On le sait, l’école française ne résorbe pas les inégalités sociales, elle les transforme en inégalités sociales de compétences, notamment en français et en mathématiques. Dans une note publiée très récemment, la DEPP – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance – montre, s’il en était encore besoin, que les écarts de performance entre élèves de différentes origines sociales sont importants dès l’entrée en sixième et tendent à se creuser durant la scolarité obligatoire.
Des compétences inégales dès le début du collège
À l’entrée en sixième, les compétences des élèves montrent déjà de fortes disparités selon leur origine sociale. En 2022, 41 % des enfants de parents de cadres obtiennent de bons résultats en français, contre seulement 6 % des enfants de parents inactifs et 10 % des enfants de parents ouvriers, indique le service statistique du ministère. À l’inverse, 45 % des enfants de parents inactifs et 26 % des enfants de parents ouvriers sont en difficulté, seulement 5 % des enfants de cadres supérieurs. Le constat est le même en mathématiques.
Dans cette note, la DEPP utilise la classification « PCS ménage », récemment introduite par l’Insee, permet d’apprécier les disparités sociales en tenant compte de la profession des deux parents. Selon cette classification, les enfants de ménages inactifs et ouvriers sont surreprésentés parmi les moins performants. 45 % des enfants de ménages inactifs se situent dans le quintile inférieur en français (les moins performants), contre 5 % des enfants de ménages de cadres.
Amplification des inégalités en mathématiques dès l’école primaire
C’est à l’école primaire que les inégalités sociales de compétences augmentent, particulièrement en mathématiques. À l’entrée en CP, les écarts sont moindres, mais ils s’amplifient à mesure que les élèves progressent dans leur scolarité. « En mathématiques, l’accroissement des écarts sociaux au cours de l’école primaire est plus net (qu’en français) : la part des meilleurs augmente de 8 points (de 30 % à 38 %) entre le CP et la sixième pour les enfants de cadres supérieurs, alors qu’elle diminue de 4 points pour les enfants d’ouvriers (de 15 % à 11 %) ».
En français, les inégalités sociales apparaissent déjà très fortes à l’entrée en CP et augmentent tout au long de l’école primaire. « Les enfants de cadres supérieurs améliorent un peu leur position au primaire : à l’entrée en CP, 7 % sont parmi les moins performants en français et 14 % dans le groupe au-dessus ; ces taux passent à 6 % et 12 % à l’entrée en sixième. Dans le même temps, leur part dans le groupe des plus performants passe de 34 % au CP à 39 % en sixième. À l’inverse, les enfants d’ouvriers voient leurs résultats diminuer un peu : leur part parmi les plus performants est de 10 % à l’entrée en sixième contre 13 % à l’entrée en CP ».
Ces tendances se confirment tout au long du collège. Les enfants de cadres supérieurs progressent davantage que leurs pairs issus de milieux ouvriers, exacerbant ainsi les écarts de performance.
Une augmentation des inégalités depuis 2002
Mais ce que nous permet d’établir plus explicitement cette note du ministère, c’est l’augmentation de ces inégalités depuis 2002. Les données du Diplôme National du Brevet (DNB) montrent une hausse des écarts, surtout en mathématiques. En 2022, la part des enfants de cadres supérieurs parmi les plus performants en mathématiques a augmenté de 5 points par rapport à 2002 (de 37 % à 42 %), alors que cette part a diminué de 3 points chez les enfants d’ouvriers (de 12 % à 9 %).
Un constat confirmé par la dernière étude PISA. En 2022, 39 % des élèves les plus défavorisés en France se trouvent dans le quintile le plus bas en culture mathématique, contre seulement 6 % des élèves les plus favorisés.
Comparativement aux autres pays de l’OCDE, les inégalités sociales en France restent parmi les plus élevées. En 2022, 39 % des élèves français les plus défavorisés se trouvent dans le cinquième le plus bas en culture mathématique, contre seulement 5 % des élèves les plus favorisés. Cette proportion est plus élevée que la moyenne de l’OCDE, où 34 % des élèves socialement favorisés sont parmi les plus performants, contre 43 % en France.
Le chemin vers une réduction significative des inégalités sociales de compétences semble encore long. Une inversion de cette tendance est-elle possible ? Un challenge pour la prochaine majorité politique si elle décide de se saisir de cette question. Pas sûre que tous les partis en lice en aient l’envie.
Lilia Ben Hamouda