Par François Gadeyne et Marie Fontana-Viala
Défendre ou reconstruire ?
Jacqueline de Romilly a marqué les mémoires par ses appels successifs en faveur des langues anciennes; le plus retentissant d’entre eux reste sans doute l’article intitulé « J’appelle à l’aide », publié en 2004 dans le Figaro. L’académicienne met aujoud’hui son esprit de combat au service de la langue française, avec un nouvel ouvrage. Mais la Grèce n’est pas loin… Dans un entretien publié par l’Express, J. de Romilly revient aux notions grecques de liberté et d’égalité : la référence à la démocratie athénienne demeure, pour nos démocraties modernes, indispensable. Les mots grecs conservent, pour nous encore et plus que jamais, un sens.
Jacqueline de Romilly, Dans le Jardin des mots, éd. de Fallois, 2007.
Il Faut reconstruire Carthage est le titre de l’ouvrage que vient de publier notre collègue Patrick Voisin. Les combats pour la « défense » et pour la « sauvegarde » ne suffisent pas, selon lui, à redonner du sens aux humanités, repliées dans une citadelle bien fortifiée. C’est par l’ouverture au monde « euro-méditerranéen » – monde dans lequel se sont inscrites durablement les cultures grecque et latine – que l’humanisme peut renouer avec ses origines, et retrouver tout son sens. « L’humanisme euro-méditerranéen doit être le point de départ d’une autre conception de la mondialisation des cultures, car d’autres peuples proches ou lointains partagent déjà les leçons de cet humanisme. » Il s’agit donc de « fonder un sentiment commun originel », propre à intégrer les « jeunes issus de l’immigration intra et extra-continentale », par l’enseignement (par tous les moyens à notre disposition) des « valeurs fondatrices du monde méditerranéen ». Ces valeurs sont bel et bien véhiculées par les langues anciennes – « toutes et pas exclusivement le grec et le latin – le lyrique et le punique par exemple ».
Ce livre – écrit dans le sillon du rapport de Heinz Wismann et Pierre Judet de la Combe, et de l’ouvrage remarquable que ces auteurs ont publiés en 2004 (L’Avenir des langues : repenser les humanités, aux éditions du Cerf) – peut être considéré, lui aussi, comme un point de départ. Les nombreuses références bibliographiques – l’auteur n’oublie pas non plus les bonnes adresses d’internet – permettent de mieux « repenser », « refonder », « réinventer » notre enseignement, en remettant sur le métier nos présupposés et de nos pratiques. Les perspectives pédagogiques données par ce livre sont riches : les textes eux-mêmes invitent à découvrir la culture et le patrimoine vivants de l’Europe méditerranéenne.
Le vœu formulé par Patrick Voisin est clair : que les langues anciennes ne soient plus de simples options, mais l’épine dorsale d’une renaissance (intelligente et ouverte) des humanités.
Patrick Voisin, Il Faut reconstruire Carthage, L’Harmattan, 2007.
http://livres.lexpress.fr/entretien.asp/idC=12602/idR=5/idG=8