Un cas de répression syndicale dans l’académie de Lyon ? Après avoir enseigné 20 ans au lycée professionnel Etienne Mimard de Saint Etienne, Patrice Chapat a été sanctionné jeudi 19 décembre 2024 à l’issue d’une CAPA disciplinaire sur décision du recteur. Il est accusé d’avoir « outrepassé son rôle de représentant du personnel et d’avoir manqué à son devoir d’exemplarité ». Ce professeur de génie mécanique, représentant des personnels élu au CA, n’a pas fait la rentrée dans son établissement, muté d’office, il devient TZR Loire Sud. Pour la CGT, « c’est bien uniquement son activité syndicale, son investissement et sa volonté de garantir les droits des élèves et des personnels face à l’arbitraire qui [lui] sont reprochés ».
Une « sanction lourde, disproportionnée, injuste et soudaine »
Le syndicat dénonce une « sanction lourde, disproportionnée, injuste et soudaine ». Patrice Chapat n’avait jamais eu d’avertissement et aucune sanction auparavant. La sanction tombée, il a été interdit à l’enseignant muté d’office de dire au-revoir à ses élèves, de prendre contact avec ses collègues, devant déménager ses affaires durant les vacances de Noël. L’arrêté a pris effet au 6 janvier 2025. Le jour de la rentrée, un enseignant contractuel a été -rapidement- nommé. A l’issue du verdict, l’enseignant a eu un malaise et été transporté aux urgences et hospitalisé. Un autre professeur du lycée, Sylvain Therrat, également représentant syndical élu, a écopé d’un blâme alors que « Sylvain tout comme Patrice ont une posture professionnelle irréprochable au service des élèves et de l’institution, il s’agit encore une fois d’une sanction fortement injuste qui ressemble plus à une procédure d’intimidation » pour les co-secrétaires de la CGT 42 Nadine Ferapie et Michel Nebout.
Un soutien intersyndical, des personnels et parents d’élèves
Un communiqué de presse intersyndical souligne que « rien de ce qui lui est reproché ne concerne ses activités pédagogiques ou ses relations avec les élèves et les parents » comme c’est le cas dans les CAPA disciplinaires. Les représentants de parents d’élèves FCPE ont relaté des propos menaçants du chef d’établissement leur disant « ici, c’est les syndicats qui commandent et ça va changer ». La CGT précise que « que Patrice Chapat est soutenu depuis le début par les parents d’élèves et que les rapports de deux anciens proviseurs décrivent un professeur toujours au service des élèves ». Une pétition de soutien au professeur a été largement signée les personnels du lycée pour dénoncer des dysfonctionnements depuis l’arrivée du nouveau proviseur en 2022. Depuis les faits, la direction de l’établissement a changé et aucun dysfonctionnement n’a été signalé.
Les accusations
Les co-secrétaires de la CGT 42 relèvent que les accusations initiales n’ont pas été retenues car contredites par des témoins. L’accusation porte sur « une attitude de contestation systématique de directives internes » ou « d’expression véhémente à l’encontre du chef d’établissement », « d’avoir monopolisé la parole » avec pour preuves trois réunions en deux ans au cours desquelles le représentant du personnel portait la parole de l’équipe pédagogique en désaccord avec la direction.
Lui est également reproché un rôle majeur de poursuivre la séance d’un CA après le départ du chef d’établissement suivi par deux membres de droits et quatre représentants élus avant la fin de l’ordre du jour. Lors de ce CA, le chef d’établissement était en désaccord avec les parents, élèves et personnels élus. A ce moment, aucun texte règlementaire n’interdisait explicitement la poursuite du CA sans le président de séance. Six mois plus tard, le rectorat a fait expliciter les règlements intérieurs de CA. Patrice Chapat, alors représentant syndical a alerté l’institution des dysfonctionnements, sans réponse ou rendez-vous, la FCPE et la section syndicale CGT du lycée dont Monsieur Chapat etait secrétaire ont organisé une conférence de presse. Pour le rectorat, « par ces agissements constitutifs d’une usurpation de fonctions au sein de l’établissement scolaire, M. Patrice Chapat a outrepassé ses prérogatives de représentant des personnels et syndicales, manqué à ses obligations d’obéissance hiérarchique et de loyauté et porté gravement atteinte au bon fonctionnement du lycée ».
Des propos critiques à l’encontre du chef d’établissement tenus dans la presse sont également reprochés : « M. Patrice Chapat a manqué à son obligation de réserve et de neutralité ». Lui répond qu’il n’y pas eu d’attaque personnelle, pas de nom jeté en pâture mais qu’ils ont alerté sur des dysfonctionnements dans l’établissement. Pour lui, qui a travaillé sans compter les heures, au service de l’établissement, pour pallier les manques et erreurs, les accusations « sont un ramassis de mensonges ».
« Museler toute expression syndicale »
Une large intersyndicale CGT Educ’Action, SNES FSU, SNFOLC FO, UNSA, SUD Éducation soutenue par la FCPE 42 dénonce une sanction « inique et disproportionnée » et « une réelle volonté de faire taire toute défense des droits des personnels et de museler toute expression syndicale ». Elle affirme « leur devoir de dénoncer les agissements autoritaires qui ne laissent pas de place au débat d’idée et d’apporter notre soutien aux personnes qui se dressent en rempart devant ceux qui utilisent une autorité arbitraire comme moyen de gouvernance ! » Les organisations syndicales dénoncent l’attaque à la liberté d’expression comme au droit syndical. Patrice Chapat déclarait en novembre au Café pédagogique qu’il s’agissait d’un problème politique et craignait « le message envoyé : le premier qui l’ouvre, on va le massacrer. »
« Une sanction sévère et disproportionnée »
Les organisations syndicales et représentants de parents d’élèves appellent à la grève jeudi 9 janvier 2025 et organisent une mobilisation en soutien aux collègues sanctionnés. La co-secrétaire nationale de la CGT Educ’action Isabelle Vuillet se dit en colère et très vigilante sur le sujet, « il n’y a vraiment pas grand-chose dans le dossier et à l’issue de la commission, il y a eu une diminution drastique des griefs à son encontre », « la sanction est excessivement sévère et disproportionnée ». Elle interpellera le ministère et portera le sujet lors du prochain CSA.
Djéhanne Gani