« Cette seule mesure [de fouiller les sacs], aussi séduisante soit-elle aux yeux de l’opinion publique, ne règlera en rien les situations de violences à l’école – qui pour une grande part restent verbales – et c’est pourquoi la ministre doit proposer des solutions qui relèvent de son champ ministériel, à savoir celui de l’éducation » écrit Yannick Trigance. Il appelle la ministre de l’Education nationale à proposer des mesures … éducatives.
La ministre de l’Éducation Nationale a récemment annoncé que des fouilles inopinées pourront être réalisées par des policiers dans les sacs des élèves à partir du printemps, ceci pour tenter de lutter contre les violences à l’école.
Si l’usage répandu des armes blanches constitue un véritable sujet qui ne peut être esquivé – quand bien même l’immense majorité des établissements fonctionne dans un climat paisible avec des agressions physiques qui ont essentiellement lieu à l’extérieur -, il interroge sur une mesure abordée sous le seul angle sécuritaire, à savoir celui de la fouille des sacs.
Qu’en est-il de l’aspect éducatif dans ce type de situations ? Ne faudrait-il pas non plus se soucier dans le même temps d’une forme de brutalisation de la société qui ne reste pas aux portes des établissements scolaires mais qui, petit à petit, infuse les relations au sein des établissements devenus de fait de véritables miroirs de l’environnement dans lequel ils se trouvent, environnement auquel les équipes éducatives essaient tant bien que mal de s’adapter ?
Comment en toute objectivité appliquer concrètement une telle mesure de fouilles des sacs quand on sait que la France compte 27000 gendarmes officiers de policier judiciaire – OPJ – et environ 20000 policiers OPJ pour 60000 établissements scolaires ?
Ces fouilles empêcheront-elles un élève de dissimuler une arme blanche dans une poche ou dans une chaussette ? Très franchement, nos forces de police n’ont pas d’autres problématiques plus urgentes à traiter au regard de leurs missions qu’ils ont déjà bien des difficultés à accomplir ?
Cette seule mesure, aussi séduisante soit-elle aux yeux de l’opinion publique, ne règlera en rien les situations de violences à l’école – qui pour une grande part restent verbales – et c’est pourquoi la ministre doit proposer des solutions qui relèvent de son champ ministériel, à savoir celui de l’éducation.
Il faut prioritairement remettre de la présence humaine éducative au sein de nos écoles, collèges et lycées afin de rétablir un climat scolaire apaisé, sécurisant et dans le même temps bien évidemment traiter la violence de la société qui pénètre à l’école.
Cette présence humaine doit également être renforcée aux abords des établissements scolaires comme le font certaines collectivités avec des équipes de médiation pour délivrer des messages de prévention mais aussi pour être présentes en cas de rixes.
Traiter cette question de la violence en milieu scolaire – on pourrait par ailleurs parler de la violence de l’institution à l’endroit des enseignants et des élèves -, c’est aussi engager une politique volontariste pour développer des outils aujourd’hui négligés : approfondir la lutte contre le décrochage scolaire, développer la prévention, l’écoute et la médiation, favoriser les projets pédagogiques de coopération, créer davantage de structures comme les écoles de la deuxième chance et les dispositifs de prise en charge des élèves temporairement exclus, mettre en place un climat scolaire propice au dialogue et au respect partagé, assurer le recrutement de l’ensemble des postes de personnels d’éducation en les revalorisant et en les formant notamment à la gestion des conflits, travailler avec les familles pour établir des relations apaisées et constructives…
A l’évidence, la communauté éducative n’attend pas de sa ministre qu’elle se fasse le porte-voix de son collègue ministre de l’Intérieur.
Les violences à l’intérieur et aux abords des établissements scolaires – comme partout dans la société – méritent mieux que des annonces très difficilement applicables et nécessitent en revanche des dispositifs d’abord et avant tout éducatifs, pensés et développés dans le seul intérêt des élèves, de leurs familles et des équipes pédagogiques.
Yannick Trigance
Dans le Café pédagogique :
Pour recevoir notre newsletter chaque jour, gratuitement, cliquez ici.