La réforme des rythmes scolaires a des effets inattendus. Le principal est une division nouvelle des enseignants du primaire. Si le Snuipp dénonce « la cacophonie » de la conduite de la réforme par l’Etat, celle-ci a gagné en fait la profession.
« La cacophonie ne peut plus durer. Voilà bien la première fois qu’une réforme de l’Éducation nationale est suspendue aux possibilités de mise en œuvre des collectivités locales. Maintenant, cela suffit ! », écrit le Snuipp le 6 novembre. L’amendement apporté au budget en urgence pour étendre le soutien du fonds d’amorçage en 2014-2015 met en évidence les hésitations de Matignon et sa faiblesse. « Les annonces gouvernementales ne peuvent pas uniquement être réservées aux communes. Pour être entendus, les enseignants vont-ils devoir mettre des bonnets multicolores sur leurs têtes ? ». Le syndicat exige une table rodne associant enseignants, communes, parents et ministère « pour améliorer la réforme ». Et il agite la menace : « Le ministre doit répondre. Pour le SNUipp-FSU, la question d’une grève nationale début décembre est d’ores et déjà clairement posée ». Le Sgen appelle lui aussi à ce que « tous les partenaires se mettent autour de la table ». Il estime que « les difficultés de mise en place de la nouvelle organisation du temps scolaire sont réelles par manque de dialogue entre partenaires ».
Mais la cacophonie n’est pas du seul coté du ministère. Les syndicats qui appellent à la grève, les maires qui s’opposent à la réforme ont souvent pris position contre la semaine de 4 jours sous Sarkozy. Le mouvement éclate d’abord entre les dates. Il y a ceux qui feront grève le 13, ceux du 14 et toutes les phrases gentilles entre organisations sur ceux qui divisent le mouvement… A une semaine des deux journées de grève, on assiste sur le terrain à des recompositions inattendues. L’appel du 14 novembre réunit ainsi des syndicats de gauche avec une organisation marquée comme proche de la droite. Selon les départements, les appels réunissent des configurations variables. Quelques sections du Se-Unsa par exemple appellent à faire grève, par exemple en Indre et Loir, alors que le national y est opposé. Les syndicats les plus importants n’appellent pas mais leurs sections parfois participent aux mouvements de grève. Le premier effet de la réforme des rythmes est sans doute cet éclatement du monde enseignants sans qu’on puisse présager des conséquences à long terme.
Dans cette situation, le ministre a des cartes à jouer. Il a d’autant plus intérêt à en jouer que la question des rythmes ne cesse d’affaiblir son action et de mettre en difficulté le gouvernement entier. Il vient ainsi de débourser 103 millions pour satisfaire une revendication des communes afin de nourrir le fonds d’amorçage prolongé en 2014-2015. Le ministre pourrait dans les heures qui viennent publier des recommandations permettant de mieux adapter la réforme aux enfants de maternelle, un point faible jusque là. La tenue d’une réunion quadripartite pourrait isoler les syndicats les plus hostiles. Mais pour jouer ces cartes, il ne fait pas attendre que la partie soit finie…
François Jarraud