« La mixité sociale est une des conditions de la réussite de tous dans la perspective d’une société plus égalitaire et fraternelle » rappelle l’OZP dans ce manifeste, pointant que la mixité sociale est inscrite dans le Code de l’éducation. Il formule quelques préconisations et priorités, parmi elles la formation, la stabilité, l’allocation des moyens en fonction de la situation sociale des établissements.
L’absence de tout discours et tout projet conséquents sur l’éducation prioritaire de ce gouvernement, comme de ceux qui l’ont précédé depuis 2017, est révélatrice d’orientations politiques qui ont renoncé à toute visée de lutte contre les inégalités scolaires et de démocratisation de notre système éducatif. Les dédoublements des classes de CP, CE1 et GS, obtenus grâce à la baisse démographique et dont les premiers résultats sont décevants, ne sauraient suffire.
Les soussignés, acteurs de l’éducation, résolus dans leur volonté de faire réussir tous les élèves en élevant le niveau d’ensemble, en luttant contre les inégalités scolaires et en visant l’émancipation des futurs citoyens, veulent alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de réorienter l’action éducative pour parvenir à ces fins.
La mixité sociale est une des conditions de la réussite de tous dans la perspective d’une société plus égalitaire et fraternelle. Deux principaux obstacles sont très clairement identifiés : l’existence de deux systèmes d’enseignement avec un enseignement privé qui accueille massivement, et de plus en plus, les enfants des couches sociales les plus favorisées, et un urbanisme qui concentre dans certains secteurs les familles les plus fragiles sur le plan économique et social. Dans le premier cas, il s’agit d’une ségrégation choisie, dans le second d’une ségrégation subie.
Face à cela les soussignés vous demandent d’être résolus pour améliorer la mixité sociale dans les quartiers et une hétérogénéité scolaire raisonnable dans les établissements en donnant sens et force à la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain), en consolidant la politique de la ville, en luttant pour de meilleures conditions de logement pour tous et en imposant dans l’immédiat plus nettement à l’enseignement privé de ne pas sélectionner ses élèves notamment sur des critères économiques ou sociaux, sans pour autant augmenter sa part des effectifs globaux. Il conviendrait aussi de mieux encadrer l’enseignement privé hors contrat.
En attendant que la mixité sociale que nous appelons de nos vœux et qui est inscrite dans l’article L111-1 du code de l’éducation progresse significativement, certains quartiers, certaines petites villes et même certains villages connaissent des situations de concentration de populations économiquement pauvres et socialement éloignées des attendus de l’école.
En conséquence, les soussignés vous demandent de maintenir, développer et soutenir durablement pour les écoles et collèges de ces secteurs une politique de réseau d’éducation prioritaire sur la base du référentiel de l’éducation prioritaire publié par le Ministère de l’Education Nationale en 2014. Ce document est en effet le résultat d’un large travail d’analyse et de synthèse des facteurs déterminants de la réussite dans les réseaux, élaboré avec l’expertise de nombre d’acteurs du système éducatif à commencer par les personnels de terrain eux-mêmes. Il faut en outre répondre prioritairement aux besoins des lycées et des écoles qui ne s’inscrivent pas dans un réseau mais présentent des situations sociales difficiles dans la perspective d’une politique prioritaire qui vise à élever le niveau culturel et scolaire de tous les élèves issus des milieux populaires quel que soit leur lieu de scolarisation.
Pour consolider ces priorités il faut :
- Confirmer et étoffer le référentiel de l’éducation prioritaire en s’appuyant sur toutes les données de recherche et sur les savoirs d’expérience des professionnels sans imposer de manière simpliste et autoritaire des solutions prétendument issues de « la » science. En revanche il faut permettre aux équipes de travailler à développer des collectifs professionnels formés à résoudre les difficultés d’enseignement des enseignants et les difficultés d’apprentissage des élèves. La formation initiale doit donner, pour tous les personnels, une place plus importante aux pratiques professionnelles reconnues pour favoriser la réussite des élèves des milieux populaires. La formation continue doit, pour une large part, être conçue en se fondant sur des concertations préalables avec les professionnels. Des travaux doivent pouvoir être conduits dans ces écoles et établissements avec des équipes de recherche.
- Inscrire dans la durée cette politique largement concertée avec ses acteurs en évitant désormais les stop and go préjudiciables à la continuité d’un travail qui nécessite du temps, de la cohérence et une approche systémique, sur la durée de la scolarité obligatoire a minima.
- Faciliter le développement d’appuis à l’activité d’enseignement, qui ne laissent pas croire que tout se jouerait en dehors de l’école, mais qui viseraient à soutenir l’école dans sa tâche d’enseignement en adaptant de manière pertinente les interventions extérieures pour répondre aux besoins identifiés par les professionnels de l’éducation (interventions médico-sociales, aides scolaires, relations avec les parents…). La réorientation d’une partie de l’action des cités éducatives est souhaitable à cet égard.
- Continuer à rendre les postes en éducation prioritaire attractifs par des moyens financiers (indemnités) mais aussi en développant l’accès à des ressources culturelles et des outillages pédagogiques qui répondent aux besoins identifiés par les professionnels et la recherche, et redonnent à ces écoles et collèges des moyens d’agir et du sens à l’exercice des métiers de l’éducation.
- Attribuer les moyens d’enseignement sur l’ensemble du système non seulement en fonction des effectifs et des structures mais en en distribuant une part très significative en fonction de la situation sociale des écoles et établissements. Les écoles et établissements qui ont les IPS (Indicateurs de positionnement social) les plus bas doivent recevoir à effectif égal plus de moyens que les autres. Dans tous les cas, l’enseignement public qui accueille tous les élèves doit recevoir plus de moyens que le privé contrairement à ce qui apparaît actuellement dans les lycées.
- Revoir la carte de l’éducation prioritaire au moyen des IPS en n’incluant pas le privé. Une démarche comparable est souhaitable pour déterminer une liste de lycées prioritaires qui pourraient par ailleurs bénéficier d’un référentiel spécifique dans une perspective bac-3/bac+3.
- Enfin, veiller à ce qu’à tous les niveaux du système éducatif, le pilotage soit respectueux des orientations du référentiel et respectueux des acteurs en favorisant davantage leur travail collectif pour la résolution des problèmes professionnels qu’ils rencontrent.
Les soussignés demandent qu’une politique de mixité sociale soit sérieusement remise en œuvre et qu’une politique d’éducation prioritaire soit réaffirmée et conduite de manière pérenne. Des rencontres nationales, académiques et départementales ainsi que dans les réseaux devront permettre de faire le point sur ces deux dimensions fondamentales de la politique éducative afin de remobiliser tous les acteurs sur cet enjeu essentiel pour l’avenir du pays.
Les premiers signataires :
Marc Bablet, Lilia Ben Hamouda, Michèle Coulon, Marc Douaire, Jean-Claude Emin, François-Régis Guillaume, Cintia Indarramendi, Marc Megret, Jean-Yves Rochex, Jean-Paul Tauvel, Blandine Tissier, Arlette Toussaint, Jean-Michel Zakhartchouk, membres du Conseil scientifique de l’OZP
Alain Bourgarel fondateur de l’OZP
Jacques Bernardin président du GFEN
Gwenael Le Guevel président des CRAP Cahiers pédagogiques
Viviane Youx présidente de l’ AFEF
Elisabeth Allain-Moreno secrétaire générale du SE-UNSA
Catherine Nave-Bekhti secrétaire générale de la CFDT éducation formation et recherches publiques
Sophie Venetitay secrétaire générale du SNES-FSU