Yannick Trigance, conseiller régional spécialiste des questions d’éducation, revient sur le budget 2024 alloué à l’éducation. Alors que le Ministre défend un budget « exceptionnel » dont le « l’humain » est au cœur, Yannick Trigance montre une réalité tout autre. Il décrit un budget qui démontre que « ce gouvernement privilégie résolument les économies de moyens – et les effets d’annonces – au détriment d’une école qui placerait la démocratisation de la réussite et de l’excellence au cœur de notre pacte républicain ». Il signe cette tribune.
A écouter le Ministre de l’Éducation nationale Gabriel ATTAL, on serait prêt à lui décerner sans hésiter la médaille du meilleur ministre de l’école depuis bien longtemps.
A grands coups de déclarations, sa présentation du budget 2024 devrait mettre fin à toutes les critiques : « On a fait le choix historique de réinvestir massivement dans l’école de la République …. L’humain c’est le cœur de ce budget exceptionnel ».
Mais alors, si l’humain est le cœur de ce budget exceptionnel, comment le ministre explique-t-il la suppression annoncée dans les « bleus budgétaires » de 1 511 emplois dans le premier degré et de 484 emplois dans le second degré dont 220 postes dans les lycées professionnels ?
Comment prétendre « réinvestir » dans l’école en supprimant des milliers de postes au moment où les effectifs du premier degré sont en baisse (-90 000 élèves en 2024) et où ceux du second degré ne diminuent pas ?
Pourquoi ne pas profiter de cette baisse démographique pour améliorer le taux d’encadrement en renforçant la présence de « l’humain » -la France a le nombre d’élèves par classe parmi les plus élevés des pays de l’OCDE – et en permettant ainsi aux enseignants de fonctionner dans des conditions propices à l’accompagnement personnalisé des élèves et à un meilleur traitement de la difficulté scolaire ?
Prétendre mettre de « l’humain » dans l’école en retirant des milliers de postes d’enseignants relève à l’évidence d’un paradoxe autant que d’une contradiction.
« L’humain » à l’école, ce devrait-être également la priorité accordée à la santé de nos élèves dont on sait combien elle conditionne la réussite scolaire. Las ! Alors que notre pays ne compte qu’un médecin pour 12 572 élèves et 1 infirmier pour 1 600 élèves et que depuis 2017 ce sont 30% des médecins et 11% des infirmiers qui ont disparu, comment le Ministre ATTAL justifie-t-il son opposition aux deux récents amendements de la députée Fatiha KELOUA-HACHI qui proposait une revalorisation de 5% de ces personnels afin de rendre ces métiers plus attractifs ?
Une politique éducative plus « humaine » consisterait-elle à tarir la présence des personnels de santé scolaire dans des territoires où un élève sur cinq souffre d’un trouble de la vision, où 14% des enfants de 6 ans présentent une surcharge pondérale dont 4% une obésité et 10% un surpoids modéré ?
« L’humain », ce devrait être une médecine scolaire omniprésente dans les établissements afin de permettre dès l’école maternelle une prévention médicale de tous les instants, un véritable travail en lien avec les équipes éducatives, les familles et les structures de soins dans les quartiers.
Enfin, une école « humaine » ne devrait-elle- pas être une école « sociale » dotée de fonds sociaux permettant d’aider les familles pauvres pour la cantine, les fournitures ou les transports scolaires au moment où des millions de parents et leurs enfants vivent dans la difficulté et souvent la grande précarité ?
Divisé par deux de 2002 à 2012, augmenté de 2012 à 2017 puis de nouveau diminué de 50% en 2020, le budget des fonds sociaux est ramené de 50 millions en 2023 à 49 millions en 2024 dans une période où la situation économique reste particulièrement difficile pour les plus modestes.
A cette baisse budgétaire vient s’ajouter le fait souvent dénoncé par Jean-Paul DELAHAYE selon lequel « les versements tardifs et aléatoires d’une année sur l’autre faits aux établissements sont une entrave à une gestion sereine des fonds sociaux localement ».
Au final, ce budget 2024 souffre d’un terrible décalage entre les propos d’autosatisfaction d’un ministre soucieux de son image et la réalité des mesures budgétaires qui ramènent « l’humain » à sa plus stricte dimension au sein des établissements scolaires.
Cet affichage budgétaire 2024 du Ministre ATTAL démontre, s’il en était besoin, que ce gouvernement privilégie résolument les économies de moyens- et les effets d’annonces- au détriment d’une école qui placerait la démocratisation de la réussite et de l’excellence au cœur de notre pacte républicain.
En un mot, une école qui serait plus « humaine ». On en est loin.
Yannick TRIGANCE
Conseiller régional Ile-de-France