Le report des épreuves de spécialité de SES de mars à juin n’a rien réglé. A peine accordé, le nouveau calendrier s’accompagne d’un redéfinition du programme qui fait bondir l’Apses, l’association des professeurs de SES. Son co-président, Benoît Guyon, nous explique pourquoi.
C’est à votre demande que l’année de terminale a été remaniée avec le report de l’épreuve de spécialité en juin. Maintenant vous dites que cette année est ingérable. Pourquoi ?
Cette demande de repousser la date de l’épreuve de spécialité s’accompagnait de celle de réfléchir à des allègements du programme de 2018. Lorsque le bac a été fixé en mars, on a fait du bricolage pendant plusieurs années en s’éloignant du programme annuel. Aujourd’hui on ne sort pas de ce bricolage. La réforme Blanquer a réduit de 13% le temps consacré aux SES. Et dès la publication du programme on avait dit qu’il était trop lourd.
On a l’impression que vous êtes puni pour avoir eu raison sur le calendrier de l’épreuve. Partagez vous ce sentiment ?
En fait avec la réforme Blanquer du lycée, chaque fois que l’on essaye de trouver une solution on a un nouveau problème. Le ministre a voulu faire un geste. Mais il retombe dans le travers de son prédécesseur faute d’écouter le terrain. La décision ministérielle a davantage répondu aux critiques sur l’absentéisme des élèves au 3ème trimestre qu’à nos alertes pédagogiques sur la formation des lycéens et le bagage avec lequel on les envoie dans le supérieur.
Ce bagage est-il insuffisant ?
On empile les savoirs et cet empilement est fragile s’il est construit sur du sable. En 2017, le rapport du Conseil national économique au Conseil supérieur des programmes estimait que l’encyclopédisme nuirait à la qualité de l’enseignement. Il proposait de réduire le nombre de questions au programme. Six ans plus tard on se retrouve face au même problème.
Le report de la date des épreuves de spécialité visait à lutter contre le stress et l’absentéisme des élèves. Ces objectifs sont ils atteints ?
Pour le stress, très clairement, non. Quand vous annoncez le 28 septembre le doublement du programme avec le passage de 7 à 12 questions pour un temps en plus au 3ème trimestre vous mettez un coup de pression sans commune mesure aux élèves et aux professeurs.
Un changement est-il encore possible ?
Oui. Car l’enquête que nous venons de réaliser auprès de 20% des professeurs de SES, montre que la course au programme est déjà perdue. Trois classes sur quatre sont déjà en retard. 60% n’ont traité que 8 points sur les 51 au programme ! Ce n’est pas rattrapable à moins de ne plus se soucier de l’acquisition des savoirs.
Mais il faut aussi parler du programme de 1ère. 80% des enseignants de 1ère n’ont pu traiter que 9 chapitres sur douze. 80% n’ont pas commencé l’entrainement à la dissertation en 1ère. On se retrouve donc devant une équation impossible en terminale : il faut revenir sur les pré-requis de 1ère, entrainer les élèves à la méthode de la dissertation , faire un programme très lourd et préparer aussi le rand oral. On ne peut pas tout faire !
On a une possibilité pour remédier à ces difficultés. L’enquête montre aussi que les enseignants ont commencé l’année par les mêmes chapitres. Nous demandons aujourd’hui au ministre de décider vite la réduction du programme à présenter au bac.
Vous êtes optimiste ?
On se dit que l’intérêt des élèves va l’emporter et aussi le principe de réalité. Le ministre a lancé une mission « exigence des savoirs ». On ne peut pas être exigeant avec un programme trop volumineux. Le programme actuel conduit à un zapping sans approfondissement. Pour que les élèves aient un meilleur niveau il faut faire un vrai bilan du programme de 2018 et le repenser. Vite.
Propos recueillis par François Jarraud
Un « oui mais » à la réforme du bac