Par François Jarraud
La sélection mensuelle de comptes-rendus du Café…
Le piège de l’accompagnement et de la remédiation
Voilà un mot à la mode : remédiation. Luc Chatel a encore fait l’apologie le 11 janvier des dispositifs d’aide aux élèves qu’il a mis en place de l’école au lycée. Sont-ils efficaces ? Aucune étude ne l’établit en France. En Belgique Changement pour l’égalité publie une étude sur les dispositifs de remédiation. D’après cette étude, » Même si, avec un discours bienveillant, la remédiation permet de garder une forme de cohésion sociale autour du projet de l’École en maintenant l’espoir chez les jeunes et leur famille, nous dénonçons sa fonction d’individualisation dans le parcours scolaire. Comme nous le disions en conclusion du quatrième chapitre, ce processus d’individuation contribue à une responsabilisation/culpabilisation de l’élève dans son rapport à l’apprentissage. En effet, les objectifs implicites de la remédiation (et de l’École obligatoire) contribuent à occulter les mécanismes de reproduction des inégalités et ainsi empêchent les jeunes issus des classes sociales dominées d’identifier les mécanismes sociaux qui jouent contre eux. Comme le discours entourant la remédiation est un discours particulièrement bienveillant qui veut donner sa chance à chacun, permettre à tous de réussir, le mécanisme est d’autant plus vicieux. Et il est d’autant plus performant dans sa reproduction des inégalités que les enseignants qui le pratiquent sont convaincus de faire pour le mieux et de réellement aider les jeunes qu’ils prennent en charge. Ce qu’ils font certainement pour toute une série d’entre eux, mais sans questionner le système qui produit cet échec ».
L’étude
http://www.changement-egalite.be/spip.php?article2248
Rochex contre la personnalisation
La « personnalisation » voulue par Luc Chatel est-elle source d’inégalités ? C’est ce que défend Jean-Yves Rochex dans une tribune donnée à L’Humanité. « La thématique aujourd’hui dominante de la «?personnalisation?» marque, malheureusement, le retour d’une idéologie très individualiste, voire «?innéiste?», mettant en avant la «?diversité?» des soi-disant «?talents?» – on n’ose plus parler de «?dons?» – des élèves, ou de leurs «?potentiels?», voire de leurs «?rythmes?» ou intérêts. Sous prétexte de personnalisation, revient en force une idéologie méritocratique et l’idée selon laquelle il faudrait que le système éducatif s’adapte au «?potentiel?» supposé de chaque élève, «?potentiel?» qui serait quasiment un fait de nature et non pas une construction sociale et scolaire… Cette conception méritocratique et individualiste de «?l’égalité des chances?» est tout le contraire d’une politique de lutte contre les inégalités scolaires… Si le souci des personnes que sont les élèves est évidemment nécessaire, il ne doit pas conduire à penser l’apprentissage sur le mode individuel et à méconnaître que, bien pensés, les échanges et le travail collectif entre élèves de différents niveaux sont sources d’apprentissage et de progrès pour tous ».
Article de L’Humanité
http://www.humanite.fr/societe/jean-yves-rochex-[…]
Inégalités : Il faudrait traiter les choses en amont
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2011/1[…]
La ségrégation scolaire à Paris et Chicago
Comment deux métropoles luttent contre la ségrégation et quelles conclusions en tirer ? Marco Oberti publie, dans La vie des idées, une étude de l’accès aux lycées d’excellence dans les deux villes. Il conclue : » Dans les deux cas cependant, on demande à l’école d’essayer d’atteindre une diversité (sociale, ethnique et « raciale » à Chicago ; sociale et prenant en compte les descendants d’immigrés appartenant à des groupes d’origine visibles en France) que l’on ne retrouve pas nécessairement à l’échelle des micro-quartiers. Cela nécessite des dispositifs sophistiqués, tenant compte d’une multitude de paramètres, mais pour lesquels les contraintes territoriales et sociales restent fortes, à commencer par la valorisation de la proximité. Autrement dit, il s’agit bien de corriger des logiques ségrégationnistes à l’œuvre dans la ville, bien en amont. Cela montre l’importance des programmes de lutte contre la ségrégation urbaine en général, sans aucun doute plus lourds, plus coûteux, plus incertains aussi, mais susceptibles aussi d’être plus cohérents et plus efficaces sur le moyen et le long terme pour diversifier le recrutement des écoles. Pourtant cet objectif de mixité socio-résidentielle est loin de faire l’unanimité tant du côté politique que du côté des chercheurs en sciences sociales. »
Article La vie des idées
http://www.laviedesidees.fr/Chicago-et-Paris-metropole[…]
Dubet : Lutter contre l’échec scolaire doit se faire dans la classe
« Lutter contre l’échec ne veut pas dire, comme on le fait, identifier précocement les élèves en difficulté pour les diriger vers des dispositifs de soutien spécifiques. La solution est plutôt de traiter leurs difficultés au sein même de la classe », explique François Dubet dans Libération. Avant d’avancer une autre idée. « La grande section de maternelle devient un quasi-CP. On crée ainsi massivement de l’échec en fixant la norme pour savoir lire à 6 ans – contre 7 ou 8 ans dans les pays scandinaves. Si l’on avait deux ans pour apprendre à lire, avec moins d’élèves par classe et un instituteur spécialisé qui tournerait dans l’école pour les aider, si l’on cessait de noter et de classer des élèves de 6 et 7 ans, il y aurait déjà moins d’échec. »
Dans Libération
http://www.liberation.fr/societe/01012382846-notre-t[…]
Le système éducatif français est-il la norme ou l’exception
La publication d’un nouveau numéro d’Education & Formations, une revue ministérielle, apporte de nouveaux éclairages comparatifs entre le système éducatif français et ceux des autres pays de l’OCDE. De la centaine de pages de ce numéro se dégagent trois chapitres qui mettent en valeur les spécificités de l’Ecole française.
L’école française se distingue par la baisse de son financement. Luc Brière et Marguerite Rudolf (DEPP) confirment les analyses de l’OCDE. » Comparée aux autres pays de l’OCDE », écrivent-ils, » la France présente une dépense d’éducation rapportée au PIB, tous niveaux confondus, proche de la moyenne OCDE (6,0 % contre 5,9 %). Néanmoins, par rapport au milieu des années quatre-vingt-dix, le poids des dépenses d’éducation dans le PIB a reculé de 0,6 point en France alors que, pour la moyenne des pays de l’OCDE, ce même ratio a augmenté de 0,2 point ». Si la France reste dans la moyenne de l’OCDE pour son financement, elle se distingue par une évolution à rebours des autre spays de l’OCDE.
Une autre distinction se voit dans le rapport avec les parents. Au terme d’une analyse assez fine des rapports entre parents et enseignants au collège, la comparaison avec les autres pays européens montre que la France fait partie des pays où les parents ont le moins de droits.
Dans la lutte contre les inégalités, les auteurs distinguent des modèles successifs. » D’un modèle ou d’un âge à l’autre, la préoccupation politique de démocratisation et de lutte contre les inégalités sociales d’accès au savoir et à la culture recule, tandis que s’affirme, notamment au travers des métacatégories d’« élèves à risque » et de « besoins éducatifs particuliers », une logique d’adaptation des systèmes éducatifs à la « diversité » des individus, de leurs « talents » et « besoins », qui renoue avec une problématique de « mobilisation des réserves d’aptitudes » et avec une lecture individualiste et essentialisante des difficultés (ou de la réussite) scolaires », écrivent D FRandji et JY Rochex. Sur ce point la France ne se distingue plus des autres.
Education & formations n°80
http://media.education.gouv.fr/file/revue_80/30/8/Depp-Eet[…]
50 paradoxes dans l’enseignement
Avec « 50 paradoxes dans l’enseignement », André Antibi partage son expérience d’enseignant avec ses collègues. Il fait le bilan d’une carrière et reprend de grands paradoxes qui peuvent être utiles à une meilleure compréhension du système éducatif.
Des exemples ? Le paradoxe du planeur. Ces magnifiques oiseaux qui nichent essentiellement rue de Grenelle décident de tout sans regarder jamais le terrain. « C’est incroyable dans un pays démocratique de ne pas prendre en compte sérieusement les plus intéressés à la décision, les enseignants » nous a confié A. Antibi.
D’autres paradoxes feront davantage débat dans la communauté éducative. Par exemple le RAC. Le RAC c’est le « rien à comprendre ». « On fait croire qu’il faut donner du sens à tout et que tout doit être compris. Or parfois il n’y a rien à comprendre, à démontrer. Par exemple une convention d’écriture mathématique, la loi de la pesanteur ou le prétérit de to eat ». André Antibi réhabilite aussi le par coeur. « Il faut savoir accepter des choses apprises par coeur », nous a confié A Antibi. « Par exemple les tables de multiplication, il n’y a rien à comprendre. Il faut les connaître ».
Ce petit livre est parfaitement lisible. Il est remarquablement illustré de dessins qui éclairent le sens. IL a toute sa place sous votre sapin…
André Antibi, 50 paradoxes dans l’enseignement, édition Math’Adore
L’autonomie des établissements est-elle profitable partout ?
L’autonomie des établissements est devenue un norme internationale. D’où l’idée de trois chercheurs allemands d’en vérifier les effets dans des pays différents. Il en ressort deux enseignements. Le premier c’est que l’autonomie dans les curricula semble plus intéressante que l’autonomie de gestion. Le second c’est que les résultats varient selon les types de pays. Elle est plus intéressante pour el pays développés que les autres.
Etude IZA
Les enfants immigrés affectent-ils les résultats ?
A Ohinata et J C Van Ours, Tilburg University, ont étudié l’effet scolaire de la présence d’élèves immigrés dans els classes des Pays-Bas. Les immigrés font-ils baisser le niveau ? Pour les auteurs, il n’y a pas d’effet négatif de baisse de niveau des enfants hollandais. Une présence massive d’enfants immigrés a un impact négatif pour la maitrise dela langue sur les enfants issus de l’immigration. Mais cet effet n’existe pas en maths ou en sciences.
Rapport IZA
Evaluation des enseignants : Les tests ne suffisent pas
C’est un peu un pavé dans la mare que jette une nouvelle étude de la Fondation Gates. Basée sur un panel de plus d’un millier d’enseignants, 7 500 vidéos de cours et 44 000 élèves, elle établit qu’on ne peut pas évaluer les enseignants seulement en fonction des résultats aux tests nationaux. L’étude montre l’intérêt d’avoir des observateurs impartiaux, formés, qui restent plus d’un cours. Comment on les appelle ici déjà ?
MET project
http://www.metproject.org/downloads/MET_Gathering_Feedbac[…]
L’erreur pour apprendre
« Si les enseignants ont bien conscience que l’erreur est un outil pour enseigner… savent-ils pour autant comment s’y prendre ? » , demandent S de Vanssay et A Lozach, coordinateurs de ce numéro 494 des Cahiers pédagogiques. « Vous trouverez dans ce numéro des récits et des méthodes issus des expériences de praticiens mais aussi des articles abordant les différentes dimensions de l’erreur en pédagogie » continuent-ils. Au terme du numéro, Yves Reuter rappelle que la bonne volonté pousse à l’erreur dans uyn texte qui enrichit le numéro. Il montre les limites, les glissements de la réflexion sur l’erreur et les manques. L’erreur n’a pas fini de nous éclairer.
L’erreur pour apprendre, Cahiers pédagogiques n°494.
Enfant, élève, apprenant
L’école enseigne-t-elle à des élèves ou des enfants ? Ca dépend ! Généralement elle institue l’élève à partir de l’enfant et même l’apprenant. La confrontation de ces 3 termes éclaire pourtant l’Ecole et ses pratiques. « Il s’agit de mieux faire comprendre comment l’école envisage les relations entre l’enfant (sujet social), l’élève (sujet scolaire) et l’apprenant (sujet didactique) », précisent B Daunay et C Fluckiger.
C’est poser la question des rapports entre l’école et l’extérieur, entre l’élève et la représentation que l’on s’en fait. Ce numéro de Recherches en didactiques, Cahiers théodile n°11, s’appuie sur de nombreuses analyses dont les plus éclairantes se situent à la marge de l’école classique.
Ainsi B Daunay montre que la didactique du français s’est construite sur la différenciation sociale de la réussite scolaire. C Fluckiger montre qu’au contraire l’apprentissage des TIC prend la dimension sociale peu en compte. L’étude des brouillons d’élèves (par R Delamotte et MC Penloup) met en évidence la capacité de l’école à effacer l’enfant.
Le sommaire
http://theodile.recherche.univ-lille3.fr/cms/index.ph[…]
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