement des activités pratiquées au sein des AS des établissements. … » . La circulaire de rentrée 81 annonce : « Le décret du 31 août 1978 va être abrogé et les circulaires d’application annulées. … »
Mais aucun décret n’a abrogé les décrets Mazeaud et Soisson. De 1981 à aujourd’hui, c’est le rapport de force et des circulaires et notes de service (réglementairement pourtant « inférieures » à un décret) qui ont permis aux 3 heures d’être effectives dans le service de la grande majorité des enseignants d’EPS. Il faut d’ailleurs rappeler que, si l’animation du sport scolaire est partie intégrante des missions statutaires des professeurs d’EPS (article 4 du décret du 04.08.80), tel n’est pas le cas pour les agrégés et les chargés d’enseignement d’EPS dont les statuts particuliers ne le mentionnent pas.
Mais la situation du sport scolaire de second degré a été contestée à plusieurs reprises par les Inspections générales, la Cour des Comptes, la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le décret de Robien (abrogé), …
Le décret « Mazeaud modifié Soisson », dernier en date, était une vraie épée de Damoclès, puisque depuis plusieurs années, des chefs d’établissements, des DASEN, des Recteurs, s’appuient sur le fait qu’il n’ait pas été annulé, et que les circulaires ne peuvent prévaloir sur un décret, pour remettre en cause le forfait de 3h d’AS. Et récemment, la Cour des comptes est revenue à la charge. C’est pourquoi il nous a semblé impératif d’obtenir l’écriture d’un décret confirmant les 3h pour l’animation du sport scolaire, dans le service de tous les enseignants et abrogeant le décret de 73 modifié en 78.
Alors où en est-on aujourd’hui ?
Pendant la campagne des présidentielles le SNEP-FSU était intervenu auprès des candidats pour qu’ils prennent en compte ses revendications, dont celle sur le forfait d’AS. François Hollande s’était engagé pour les 3H dans le service de tous les enseignants d’EPS. Il y a exactement un an, lors d’une audience du SNEP-FSU, le Ministre V. Peillon nous annonçait sa décision d’écriture d’un nouveau décret.
Nous avons été consultés pendant l’écriture de ce texte et un projet de décret a été entériné en réunion interministérielle. Il vient de nous être adressé, il sera présenté au CTM du 27 novembre. Ensuite, il devra recevoir l’aval du Conseil d’État. La procédure de mise en œuvre n’est donc pas encore terminée, même si on peut considérer qu’elle est en bonne voie, pour une application à la rentrée de septembre 2014.
Le SNEP-FSU est-il d’accord avec les propositions ?
Nous ne pouvons pas ici rentrer dans tous les détails et renvoyons celles et ceux qui sont intéressés à l’analyse du projet de texte publiée sur notre site. Mais plusieurs éléments sont pour nous essentiels :
Notamment l’article 1 qui confirme que tous les enseignants d’EPS sont bien concernés y compris ceux exerçant des fonctions de remplacement (les TZR étaient souvent privés de forfait d’AS ces dernières années).
L’article 2, pour sa part, affirme que « les enseignants d’EPS participent à l’organisation et au développement de l’association sportive de l’établissement dans lequel ils sont affectés et à l’entraînement de ses membres… ».
L’article 3 qui, lui, confirme que « Le service hebdomadaire des enseignants d’éducation physique et sportive comprend trois heures consacrées aux activités définies à l’article 2 du présent décret ».
L’article 4 qui acte également une autre victoire fondamentale en permettant le retour des cadres UNSS dans le giron de l’Éducation Nationale et la fin de leur position de détachement que le SNEP-FSU, avec nombre d’entre eux, avait contestée. Enfin, l’article 5 qui annule le décret Mazeaud de 1973 modifié par Soisson en 1978.
Ces éléments du projet de décret fondent un sport scolaire du second degré, partie intégrante du service public d’éducation, véritable mission de l’État, organisé de manière associative. Un sport scolaire consubstantiel du métier d’enseignant d’EPS, prolongement de l’EPS obligatoire. Ceci est pour nous fondamental.
Pour autant, quelques points posent question dans le projet, et la circulaire d’accompagnement aura à donner des précisions et des éclaircissements, à définir des barrières, afin que rien ne remette en cause le sens profond du texte.
C’est le cas, notamment, d’une disposition qui fait que le décret n’est pas tel que l’aurait écrit le SNEP. Il introduit en effet une dérogation possible à la règle générale et commune (animation de l’AS dans l’établissement d’affectation), au cas où « le volume d’activité de cette association est insuffisant » et permet de demander à un collègue d’aller assurer l’AS dans une autre AS ayant « un volume d’activité suffisant pour l’accueillir ». Pendant les négociations, nous avons bien perçu que cette disposition était, pour le gouvernement, incontournable si nous voulions la confirmation du forfait de 3h dans le service hebdomadaire de tous les enseignants d’EPS. Nous avons exigé que cette procédure soit exceptionnelle et transitoire, et ne soit appliquée que lorsque tout aura été mis en œuvre pour dynamiser l’AS de l’établissement du collègue, car c’est bien là où il connaît les élèves qu’un enseignant est le plus efficace. Le cabinet du ministre s’est engagé pour que ceci soit explicite dans la circulaire d’application. Nous intervenons pour que la circulaire soit présentée devant le CTM, qu’elle donne lieu en urgence à consultation. Nous avons d’ailleurs envoyé des propositions au Ministère.
Par conséquent, quels sont les délais, les échéances à venir ?
Concernant le décret (et espérons-le, la circulaire d’accompagnement), il doit être présenté devant le CTM du 27 novembre 2013. Nous espérons que toutes les forces représentées dans cette instance auront à cœur de marquer, par leur vote, leur soutien à une revendication portée par notre profession depuis 40 ans !
Puis, il devra obtenir la validation du Conseil d’État. L’objectif affiché est bien la mise en oeuvre à la rentrée de septembre 2014.
Mais il y a d’autres échéances, comme un CA de l’UNSS qui examinera son budget pour 2014. Un nombre croissant d’Association Sportive est en grande difficulté financière, c’est un problème fondamental à traiter en urgence. C’est pourquoi le SNEP-FSU demande l’augmentation des subventions à l’UNSS et fait des propositions pour une mise à plat des choix budgétaires de l’UNSS et pour redéfinir la conception et les critères des modalités de prise de licences (licence contrat en particulier). Nous souhaitons que l’État joue tout son rôle en donnant au sport scolaire les moyens humains et financiers de son dynamisme.
Précisons également que la sortie de ce décret ne signifie pas que la vigilance collective et l’intervention syndicale devraient cesser. Bien au contraire ! Cette victoire de la profession est un encouragement à poursuivre l’action sur les aspects financiers, pour la présidence des AS par les chefs d’établissement, l’aide aux AS en difficulté, le contenu du sport scolaire, ses formes de pratique, sa vie associative, le toilettage des statuts et le fonctionnement démocratique de l’UNSS, pour l’affectation de tous les cadres UNSS à l’Éducation Nationale, etc.
Serge Chabrol, Merci
Le site du SNEP FSU
L’analyse de la proposition de décret
http://www.snepfsu.net/sportsco/doc/analyse_decret_8nov13.pdf
Sur le site du Café
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