Jeudi 10 septembre 2024, le cabinet de la ministre a présenté le projet de loi de finances 2025. Au regard des chiffres, s’il est une priorité pour le gouvernement, c’est celle de l’austérité. C’est le ministère de l’Éducation nationale qui en fait le plus lourdement les frais avec 4000 postes d’enseignants en moins.
Alors que les urgences criantes sautent désormais aux yeux à travers les crises qui s’installent, la question de ses remèdes se pose : une crise peut-elle se passer d’un traitement choc ? S’il est un choc dans l’école et dans la société : n’est-il pas le choc de savoir que l’École va si mal et que le pouvoir ne change pas de cap ?
Le choc dans le Premier degré : 3155 postes supprimés
Les ¾ des suppressions de postes touchent le premier degré public. C’est une baisse de 3155 postes en 2025. Il s’agit là d’une saignée massive et plus forte que les années précédentes. Pour Guislaine David, cosecrétaire du Snuipp-FSU, « c’est un sabordage de l’école publique », elle demande « où est la priorité que nous annonce Anne Genetet ? » Ces suppressions de postes vont entrainer des milliers de fermetures de classes. Le Pour le Second degré public, c’est une perte de 180 postes dans le public et de 40 dans le privé sous contrat. S’il semble épargné en 2025, ce n’est que remis à plus tard, par ruissellement puisque l’argumentaire du ministère est la baisse démographique. Le ministère pointe les 97 000 élèves en moins et la baisse de 300 000 élèves depuis 2017 non sans faire écho au rapport explosif de l’IGESR et de l’IFG. Pourtant, les représentants des familles comme la FCPE et les syndicats ne cessent de répéter que la baisse démographique représente une chance pour baisser de façon notable les effectifs dans toutes les classes. La France est -toujours- l’un des pays avec les effectifs de classe les plus chargés.
« Une véritable saignée qui tourne le dos aux ambitions de l’École »
Sophie Vénétitay, la secrétaire générale du SNES-FSU exprime sa colère contre « le gouvernement qui sacrifie l’éducation nationale sur l’autel de l’austérité. C’est une véritable saignée qui tourne le dos aux ambitions de l’Ecole. » Rappelant les mots du Premier ministre Michel Barnier qui a réaffirmé l’école comme sa priorité devant l’Assemblée nationale, elle conclut : « Au moins, c’est clair, c’est la confirmation que ce gouvernement méprise l’École publique et ne sait faire que de beaux discours ».
Stabilité du budget : les trous dans la raquette
Le PLF2025 est un budget stable, à l’image du cap annoncé par la ministre Genetet. Il n’y a pas eu de coup de théâtre du côté de l’Éducation nationale qui poursuit la politique de suppressions de postes avec des moyens pour appliquer les réformes en cours. Le Pacte a été reconduit, ainsi que les moyens pour la reconduite de la mesure du Choc des savoirs pour les « groupes de besoins » en 6e et 5e. A noter qu’aucun financement n’a été prévu pour les groupes de niveau 4e et 3è.
C’est la stabilité du budget, comme celle de la ligne politique. « Défendre l’école publique, c’est aussi défendre ses moyens » annonce le cabinet en préambule. Si le ministère n’a pas été amputé des 700 millions exigés en février, ses moyens ne sont pas à la hauteur des défis ce que la prédécesseure de la ministre Genetet avait annoncé. Il est à noter qu’un budget maintenu ne va pas sans compter des suppressions de postes, avec les avancements de carrière.
La secrétaire générale du SNES, Sophie Vénétitay souligne l’absence « mesure nouvelle sur les salaires alors qu’on manque de professeurs » dans un pays qui se distingue aussi des autres pays européens par des salaires plus bas en moyenne. Et ce, malgré les annonces des ministères des « revalorisations » qui ne couvre pas l’inflation et le gel du point d’indice. Le métier d’enseignants continue de glisser vers le déclassement quand bien même le ministère se targue d’une hausse de rémunération de 13,4% entre 2020 et 2024. Il souligne la hausse de la rémunération des débuts de carrière et évoque un mieux pour les milieux et fins de carrière, avec un plus fort taux de promotion à la Hors classe (de 22 à 23%à la rentrée 2025, après une progression de 18 à 21% au titre de la campagne d’avancement 2023 et de 21 à 22% à la rentrée 2024). Soit. Il n’est pas question d’une hausse de salaire, or c’est une condition essentielle pour l’attractivité du métier. Rien n’est prévu également pour la formation.
Le PLF annonce la création de 2000 postes d’AESH, un chiffre qui restera insuffisant pour les 45 000 élèves en situation de handicap, et pour garantir des personnels formés aux salaires suffisants.
Pour les agents de la Seine saint Denis, le budget 2025 reconduit et conforte la prime de fidélisation qui passe de 10 000 à 12 000 euros par an. Les personnels du 93 exigent un véritable plan d’urgence pour leur département. Leur revendications dépassent celles de leurs salaires, ils soulignent un réseau de difficultés qui rendent difficiles les conditions d’exercice de leurs missions. L’absence de mixité et la pauvreté des familles sont des facteurs, qui dépassent le cadre du budget du MEN, mais pas de ses choix politiques, comme de ceux du gouvernement. Or, jeudi matin, la ministre Genetet a enterré devant le Sénat le projet d’une action en faveur de la mixité.
Le Pacte reconduit en 2025: priorité au Remplacement de Courte Durée (RCD)
La poursuite du Pacte a été annoncée, avec une augmentation prévue de 98 millions pour la mission prioritaire de RCD dans les dotations allouées aux académies, avec un doublement de parts dédiées aux remplacements de courte durée. Mais le Pacte et son dispositif de Remplacement à Courte Durée ne parviendra jamais à combler les milliers de postes vacants, d’absences de remplaçants dans de nombreuses disciplines. Le pacte n’est pas une revalorisation salariale. A la rentrée, il manquait un professeur dans 56% des établissements. 3200 postes n’étaient pas pourvus aux concours 2024. Reconduire le pacte et son budget pose la question de sa ventilation notamment dans le privé, au regard du bilan 2024.
Gestion de crises : comprendre les besoins des personnels
Dans son édito au PLF2025 pour son ministère, la ministre Anne Genetet écrit « le cœur de la bataille pour notre École, c’est d’élever le niveau de tous les élèves grâce à l’exigence pédagogique et à la transmission des savoirs fondamentaux à tous les niveaux de la scolarité ». Toutefois, si « l’exigence pédagogique et la transmission de savoirs », fondamentaux ou pas, sont le cœur de métier des professeurs, les conditions d’exercice du métier, de travail, de salaires sont des revendications essentielles. Sans apporter de réponses à ces points, il est fort probable que la crise de l’attractivité ne pourra être surmontée. Et pour l’école plus innovante, plus inclusive, l’école du bonheur que la ministre Genetet appelle de ses vœux dans son édito au PLF2025 ou lors de la cérémonie de passation, il faut déjà des … professeurs, et même plus de professeurs. Donc répondre à la question prioritaire de l’attractivité du métier. Plutôt qu’à celle de la cure d’austérité. Et donc changer d’approche… voire de cap.
Djéhanne Gani
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