Peu de chances que les élèves de Graulhet aient classe aujourd’hui. Sur les cinq écoles de la ville du Tarn, deux seront fermées fautes de professeurs, deux autres fortement perturbées. La raison ? La décision pour une majorité des enseignants et enseignantes de la commune de se mettre en grève mardi 21 novembre à la suite de l’entretien de l’une de leur collègue avec la Dasen – Directrice académique des services de l’éducation nationale du Tarn. Un entretien « d’une dureté assez rare et extrêmement éprouvant » selon la FSU-SNUipp qui l’accompagnait. Mais par-delà le soutien à leur collègue, si une majorité des professeurs est gréviste, c’est pour dénoncer le mépris de la hiérarchie plus généralement.
Mercredi 15 novembre, une enseignante de l’école Victor Hugo de Graulhet a été reçue par la directrice académique accompagnée du DASEN adjoint, de la secrétaire générale et de l’IEN (Inspecteur de l’Éducation nationale). « On était très surpris de la composition de l’équipe de direction qui recevait la collègue », nous raconte Thomas Verdier, co-secrétaire départemental de la FSU-SNUipp du Tarn. « On a donc décidé de l’accompagner à deux délégués ». L’entretien aura duré deux heures. « C’est principalement la Dasen qui s’est exprimée. Elle était cassante, très dure. Elle a remis en cause la professionnalisé de la collègue à plusieurs reprises. Elle n’a même pas laissé la possibilité à notre collègue de s’expliquer, elle utilisait chacun de ses propos contre elle ». « Un véritable tribunal » accuse le responsable syndical.
À l’origine de cet entretien, un fait de classe assez anecdotique. Il y a plusieurs semaines, quelques élèves chahutaient en se jetant des bouts de gomme dans la classe de cette enseignante qui a plus de quinze ans d’ancienneté. « Lorsque la collègue leur a demandé d’arrêter, un a persisté, a assuré ne rien avoir lancé, mais avoir donné sa gomme à son camarade » raconte Thomas Verdier. « L’enseignante lui a montré la différence entre poser et lancer en posant un crayon puis en le lançant. Ledit crayon a rebondi sur la table puis sur lunettes du petit garçon. L’enfant n’a pas été blessé et les lunettes même pas égratignées » précise-t-il.
Mais la situation prend rapidement d’énormes proportions. Informée par son fils, la maman se rend à l’école très énervée, et « ne laisse pas la collègue expliquer ce qui s’est déroulé ». Après l’école, elle va déposer plainte à la gendarmerie.
« Quelques jours plus tard, l’enseignante a été convoquée, son ADN et ses empreintes recueillis, sa photo prise ». « Notre collègue était donc déjà très fragilisée avant d’arriver à l’entretien à la direction académique. Elle a craqué et pleuré. C’était d’une rare violence » résume l’élu syndical. L’enseignante s’est effondrée à la sortie de la DSDEN (Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale), les pompiers sont intervenus et elle a fini aux urgences.
Aujourd’hui, une grande majorité des professeurs des écoles de la ville sont en grève, ainsi que plusieurs professeurs du collège à l’appel du Snes-FSU. « Dans le département aussi, certains collègues ont décidé de faire grève ». Et si l’histoire de cette enseignante prend tant d’ampleur, c’est qu’elle est symptomatique « d’une violence » et « d’un mépris » qui s’amplifient, dénonce la FSU-SNUipp du Tarn. « L’action de demain est bien entendu en soutien à notre collègue, pour lui dire qu’elle n’aurait pas dû subir tout cela. Mais c’est surtout un écho terrible au sentiment d’absence de soutien de notre hiérarchie. Au sentiment d’abandon. Lorsqu’on alerte, il ne se passe pas grand-chose, on doit se débrouiller seul dans nos écoles. La hiérarchie, l’institution n’est pas là. Parfois, elle rajoute même de la souffrance à celle que l’on peut vivre dans le quotidien ».
Contactée la direction académique indique que « la professeure a été reçue par la directrice académique du Tarn pour faire toute la lumière sur les événements survenus à l’école ». « Aucune sanction n’a été prononcée. Seul un rappel au cadre a été posé lors de l’entretien, l’incitant à infléchir son attitude vis à vis des élèves et des parents d’élèves » précise-t-elle en rappelant l’attachement de la Directrice académique « aux valeurs du dialogue et de l’écoute qu’elle a toujours privilégiées avec les professeurs, l’ensemble des personnels comme avec les parents d’élèves et les partenaires de l’École ».
Lilia Ben Hamouda