Les nouvelles mesures disciplinaires décrétées par Luc Chatel à l’été 2011 ont-elles atteints leurs objectifs ? Non, répond un rapport de l’Inspection générale. Les mesures de travaux d’intérêt général, la judiciarisation des sanctions disciplinaires tardent à se mettre en place. Mais peut-être le principal enseignement du rapport Bisson-Vaivre c’est que l’omerta demeure dans nombre d’académies sur les sanctions prises dans les établissements.
A quelques mois des présidentielles, Luc Chatel voulait frapper l’opinion, à commencer par celle des enseignants. En même temps il avait commencé avec E Debarbieux une réflexion sur la violence scolaire qui l’amenait à sortir des idées toutes faites. De cette double réflexion sont sortis les décrets de juin 2011 et les circulaires du 25 aout 2011 qui rénovaient le régime de sanction dans les établissements secondaires.
La principale mesure issue de ces textes était la création d’une nouvelle sanction : la mesure de responsabilisation. Son objectif était de réduire les exclusions en faisant effectuer par l’élève fautif des travaux d’intérêt général dans des associations. La seconde mesure phare a été largement vendue aux médias par Luc Chatel. Il s’agit de la procédure automatique de sanctions quand l’éleve commet « un acte grave » envers un membre du personnel ou un autre élève. Le chef d ‘établissement est tenu de saisir immédiatement le conseil de discipline. Enfin les textes créaient une « commission éducative », une sorte de conseil de discipline réduit où parents et professeurs sont représentés. Les établissements avaient l’été pour adapter leur règlement intérieur. Un peu plus d’un an plus tard le rapport de l’Inspection générale piloté par Claude Bisson-Vaivre fait le point sur ces nouveaux textes.
Nouveaux textes et toilettage de l’existant
S’agissant de la mise en place des commissions éducatives et de la modification des règlements intérieurs, le rapport parle de « ré-habillage de commissions antéirueres » surtout dans les collèges. La rédaction des nouveaux réglements intérieurs s’est faite dans une certaine indifférence et il s’agit le plus souvent « de re-rédiger un paragraphe ou deux » sans changer grand chose au règlement existant.
Omerta sur les conseils de discipline
La réforme Chatel, assez contradictoire, ambitionnait de diminuer les nombre des exclusions prononcées par les conseils de discipline ou au moins de ralentir leur croissance. Or la première leçon du rapport c’est que l’Inspection n’a pas pu obtenir de données fiables sur ce sujet. » Dans TOUS les cas », dit le rapport, « les chiffres produits par les services académiques reflètent très imparfaitement les évolutions en cours… Les données apparaissent ainsi encore mal stabilisées. Elles présentent plus d’interrogations que de réponses ». Dans certaines académies les résultats sont à l’opposé de ceux attendus. Le rapport cite le cas d’une hausse de 32% des conseils de discipline avec exclusion définitive de l’élève dans 68% des cas et effondrement du nombre d’exclusions temporaires. Dans cette académie c’est la tonalité du discours ministériel qui a prévalu et les enseignants se sont emparés de la procédure automatique pour liquider les élèves déviants. Toutefois, dans 2 ou 3 académies sensibles, conseils de discipline et exclusions définitives ont commencé une tendance nette à la baisse », écrit le rapport en pesant chaque mot… En fait on ne sait pas trop de quel coté la balance penche puisque les données sont fragmentaires.
Echec des mesures de responsabilisation
La mise en place des mesures de travaux d’intérêt général, l’autre grande innovation du texte, est encore « très limitée, très lacunaire », souligne le rapport. Les établissements n’ont pas noué de rapports avec le tissu associatif ou celui-ci s’est dérobé devant ce texte règlementaire.
Echec du contradictoire
L’automaticité des peines posait déjà problème comme le soulignait B Robbes dans un article donné au Café pédagogique. « Véritable ambiguïté au regard des orientations réaffirmées concernant la sanction éducative, leur mise en pratique fait déjà problème dans les relations des chefs d’établissement avec leurs personnels (en particulier les professeurs) et les parents. Elle risque aussi d’avoir des conséquences sur les rapports des personnels de direction vis-à-vis de leur hiérarchie ». C’est ce que montre le rapport. La mise en place d’une procédure contradictoire a aussi entraîné des réactions du personnel peu habitué à justifier ses demandes de sanction. Les réactions négatives, selon les inspecteurs, auraient deux sources principales : les chefs d’établissement et les enseignants. Pour les premiers, « le délai de 3 jours est dénoncé comme « irréaliste », « intenable », « technocratique » ». Pour ces derniers, « le délai du « contradictoire » interdit une immédiateté de réponse qui s’imposerait cependant, à titre de « réparation » évidente et au moins symbolique, comme de « respect de la fonction » ». Bien au contraire, les nouveaux textes ont souvent été lus comme une justification des exclusions internes.
François Jarraud