Dans cette tribune, Claude Lelièvre s’intéresse tout particulièrement au nouveau rôle du DNB qui aura pour conséquence « des enseignements qui vont devoir être pratiqués de fait par les professeurs de collège : préparer avant tout à cet examen considéré désormais comme dûment sélectif ». « C’est à cet aune qu’il convient aussi de considérer les autres mesures… », écrit l’historien.
Lundi dernier, sur son compte twitter, le premier ministre – et ex-ministre éphémère de l’Éducation nationale – Gabriel Attal a triomphé comme à son habitude sans aucune modestie : « Je m’étais engagé auprès de nos élèves et de leurs familles à créer un véritable ‘’Choc des savoirs’’ pour notre École. Ce matin, publication au Journal officiel des textes sur : les groupes de niveau ; le retour du dernier mot, sur le redoublement, aux professeurs ; l’accompagnement de ceux ayant échoué au brevet. Promesse tenue ».
Même si ces propos sont inexacts et témoignent de la constance de Gabriel Attal à user et abuser d’une rhétorique gonflante, il convient pour y voir clair de considérer ces mesures dans leur ensemble et non l’une après l’autre comme si elles n’avaient pas de liens intrinsèques et ne participaient pas d’une même politique.
L’expression de « groupes de niveau » ne figure pas dans le décret. Même si on peut dire que désormais « les parents » n’auront plus le dernier mot en matière de redoublement, il est inexact de prétendre que « les professeurs» » vont l’avoir en application du nouveau décret. Enfin « l’accompagnement de ceux ayant échoué au brevet » n’est prévu pour le moment que dans un établissement par département, à titre expérimental.
On pourrait se dire qu’au final, tout bien considéré, on est davantage dans des ‘’formations de compromis’’ que dans un « Choc des savoirs ». Mais ce serait sans doute trop vite passer sous solde de tout compte ce qui a été lancé auprès de l’opinion publique, et qui continue à l’être sans aucune nuance ou retenue par le Premier ministre Gabriel Attal. .
Ce serait surtout perdre de vue une perspective essentielle du nouveau dispositif lancé par Gabriel Attal, à savoir faire du brevet un élément essentiel de l’orientation en seconde. On aurait pu penser que cette perspective (bouleversante historiquement) pouvait disparaître purement et simplement avec la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet. Même si les annonces concrètes à ce sujet sont pour le moment de l’ordre de l’expérimental, il n’en est finalement rien… Et ce n’est pas rien, tant s’en faut, même si beaucoup n’en ont guère conscience .
Même si le brevet a été considéré comme un examen de fin de cycle (le premier cycle du secondaire) à partir de 1947, la détention du BEPC (brevet d’études du premier cycle) n’a jamais été jugée nécessaire pour entrer dans le second cycle. A partir de1978, c’est même en quelque sorte l’inverse qui a été décidé : les élèves ayant fait l’objet d’une orientation vers le second cycle de l’enseignement secondaire n’avaient pas passer les épreuves du brevet pour l’obtenir. En 1981, le diplôme – désormais intitulé « brevet des collèges » – est attribué sans examen, au vu des seuls résultats scolaires.
En 1986, un « examen écrit » ( en mathématiques, français, histoire-géographie-éducation civique ) est réintroduit par le ministre de l’Éducation Jean-Pierre Chevènement avec le triple objectif annoncé de « revaloriser le diplôme », de « motiver » davantage les élèves, et de les « préparer » à aborder des examens ultérieurement. Lors de sa première mouture, le taux de reçus ne dépasse pas 49%. Mais le brevet ne devient pas pour autant un élément réglementaire pour l’orientation en seconde.
Il faut prendre la mesure de la perspective totalement inédite du rôle du brevet et de ses conséquences sur l’orientation des enseignements qui vont devoir être pratiqués de fait par les professeurs de collège : préparer avant tout à cet examen considéré désormais comme dûment sélectif. C’est à cet aune qu’il convient aussi de considérer les autres mesures…
Claude Lelièvre