JY Rochex : 40 ans d’éducation prioritaire
« Se sont affirmés un troisième âge et une troisième conception de l’EP, qui semblent être aujourd’hui devenus dominants, même s’ils n’effacent pas ceux qui les ont précédés. Ils se développent autour des rhétoriques récurrentes de l’individualisation, de la personnalisation, de l’excellence ou de l’élargissement et de la diversification du recrutement des « élites » (lesquelles étaient il n’y a pas si longtemps plutôt désignées comme classes dominantes), et de la substitution subreptice des objectifs de mobilité sociale et de maximisation des chances de réussite individuelle et de l’idéologie – terme qui n’est pas utilisé ici de manière péjorative –de « l’égalité des chances » à l’idéologie et à l’objectif de démocratisation. Cette substitution se présente sous des thématiques et vocables très divers (individualisation, personnalisation, adaptation à la diversité des élèves, de leurs rythmes, talents, aptitudes, intérêts, mérites, potentiels…), dont les multiples usages visent ou contribuent à présenter la politique scolaire idéale comme devant tendre à une sorte de préceptorat généralisé, où le système éducatif aurait à s’adapter à chacune des caractéristiques de chacun des élèves ou types d’élèves – caractéristiques pensées comme relevant d’une individualité, voire d’une nature – pour lui permettre de donner la juste et pleine mesure des talents et potentiels dont il est porteur, et de pouvoir circuler ainsi dans l’espace social et géographique de la manière la plus fluide qui soit ». Lors de la Journée OZP, JY Rochex démonte l’évolution récente de l’éducation prioritaire qui vise à remettre en cause ses bases sociales.
Lycée professionnel et discrimination
« Il est problématique de traiter de la discrimination scolaire spécifiquement à propos du segment singulier qu’est le lycée professionnel (LP). Car s’il concentre à l’évidence des populations d’origine populaire et d’ascendance migratoire, la dynamique de ce segment est en partie le produit de la discrimination, non le lieu premier de sa production. Cela n’empêche que la discrimination organise aussi l’espace du LP », écrit Fabrice Dhume dans le numéro 23 de Carnets rouges dédié au lycée professionnel. « L’orientation scolaire scelle des hiérarchisations socio-ethno-genrées construites tout au long de la scolarité, et les reformule entre autres dans la distribution entre voies générale et professionnelle. Pour la génération entrée en 6ème en 2007, on observe par exemple que « les trois quarts des garçons descendants d’Afrique subsaharienne sont scolarisés dans les filières professionnelles ainsi que plus de la moitié des descendants d’immigrés turcs et portugais ». Bien entendu, la classe sociale joue un rôle déterminant dans la construction de ce statut scolaire, une grande majorité de familles concernées relevant du prolétariat ; néanmoins, à même origine sociale les garçons descendants d’Afrique subsaharienne s’avèrent nettement sur-orientés en filière professionnelle ». Mais la discrimination existe aussi en interne en lien avec l’originalité des LP. « L’enquête de l’IGEN susmentionnée estimait qu’entre 30 % et 50 % des jeunes « issus de l’immigration » subissaient de la discrimination dans l’accès à un stage. Loin d’être du seul fait des employeurs, cela relève d’un processus de coproduction entre l’école et l’entreprise. Ainsi, face à une demande discriminatoire du patron ? et compte-tenu de la charge de travail, d’injonctions paradoxales, de priorité au placement des élèves, de stratégies de préservation de carnets d’adresse, etc. ?, les enseignant.es peuvent entériner voire anticiper la discrimination ».
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/12/16122021Article637752343478560616.aspx
Vincent Troger : L’invisible diversité des lycées professionnels
« Le public des LP paraît à la fois beaucoup moins homogène que le discours dominant tend à le faire apparaître, et plus proche des autres publics de l’enseignement secondaire par les tensions internes et les modes de relations interpersonnelles qui le caractérisent. Cette tendance a logiquement été renforcée par la baisse des redoublements et la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans (2008) qui ont rapproché les parcours des élèves de LP de ceux des élèves de lycées généraux et technologiques », explique Vincent Troger dans le numéro 23 de Carnets rouges , consacré au lycée professionnel. V Troger montre l’écart entre les LP des vieilles régions industrielles et les établissements de l’ouest. « Pour autant, les publics de LP présentent aussi un caractère propre que toutes les enquêtes à leur sujet ont relevé : l’importance qu’ils accordent à la qualité de l’encadrement. Toutes les enquête citées ici font le constat de la blessure narcissique dont une part majoritaire de ces publics témoigne à propos de leur scolarité au collège. L’écoute et l’empathie des enseignants de LP sont dans leurs discours fréquemment opposées à la distance manifestée par ceux des collèges, dont ils disent avoir souffert ».
Vincent Troger, L’invisible diversité des LP, Carnets rouges n°23
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/12/14122021Article637750619841422395.aspx
Philippe Champy : Populisme éducatif et autoritarisme élitaire
« Le chercheur Xavier Pons parle de « populisme éducatif » pour désigner la tendance politique à capter l’adhésion sur l’École par des discours ou des gestes symboliques qui flattent les croyances des électorats. Dans ce cadre bien particulier, en fonction des fractions de parents d’élèves (électeurs) auxquelles on désire s’adresser, il sera possible de tenir des discours paradoxaux en veillant à le faire sur des tribunes ou à des moments bien séparés. On s’adressera aussi bien à ceux qui croient à l’efficacité des méthodes du passé pour les petits du primaire et qui adhèrent au discours sur les « fondamentaux » sans autre considération didactique, mais aussi à ceux qui sont sensibles à un discours progressiste ventant les valeurs d’épanouissement individuel et collectif à l’École, ce qui peut plaire aussi bien aux parents des tout-petits de la maternelle qui sont désireux de favoriser une sortie heureuse du cocon familial, que les parents des lycéens « bac-3 », au moment délicat où les jeunes s’interrogent (ou sont interrogés !) pour « trouver leur voie ». De ce point de vue, l’éclectisme des propos du ministre, tout comme sa longévité, est à inscrire au livre des records ». Sur son blog, Philippe Champy démonte les écrits de JM BLanquer pour en tirer les caractéristiques : Populisme éducatif et autoritarisme élitaire.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/01/14012022Article637777316340636260.aspx
L’éducation nouvelle, une internationale dans Dialogue
Ce second numéro de Dialogue, la revue du GFEN, consacré aux 100 ans de l’Education nouvelle, la présente dans sa dimension internationale. Certes le numéro s’ouvre sur un article de J Bernardin sur les « apports de l’Education nouvelle au débat éducatif ». Et JL Cordonnier raconte les aléas du « tous capable ». Mais le groupe belge d’éducation nouvelle dévoile ses conceptions dans plusieurs articles, notamment avec la pédagogie du chef d’oeuvre. Un groupe suisse montre qu el’éducation nouvelle se construit ensemble notamment dans la résistance. L’éducation nouvelle est aussi en Tunisie et en Roumanie comme en témoignet des groupes locaux.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/01/31012022Article637792068206535822.aspx
L’analyse de situations d’enseignement avec GPS Educ
« L’idée consiste à redonner aux enseignants, novices ou expérimentés, la possibilité de construire entre eux et avec d’autres acteurs éducatifs les outils et les savoirs dont ils ont besoin pour faire face aux situations complexes rencontrées au quotidien. Comment ? En donnant à lire, commenter et discuter sur la plateforme des récits et des analyses de situations réelles ». Ouverte par une équipe de formateurs, la plateforme GPS Educ invite à analyser des situations comme le rejet par des parents d’un projet culturel, une bagarre entre élèves, les relations atsem enseignants, faire face à l’indiscipline etc.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/02/02022022Article637793803530174642.aspx
Meirieu : Le danger n’est pas le wokisme
» La tentation est grande de voir dans le « wokisme » un coupable idéal : il permet même à certains de « faire d’une pierre deux coups » : s’exonérer de la moindre responsabilité dans la montée des crispations identitaires et y participer en toute bonne conscience. Considéré comme seul responsable de nos enkystements et de nos intolérances, le complot « woke » confère une identité à bon compte à celles et ceux qui le combattent… et leur permet de faire ainsi, à leur tour, ce que, précisément, ils lui reprochent : exclure les « excluants » », écrit Philippe Meirieu sur son blog. » En nous alertant sur la souffrance vécue par les opprimés, il nous permet de prendre en compte leur expérience et d’élargir notre humanité au-delà de nos complicités claniques. En nous invitant à comprendre et à déconstruire les rapports de domination, il nous aide à dépasser la vision trop répandue d’une émancipation fondée sur la possibilité donnée à quelques dominés de devenir, à leur tour, des dominant
s. À ce titre, il y a dans le « wokisme » quelque chose de profondément progressiste, au sens le plus fort de ce terme : qui nous fait progresser en humanité, agrandir le cercle des « humains de plein droit ». » Mais, pour P Meirieu, « on ne peut, en aucun cas, se prétendre authentiquement humaniste et progressiste quand on réduit un sujet à ses origines, son âge, son sexe ou son genre, son orientation sexuelle ou quoi que ce soit d’autre. Car, l’essentialisme a une histoire que nous connaissons bien… »
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/01/26012022Article637787758009395063.aspx
Stéphane Bonnery : Comment la culture vient aux enfants
« Le livre propose une autre manière de penser les médiations artistiques, en tant que chaînes de cadrage et d’appropriations croisées : les créateurs eux-mêmes suggèrent dans leurs œuvres des manières de les apprécier et ils anticipent des réceptions possibles (ce qui fera réfléchir, rire, ou émouvra, par tel procédé), là encore en oscillant entre adressage à des âges précis et priorisation de la démarche artistique qui renvoie aux enfants et aux accompagnateurs la responsabilité de s’approprier les significations possibles. D’autres acteurs de la production (éditeurs par ex. dans le paratexte) diffusent également des clés d’appropriation des œuvres, dont s’emparent inégalement à leur tour les intermédiaires (bibliothécaires, animateurs de dispositifs d’action culturelle, etc.) qui cadrent en partie les appropriations possibles des jeunes publics. Et le public, à son tour, donne en partie à voir son appropriation des œuvres aux créateurs qui peuvent en tenir compte pour leurs créations ultérieures (visites de classes par des auteurs d’albums par exemple) ». A l’occasion de la publication de l’ouvrage « Comment la culture vient aux enfants », Stéphane Bonnery réfléchit au rapport entre accès àla culture et inégalités.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/01/20012022Article637782576216242801.aspx
Le corps de l’enseignant
» La gestion de la classe, le fait de donner un sens à ce qui se passe, l’étayage du travail, la mise en place de l’espace de travail et de collaboration, tout en visant l’apprentissage, sont autant d’actions que l’enseignant réalise avec sa parole mais également avec ses gestes, ses postures et déplacements dans la classe, avec le regard qu’il porte aux différents apprenants et avec les mimiques faciales qu’il leur adresse. On ne peut pas nier l’importance du corps dans l’activité pédagogique et il mérite donc toute sa place dans les cursus de formation initiale d’enseignant ». Marion Tellier (Université Aix Marseille) rend compte d’une formation à la posture en classe. Elle montre que savoir utiliser son corps en classe est une compétence qui s’apprend. Pourtant elle relève que si celle ci est importante, les jeunes enseignants, une fois en classe, n’utilisent pas ce qu’ils ont vu en formation. Signe de la complexité du métier ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/12/13122021Article637749748815442406.aspx