Les 29 et 30 mai dernier, les élèves des établissements français de l’Amérique du Nord ont planché sur les épreuves du Brevet (DNB). Quelle ne fût la surprise des enseignants et enseignantes d’histoire-géographie, mais aussi des autres disciplines, de découvrir le sujet d’EMC. « C’est sans honte ni fards que le sujet d’Enseignement Moral et Civique (EMC) s’est livré à une entreprise de propagande pour le SNU », écrit Laurence De Cock, historienne et professeure d’histoire-géographie, qui réagit dans cette tribune.
Car le sujet nous a réservé une autre surprise : la transformation d’un examen en vitrine de la politique gouvernementale. On ne va pas mentir, ce n’est pas la première fois qu’ils flirtent avec l’auto-promotion, mais disons que cette année, on touche à la perfection.
C’est en effet sans honte ni fards que le sujet d’Enseignement Moral et Civique (EMC) s’est livré à une entreprise de propagande pour le SNU. L’EMC est bien cette matière sur laquelle le gouvernement a décidé de jeter son dévolu pour « reciviliser » les sauvageons comme l’avait annoncé le Président de la République en août 2023. Gabriel Attal avait même annoncé un renforcement de son enseignement au collège, pour l’instant simple effet d’annonce non traduit dans les faits. C’est dire l’importance (démesurée et ridicule) que le gouvernement accorde à cet enseignement. On peut donc supposer que le sujet de DNB, désormais examen national crucial dans le projet de tri sélectif des enfants, a fait l’objet d’une attention particulière.
On rappellera que l’EMC est un matière censée nourrir l’esprit critique. Aussi faut-il scruter de près le questionnement sur les documents pour comprendre le cheminement intellectuel demandé à l’élève. Force est de constater que c’est assez simple ici puisqu’il s’agit de procéder en deux temps :
– S’assurer que l’élève a bien saisi les informations des documents publicitaires
– Lui demander de mobiliser ces informations pour faire la promotion du SNU auprès de ses camarades.
C’est simple, concis, et franc du collier.
On nous rétorquera sans doute que le gouvernement n’est nullement responsable de la confection des sujets, trop occupé à batailler pour faire accepter l’inique réforme des groupes de niveau/besoins/niveau. Et qu’il faut donc plutôt pointer la responsabilité de collègues et de l’Inspection. C’est sans doute vrai, et même pire tant cela reflète la toxicité d’une chaîne de loyauté fabriquée sur la base d’une soumission aveugle à l’autorité et d’autocensure face à la possibilité – même minime- de la critique.
Il est donc permis de se demander comment enseigner l’esprit critique à des élèves si l’on est soi-même saisi d’effroi à la simple idée d’introduire une pincée de nuances et un soupçon de distance dans l’analyse de documents. Ce n’était pourtant pas impossible à faire comme le montre cette proposition de sujet alternatif élaboré par nos soins.
On rappellera enfin qu’un régime qui confond un sujet d’examen avec le porte-parolat de sa politique est un régime qui prépare méthodiquement la défaite de la démocratie.
Laurence De Cock
