Le Sénat examine en séance le 23 novembre la proposition de loi Cabanel « tendant à renforcer la culture citoyenne ». L’objectif est de modifier l’enseignement moral et civique (EMC) pour le limiter à la connaissance des institutions et, si possible, la révérence envers leurs membres. Un projet réactionnaire, entamé par la réforme des programmes de 2018 et qui sera probablement voté.
Le retour de l’instruction civique
Le texte présenté en séance ne comprend que 7 articles. Le premier décide que » l’enseignement moral et civique a pour objet d’amener les élèves à devenir des citoyens responsables et conscients de leurs droits et de leurs devoirs. Il comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République et à la laïcité. Son objectif est de permettre aux futurs citoyens de connaître le fonctionnement des institutions françaises et européennes. Il vise également à leur faire comprendre les enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain. »
Les autres articles visent à faciliter le vote par procuration et surtout à autoriser l’envoi de tracts électoraux par voie électronique aux élections législatives, des conseils départementaux, municipaux et du parlement européen. Un dernier article facilite l’exercice des fonctions d’élu pour les étudiants.
Un projet qui vient de loin
Cette proposition de loi résulte du rapport de la Mission d’information du Sénat, pilotée par Stéphane Piednoir (LR) et Henri Cabanel (RDSE) en juin 2022. Quelques mois après un rapport dénonciateur de la Cour des Comptes sur l’EMC, ils demandaient un recadrage de l’EMC. » « Il faut recentrer l’EMC sur ce qu’elle était au départ, sur le fonctionnement des institutions avec des documents plus valorisants pour ceux qui pratiquent la démocratie au quotidien« , demandaient les deux sénateurs. Plus question de débats sur les défis que doit affronter la société pour former les futurs citoyens. Les deux sénateurs demandaient le retour à un enseignement du fonctionnement des institutions comme au bon vieux temps. Ce retour à l’instruction civique allait dans le sens de la réécriture des programmes d’EMC par JM Blanquer en 2018 et des voeux de S. Ayada, alors présidente du Conseil supérieur des programmes en janvier 2022 : « il est temps de revenir à une instruction civique classique où on n’est pas en lutte contre tous les maux de la société« .
Les amendements
Des amendements ont été déposés par le PS pour nuancer le texte en ajoutant à cette « culture citoyenne » « les enjeux du renforcement de la cohésion nationale, de la mixité sociale, de l’égalité femme-homme ainsi que de la lutte contre les préjugés sexistes et homophobes et à celle contre la violence au sein des couples« . Un autre amendement demande au gouvernement un rapport sur l’EMC organisé en lieu et place de l’enseignement religieux obligatoire en Alsace Moselle pour les élèves dispensés. Gageons que ces amendements ont peu de chance de passer avec la majorité de droite du Sénat. La laïcité a des limites…
François Jarraud
Le rapport de la Cour des Comptes