C’est un bel exemple de la « politique du puzzle ». Xavier Pons (Université Paris Est) revient dans la revue Mouvements des idées et des luttes (n°107) sur le développement de la contractualisation dans l’enseignement. Apparemment anodin, simple ajustement technique, il montre qu’en fait la croissance rapide de la contractualisation a un impact sur le métier enseignant. « La contractualisation enseignante a un potentiel de transformation structurelle important de la gestion des carrières enseignantes mais aussi du système scolaire dans son ensemble ».
Un faux problème ?
Apparemment, le développement de la contractualisation dans l’enseignement est « un faux problème », explique Xavier Pons. Certes le pourcentage de contractuels parmi les enseignants du second degré public augmente rapidement : +24% de 2011 à 2018 alors qu’au même moment le nombre de titulaires a augmenté de 0.6%. Mais les contractuels ne représentent « que » 8.5% des enseignants. Un taux très inférieur à celui des années des années 1960 (18.5%) ou des années 1970 (11%). D’autre part la contractualisation se réfère au modèle des titulaires : il y a une grille indiciaire et la titularisation reste l’horizon des contractuels.
Un effet sur le métier enseignant
Mais Xavier Pons relève que la contractualisation entraine de nombreux changements dans le système éducatif. D’abord parce que leur paye va varier selon le jeu de l’offre et la demande. Ainsi les contractuels de l’académie de Créteil sont payés 13% plus cher que dans les autres académies. L’administration a tendance à leur réserver des postes.
« Ce sont même des professionnalités d’ensemble qui se trouvent progresivement altérées », explique Xavier Pons. « Se développe l’idée que le métier d’enseignement repose avant tout sur des qualités relationnelles et non plus seulement de maitrise et transmission des savoirs ». C’est sur cette capacité que sont recrutés les contractuels. « L’inversion des priorités vis à vis des titulaires est frappante », relève X Pons. Il parle d’un « contre modèle professionnel » qui se répand et fracture le corps enseignant au moment où la contractualisation se banalise et se répand comme une nouvelle norme.
Une nouvelle norme pour transformer l’Ecole ?
Nouvelle norme car entre 2009 et 2018 l’éducation nationale a recruté de moins en moins de titulaires et de plus en plus de contractuels. « C’ets là une différence majeure avec les années 1950-1970 ». Pour X Pons, le report du concours de recrutement des titulaires va encore faciliter le recrutement de contractuels. Cela va avec la capacité donnée aux chefs d’établissement de recruter des enseignants et le développement de postes à profil.
Comme dans un puzzle les petites réformes s’ajoutent pour changer le visage de l’Ecole, estime X Pons. « La contractualisation enseignante a un potentiel de transformation structurelle important de la gestion des carrières enseignantes mais aussi du système scolaire dans son ensemble ».
F Jarraud
Xavier Pons, Le recours croissant aux enseignants contractuel.les : vers un effet papillon ?,Mouvements des idées et des luttes, n°107, La Découverte. ISBN 978-2-348-07186-7. 16€