Ce que cela dit
Dire cela, c’est une contre-vérité à destination de l’opinion publique. Dire cela, c’est laisser penser que l’écrit disparait. Dire cela, c’est opposer « écrit » et « oral », comme « théorie » et « pratique », c’est encore et toujours enfermer l’Ecole dans une vision manichéenne, forcément réductrice et simpliste. Bien sûr que l’enseignement de l’écrit est essentiel. Tenir un tel discours comme s’il faisait vérité, c’est propager un mensonge dans la langue du parti zemmouriste. La forme de cette formule, comme ce qu’elle cache, flatte une pensée réactionnaire.
Ce que cela ne dit pas
Dire cela, c’est aussi ne pas poser la question dans les bons termes : c’est ne pas dire qu’apprendre, à lire, écrire, s’exprimer demande du temps, c’est ne pas parler des programmes souvent trop longs. Dire cela, c’est ne pas poser la question du sens : l’écrit, l’oral à l’école : pour quoi faire et comment ? C’est aussi ne pas interroger ce qu’on pourrait faire d’autre à l’école et ce que l’on pourrait faire autrement.
Remettre l’écriture au centre
Il est sans doute condescendant, plus que maladroit, de suggérer que les professeur.es des écoles ne font pas écrire leurs élèves : dans un contexte de « profbashing », cela risque de faire mal, une fois de plus et cela nourrit bien des infox sur ce qui se passe dans les classes. Il n’en reste pas moins que depuis des années les spécialistes émettent des recommandations pour que l’écriture soit plus centrale encore, ce que manifestement échouent à mettre en œuvre les ministres successifs, plus attachés à des théories pseudo scientifiques qu’aux analyses des expertes et experts de la didactique.
Les recommandations du Cnesco et de l’IG
Rappelons dès 2018 quelques-unes des recommandations fondamentales du Cnesco après sa conférence de consensus consacrée à ce sujet : faire écrire les élèves dès la maternelle, entraîner fréquemment les élèves à rédiger, faire écrire des textes variés, faire de l’écriture une activité collective, utiliser le brouillon comme un outil permettant de construire librement sa pensée, exploiter le numérique…
Rappelons encore les recommandations de l’Inspection générale en 2023 dans son passionnant rapport « L’enseignement de la production d’écrits : état des lieux et besoins » : il éclaire en particulier la nécessité d’aller au-delà des écrits courts (du type « jogging d’écriture ») pour favoriser des « écrits longs, inscrits ou non dans des projets qui motivent et donnent sens à l’écriture » et pour déployer dans la classe le travail réel de l’écriture par « la planification/préparation – mise en texte – révision – et parfois édition/diffusion mise en valeur »
Bref, plutôt que de communication politique, c’est de didactique et de formation que l’Ecole a besoin.
Djéhanne Gani
