Par François Jarraud
Quelques sites ont marqué l’histoire des TICE et des SES. Brises est de ceux-là. Créé par le CRDP de Lyon, animé par des enseignants il offre à la fois des cours, des exercices et même un service d’aide aux devoirs.
Derrière Brises il y a Frédéric Dussuchalle et une équipe. Comment ça fonctionne ?
BRISES est construit par de nombreux collègues. Actuellement (mais cela change selon les années en fonction des disponibilités de chacun), pour BRISES terminale, nous sommes 7 plus deux autres collègues qui se chargent spécifiquement de développer une rubrique « méthode » intitulée « apprendre à argumenter ». Pour ce qui concerne BRISES secondes, nous sommes actuellement dix. En plus de ces collègues, d’autres collègues nous envoient de temps des choses (notions, exercices, etc.).
Ces collègues forment ce que l’on appelle le Comité de rédaction (il se réunit une fois par mois chez une collègue pour chacune de deux BRISES) qui est chargé de prendre les décisions de développer tel ou tel aspect du site mais aussi de vérifier des contenus publiés.
Concrètement le fonctionnement est le suivant : lors d’un comité de rédaction, le travail est réparti. Un collègue est chargé de rédiger une notion, de construire une activité, etc. Il propose son travail tandis qu’un autre collègue est chargé de la relecture. Ils échangent et s’ils sont d’accord sur le travail de l’un et les améliorations de l’autre, le travail est validé et publié sur le site. En cas de désaccord, c’est l’ensemble du Comité de rédaction qui tranche.
Nous pouvons préciser quelques règles que nous nous sommes fixées : le respect strict du programme (souhait partagé par notre inspecteur), la lisibilité pour un élève normal et notamment pour ceux ayant des difficultés : l’origine du projet était de trouver un moyen d’aider les élèves en difficultés en multipliant les façons de comprendre des notions, des mécanismes par des cours, des exercices voire des parcours diversifiés …
D’autres règles existent. Par exemple, du point de vue technique, nous nous efforçons d’être conformes aux standards internationaux. Cette exigence nous permet ainsi d’être consulté par des élèves amblyopes qui ont beaucoup de difficultés à trouver des manuels en SES.
Les enseignants qui y participent ont tous des classes (sauf une qui s’occupe notamment de tous les aspects techniques) : ils font ce travail donc en plus de leur activité « normale ».
Enfin, nous avons un bureau dans lequel nous pouvons travailler qui se trouve au CRDP de Lyon qui est notre éditeur.
Brises c’est un manuel électronique ou un site de cours en ligne ?
L’utilisation de l’informatique et d’internet ne permet peut-être pas de transposer ce qui existe sous forme papier tel quel sous forme numérique. Sur BRISES, il existe des cours (ce qui n’est pas le cas des manuels de SES) mais aussi de l’interactivité (ce qui est plus qu’un simple cours en ligne). Par exemple, un collègue est spécialement chargé de répondre aux questions des internautes qui portent souvent sur des questions de fond.
Le site compte de nombreux exercices interactifs (400 je crois). Pensez vous développer davantage l’interactivité ?
Effectivement, il existe de nombreux exercices interactifs sur BRISES secondes comme sur BRISES terminale. Par rapport à une aide aux élèves sous forme papier, c’est l’avantage essentiel de la forme numérique et nous comptons bien utiliser à plein cette possibilité.
Les exercices autocorrigés sont évidemment essentiels dans la possibilité d’un apprentissage autonome par les élèves. D’ailleurs cette autonomie peut se faire dans des cadres très divers : en classe, avec un professeur qui guide les élèves dans le site, à la maison lors d’un travail demandé ou proposé par un enseignant ou pour les personnes qui passent le baccalauréat en candidat libre.
Nous souhaitons maintenir l’aspect interactif du site en continuant, par exemple, à répondre rapidement à toutes les questions que nous posent les internautes (dans les commentaires) mais aussi le développer dans deux directions.
La première est l’aide aux devoirs qui devrait être un outil d’aide aux élèves qui nous posent des questions non par rapport à ce qui existe sur le site mais par rapport à leur propres problèmes.
La seconde direction est de créer des forums de discussion (nous en avons pris la décision l’année dernière) pour chaque thème au programme, pour chaque chapitre. Nous avons parfois l’impression que des internautes souhaiteraient utiliser le site pour des débats sur diverses « questions vives ».
Récemment le site a ouvert un service d’aide aux devoirs. En quoi consiste-il ? Cette ouverture a été critiquée par des enseignants. Quel regard jetez vous sur ces critiques ?
Depuis longtemps nous souhaitions développer l’aspect méthodologique dans le site de terminale. Rédiger des fiches méthodes nous semblait faire double emploi avec ce que faisaient les manuels. Nous avons décidé d’abord de développer certains aspects de méthodes à partir de parcours d’apprentissage (c’est la rubrique « apprendre à argumenter » dans les méthodes) qui peuvent se faire de manière autonome (conseils et exercices d’application).
Puis à la suite d’une demande d’une internaute qui nous avait envoyé l’ensemble de son introduction pour nous demander ce qui n’allait pas, nous nous sommes dit qu’un certain nombre d’internautes étaient prêts à nous envoyer leur production pour qu’on puisse leur donner des conseils et qu’il fallait exploiter cette voie. Après de nombreuses discussions, nous nous sommes dits qu’il fallait construire quelque chose qui ressemble un peu à un forum sur lequel tout internaute pouvait nous envoyer son travail et les autres (pas seulement les membres de BRISES !) lui donner des conseils.
En ce qui concerne les critiques que des collègues nous ont fait connaître, il est évident que nous avons été les premiers à nous les faire entre nous ! Bien sûr, c’est le rôle du professeur de donner des conseils d’autant qu’il connaît mieux que nous ses élèves, leurs difficultés, leurs progrès et leurs blocages. Donc, il ne s’agit pas pour nous de nous substituer aux professeurs … surtout pour corriger des copies ! Plus modestement et simplement, il s’agit pour nous de donner des conseils sur des problèmes précis (la rédaction d’une introduction pour reprendre le cas précédent) conseils que nous avons du mal nous même à expliciter de manière fine à nos élèves, faute de temps. Autre exemple : le plus souvent lorsque nous écrivons « à approfondir » dans la marge, nous n’en disons pas bien plus sauf à le faire de manière plus globale à toute la classe, de manière peu individualisée. Individualiser la correction et le rendre plus explicite est donc un objectif pour nous ici.
Une autre critique nous avait été adressée lorsque nous avons présenté cette nouvelle rubrique à un cercle élargi de collègues, ayant participé de prêt ou de loin au développement de BRISES puis lors d’un stage de formation. Certains collègues craignaient que les élèves envoient leur devoir avant de le rendre aux professeurs. Nous avons essayé de réduire ce risque dans l’organisation même de la rubrique (quel question posée, quels reproches est-il fait etc.). De plus, nous ne répondons pas dans la minute aux demandes des internautes : il y a un délai !! Leur envoi et leur demande doivent être validées avant d’être publiée sur le site pour être ensuite l’objet d’une réponse. Voilà quelques gardes-fous que nous avons trouvé pour éviter ce genre de pratique.
Dernière remarque sur ces critiques. La crainte due l’on nous demande de renoter un devoir. Il est clairement indiquer aux internautes que notre objectif n’est pas de revoir le travail des professeurs mais de donner des conseils aux élèves, plus détaillés que ne peuvent le faire leur professeur. Nous ne pensons pas que des milliers d’élèves aient vraiment le temps de faire l’ensemble des démarches nécessaire (numériser une partie de leur devoir, les documents) sauf s’ils sont face à une difficulté qu’ils n’arrivent pas à surmonter.
Et sur l’évolution générale du site par rapport à l’enseignement « moyen traditionnel » ?
Dans l’académie de Lyon, dans laquelle nous enseignons presque tous, il y avait bien sûr une tendance à considérer l’informatique comme un moyen technique qui risque de remplacer le professeur. Il me semble que cette opposition existe toujours mais régresse. Les enseignants perçoivent de plus en plus BRISES comme une ressource qu’ils peuvent mobiliser durant leurs cours malgré les contraintes (salle informatique à réserver, classes à petits effectifs, etc.).
Cependant, l’usage semble pour l’instant limité à des séquences spécifiques lorsqu’il est utilisé en classe avec les élèves. Cela n’est pas vraiment étonnant puisque construire son propre cours est peut-être une des activités les plus appréciées par les collègues … simplement il est plus fréquent sans doute de considérer BRISES aujourd’hui comme une ressource parmi d’autres plutôt que comme un substitut complet au cours du professeur.
Frédéric Dussuchalle
Entretien François Jarraud
Brises :