La version du « livre perdu »
Cette légende étiologique, qui donne son origine au noircissement progressif des mûres, est bien connue des amateurices des Métamorphoses d’Ovide. Elle raconte le destin tragique de Pyrame et Thisbé « le plus beau des jeunes hommes et la plus charmante des jeunes filles que l’Orient ait connus », que leurs familles interdirent d’union, et qui, à la suite d’un funeste quiproquo, se suicidèrent, donnant naissance aux fruits sombres du murier blanc. Hypotexte du dénouement tragique de Roméo et Juliette, elle fut aussi merveilleusement mise en abyme par Shakespeare à la fin du Songe d’une nuit d’été.
Mais ici, plus de lionne sauvage, de mûres blanches éclaboussées de sang, de suicides désespérés… Place à une autre histoire « grecque, joyeuse et mystérieuse », une histoire « crépitant de péripéties, de pirates, de brigands, d’enlèvements et de fantômes », pleine d’aventures et d’amour, la « véritable histoire », s’amuse à écrire l’auteur, inspirée « lointainement » de deux « romans grecs », dont elle reprend les codes : Les Ephésiaques de Xénophon d’Ephèse et Le Roman de Chairéas et Callirhoé de Chariton d’Aphrodise. Occasion de découvrir ce genre littéraire tardif dont on a conservé peu de traces.
Une édition bilingue augmentée
L’ouvrage, conforme au format de la collection, est composé de deux parties : bilingue grec/français pour la première, unilingue en grec seul pour la seconde. Cette présentation permet de zigzaguer dans les approches, et d’imaginer, du déchiffrage du texte à sa lecture suivie, des modes d’exploitation différents selon le niveau des élèves et les objectifs pédagogiques recherchés.
Le texte « tout en se voulant classique » a été conçu pour des personnes en cours de formation, d’où « l’absence fréquente de coordination, et parfois d’élision » qui en simplifient la lecture. Il offre plus largement aussi à ceux et celles qui « voudraient rafraichir leurs souvenirs de grec ancien ou s’y initier », l’opportunité de retrouver, ou de découvrir, les plaisirs de la pratique du « petit grec » à travers un texte court et savoureux.
La partie bilingue est riche de prolongements qui vont « du Grec au Français » pour éclairer différents aspects du texte : la question du mariage, les figures du corsaire et du fantôme, les codes du roman grec et ses scènes d’ἀναγνώρισις (dites de reconnaissance) qui inspireront tant Molière … La partie unilingue s’intéresse elle à la langue : points de grammaire, notes de vocabulaire et d’étymologie.
Une lecture pleine de découvertes.
Claire Berest
