Comment redonner les goût des sciences aux jeunes français ? L’enjeu est de taille tant les entreprises ont besoin d’ingénieurs et de techniciens et les citoyens d’un minimum de savoir scientifique pour relever les défis du 21ème siècle. Rapporteure du budget de l’enseignement scolaire au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée, la députée Julie Sommaruga (PS) a choisi d’approfondir ce sujet. Elle préconise de revoir les programmes en facilitant les objets communs aux disciplines, de relancer la formation continue en la complétant par des certifications et d’encourager l’EIST.
Pourquoi cet intérêt envers l’enseignement des sciences ?
Il y a d’abord le fait que j’avais déposé un amendement en ce sens lors du débat sur la loi de refondation. Celle-ci reconnait d’ailleurs l’importance de la culture scientifique et je veux que cela se matérialise. Il y a aussi mon expérience de maire adjointe de Bagneux (92) où j’ai pu constater l’action des associations partenaires de l’Ecole dans des quartiers prioritaires. J’ai vu aussi les enseignants se démener et obtenir des résultats. Il y a donc un enjeu social, d’égalité de réussite. Enfin il y a un enjeu de citoyenneté et de compétitivité pour la France.
Le rapport montre aussi que l’enseignement des sciences est lié aux questions de parité ?
Ce qui me parait prioritaire c’est la question de la lute contre les stéréotypes filles – garçons particulièrement dans les choix d’orientation. On voit bien que filles et garçons ont à peu près les mêmes résultats scolaires mais pas les mêmes orientations. Il y a encore des métiers interdits aux filles.
Les sciences servent aussi à la sélection pour accéder aux filières d’élite. Ce système élitiste est soutenu par la société. Ce n’est pas peine perdue de vouloir le changer ?
Je ne crois pas. D’ailleurs V Peillon et N. Vallaud-Belkacem travaillent sur ce sujet. Il faut être capable de redonner du sens aux enseignements scientifiques. Pour cela il faut un vrai travail sur l’orientation de façon à ce que l’élève réfléchisse aux études scientifiques.
Dans votre rapport vous demandez que la démarche d’investigation ait plus de place dans les enseignements scientifiques. Comment faire ?
Cette démarche permet aux élèves de construire des savoirs et d’affronter le droit à l’erreur. On sait bien que c’est un des points faibles des élèves français. Les enseignants disent qu’il faut du temps pour cette démarche donc il faudra alléger ou modifier les programmes. Il faudra revoir l’équilibre entre l’enseignement des fondamentaux et la démarche d’investigation. Il faudra aussi réfléchir à sanctuariser les moyens pour que l’Education nationale ait les outils nécessaires.
Enfin il faudra de la formation continue. C’est indispensable si on veut que les enseignants s’y mettent. On peut s’inspirer de ce que fait La Main à la pâte qui est vraiment excellent. I faudra aussi accompagner les nouveaux enseignants pendant au moins 2 ans. Il ne faut pas que la démarche d’investigation soit imposée aux enseignants mais créer les conditions pour que ceux qui veulent changer puissent le faire.
Mon rapport encourage aussi l’enseignement intégré des sciences et de la technologie (EIST) mais il ne l’impose pas. Je comprends que des enseignants ne veulent pas entrer en bivalence. CE qu’on peut faire c’est faire des programmes qui facilitent les échanges entre disciplines. Pour cela il faut un temps aménagé pour que les enseignants puissent travailler en équipe au collège.
Vous écrivez que la moitié des élèves n’ont pas d’enseignement des sciences au primaire. Comment faire pour y remédier ?
Il y a des raisons à cela par exemple les programmes de 2008 qui sont trop lourds. Il faut les revoir et améliorer la formation des enseignants. Ces modifications de programme c’est au Conseil supérieur des programmes de les expliquer.
C’est le bon moment pour lancer ces idées ?
Oui parce que le Conseil supérieur des programmes (CSP) va se mettre en place. Je propose aussi d’utiliser le temps périscolaire pour la démarche d’investigation. Et là aussi c’est le bon moment. Aujourd’hui les activités scientifiques ne représentent que 10% des propositions. Il faut donc que les collectivités en aient conscience et qu’elles connaissent les ressources existantes. Je suggère que les Dasen et les IEN proposent aux collectivités locales ces activités et les informent des ressources comme les maisons des sciences.
Les maths constituent un cas particulier. Quel bon levier pour faire changer leur enseignement ?
L’expérimentation PACEM montre que avec une approche pédagogique très structurante on peut faire progresser les élèves. J’espère que le CSP s’inspirera de cette expérimentation. Les professeurs de maths ont aussi un gros effort à faire pour désacraliser les maths et donner le goût des maths aux élèves.
Propos recueillis par François Jarraud