L’activité de travail des professeurs des écoles est faite de tous les choix qui sont pris dans le quotidien de la classe. Ces choix sont propres à un individu et leur pertinence se mesure à l’aune du métier. Lorsqu’il existe un cadre où ces choix peuvent être discutés, où la qualité du travail peut être l’objet de controverses, où les professionnels peuvent se disputer sur la manière de faire un travail efficace et efficient, alors le métier reste vivant. Chaque semaine, retrouvez deux professeurs des écoles qui expriment un point de vue différent sur la manière de faire leur métier, qui n’utilisent pas les mêmes outils pour réaliser leur tâche, qui ne font pas les mêmes gestes professionnels. Aucun des deux n’a raison, aucun des deux n’a tort, mais ils assument ne pas faire exactement la même chose … et ce faisant ils font vivre leur métier.
En lisant ces lignes chaque mercredi, demandez-vous comment vous vous y prenez, vous, et pourquoi ?
Rodolphe et Sandra enseignent en CP. Ce matin, ils ont tous les deux l’intention de faire des mathématiques à leurs élèves mais n’utilisent pas les mêmes outils.
Rodolphe explique son choix : « Tu vois j’ai préparé ces flashcards avec au recto le nombre écrit, et au verso autant de petits carrés noirs. Quand il y a 10 carrés noirs, ils sont empilés en dizaines et donc ça permet de faire comprendre la base 10. Je veux que la séance soit dynamique, que ça fuse, et les flashcards ça permet ça. Celles-là je les avais faites l’an passé donc je n’ai pas eu à les refaire mais c’est vrai que ça demande quand même beaucoup de préparation. Je fais mes cartes à l’ordi puis j’imprime recto-verso. Chez moi. C’est sûr ça fait de l’encre, et puis surtout après je plastifie sinon elles seraient mortes depuis et je ne pourrai pas les réutiliser. C’est pour ça que j’ai une plastifieuse chez moi car je fais des flashcards aussi en anglais, en EPS … Donc là pour ma séance, j’ai mon lot de flashcards et je démarre l’activité par un genre de quiz de rapidité. Après je leur laisse aussi manipuler les cartes, jouer à se poser des questions entre eux et ça m’aide après pour la leçon. Vraiment c’est un outil très dynamique et j’aurais du mal à m’en passer maintenant. ».
Sandra prend la parole et dit : « Ben moi je suis toujours au 100% tableau. J’écris tout au tableau car je me dis que c’est encore là que les enfants sont susceptibles de tous voir la même chose. Sinon ma séance ressemble à la tienne, je fais des petits carrés, je les rassemble par 10, on décompose des quantités ou on en recompose … exactement comme toi mais sauf que ce n’est pas sur les flashcards mais sur le tableau. En vrai je n’ai jamais utilisé les flashcards. Ce n’est pas que je sois contre, c’est que le tableau me va tout à fait et je trouve que c’est un outil pertinent. Ça fait des années, et même avant quand j’étais élève, que je travaille avec un tableau en face ou à côté de moi, ça fait partie intégrante de la panoplie du prof non ? Donc je structure mon travail à partir du tableau. Je sais comment gérer l’espace dessus, et je prends le temps de dessiner mes carrés. J’ai l’impression à t’entendre que dans ma classe ça va plus lentement en fait. C’est sûr les flashcards ça doit donner un rythme dynamique, mais moi la lenteur ça me va bien, et puis pendant que je dessine je parle et j’explique ce que je dessine. Y’a des enfants très visuels mais y’en a aussi qui retiennent mieux ce que je dis. »
Petite analyse : La question des outils, et leur efficacité, est fondamentale pour définir un travail. Pas de travail sans outils ! Mais leur choix et leur usage dépendent pour beaucoup du style du travailleur. Ici nous voyons deux enseignants qui assument clairement deux choix différents d’outils pour atteindre un même objectif. Un outil « historique » qu’est le tableau et un outil « moderne » que sont les flashcards. Aucun n’est parfait, tout va dépendre de l’usage que l’enseignant va faire de cet artéfact, pour en faire un instrument efficace et efficient de son activité.
Et vous, niveau outils, vous êtes plutôt du style Rodolphe ou du style Sandra ?
Frédéric Grimaud
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