En France, le droit au logement n’est pas respecté pour des centaines de familles en situation d’extrême pauvreté. A ce titre, la rentrée 2023 bat de tristes records. Au début du mois d’octobre, l’intercollectif Jamais Sans Toit fait le décompte. Pas moins de 229 enfants à la rue sur la Métropole (125 pour la seule ville de Lyon) dont 51 mères isolées, 3 femmes enceintes, 21 enfants de moins de 3 ans. A Lyon, cinq établissements sont occupés pour mettre à l’abri 26 enfants.
Interrogé par BFM Lyon mardi 10 octobre, le porte-parole de Jamais Sans Toit, Raphaël Vuilliez, rappelle que la solidarité citoyenne ne peut pas se substituer à l’action des pouvoirs publics.
L’inter collectif Jamais Sans Toit fédère parents et enseignant·es dans leurs actions en soutien aux élèves sans logement. Ces citoyen·nes se mobilisent pour accueillir les familles dans les gymnases des écoles, préparer chaque soir des repas chauds, récolter des fonds permettant de payer des nuits d’hôtel les week-ends – 70 000€ de cagnottes solidaires dépensés en 2022-2023 sur la métropole lyonnaise… Ils attendent, parfois durant plusieurs mois, une réponse des pouvoirs publics tenus par plusieurs textes de loi de garantir le droit fondamental au logement.
Le collectif Delorme, un exemple parmi tant d’autres, rassemble ses forces pour la troisième année consécutive. Il s’organise pour accompagner l’occupation de l’école Philibert Delorme de Lyon 8ème, en soutien avec quatre familles, et 5 enfants, sans toit à compter de lundi 16 octobre.
La réalité d’une vie dans la rue : l’exemple de Péguy
Parmi les familles à la rue, Péguy. Elle fêtera ce soir avec sa fille, scolarisée en CE1, son anniversaire à la rue. « On dort dans des parcs ou sous le pont de Jean Macé. Il fait très froid la nuit et il y a des types bizarres qui traînent. » Cette maman a fui l’insécurité de la République Démocratique du Congo. Elle y a laissé deux enfants plus âgés et son mari porté disparu. Arrivée en Union Européenne par le Portugal, sa demande d’asile sur le territoire français ne peut aboutir avant l’achèvement de la procédure dite « de Dublin ». Elle vit sans la moindre ressource financière, affirmant ne pas même toucher l’Allocation de Demandeur d’Asile – 7 euros par jour – à laquelle elle a droit. Les associations telles que les Restos du Cœur, la Croix Rouge, l’Armée du Salut et le Foyer Notre-Dame des sans-abris lui permettent de survivre avec un repas par jour – deux, lorsque sa fille n’est pas trop fatiguée pour aller prendre son dîner à l’autre bout de la ville.
Sandra et Laura, deux membres du collectif Delorme, laissent Péguy repartir la gorge serrée. Elles ont pris connaissance de sa situation et recensé ses besoins immédiats : une paire de chaussures fermées pour elle et pour sa fille, des chaussettes, deux duvets chauds… auxquelles elles joindront quelques courses de première nécessité. « Impossible d’envisager une occupation d’école sans une réunion préalable du collectif. Une fois une famille mise à l’abri, on ne peut pas la remettre dehors, donc il faut être sûr·es que les nuits d’hôtel sont réservées pour les week-ends et décider de ce qu’on fait pendant les vacances scolaires. On aurait envie de dire à cette maman qu’elle va pouvoir dormir au chaud cette nuit, et au lieu de ça, on a l’impression de l’avoir fait venir pour l’interroger sans solution et la remettre à la rue… C’est très dur à vivre ».
Ces situations auxquelles sont confrontés les collectifs sont pourtant de la responsabilité pleine et entière des pouvoirs publics.
« Il y a des pays comme l’Allemagne avec zéro enfant à la rue, donc je pense que c’est tout à fait possible. Il faut arriver à travailler en bonne intelligence, avec les collectifs ». C’est la réponse de Raphaël Vulliez alors que lui est opposé l’argument de la difficulté pour les villes et l’État à faire face à l’augmentation du nombre de personnes sans-abri. Or, il semble qu’à Lyon comme ailleurs, municipalité, Métropole, préfecture et État en soient encore à se renvoyer leurs responsabilités dos à dos.
2000 enfants (dont 692 bébés) dorment dans la rue en France
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sans-abrisme, mardi 10 octobre, les villes de Bordeaux, Grenoble, Paris, Rennes, Strasbourg, et Lyon attaquent l’État en Justice pour son manque d’action en faveur des personnes qui dorment dans ses rues. Le maintien des 203 000 places en hébergement d’urgence, confirmé par Elizabeth Borne au mois de septembre, est loin d’être suffisant.
2000 enfants (dont 692 bébés) dorment dans la rue en France. Ces chiffres tragiques ont été établis par l’Unicef et les associations partenaires à la rentrée 2023 sur un décompte des appels quotidiens au 115. D’après Maud Bigot, présidente de la Fédération Nationale des Samu Sociaux interrogée au micro de France Culture ce même mardi, 14 000 personnes seraient en attente d’un hébergement d’urgence ou d’un logement, contre 7 000 en 2018. L’augmentation de 30% du nombre de places depuis 2020 est très insuffisant et les communes doivent « compenser les carences de l’Etat » a déclaré au même journal Sandrine Runel, adjointe aux Solidarités de la Ville de Lyon. Rappelons que les municipalités, si elles n’ont pas la main sur le parc national d’hébergements d’urgence, peuvent agir sur le patrimoine municipal à disposition et procéder à des réquisitions.
Alors même qu’un plan « Zéro enfant à la rue » est initié par la municipalité en 2021, le nombre d’enfants sans toit n’a pas cessé d’augmenter. À ce chiffre s’ajoutent les situations dramatiques des centaines de Mineurs Isolé·es, qui attendent la reconnaissance de leur minorité dans des campements et squats saturés.
10 000 places d’hébergement supplémentaires sont nécessaires
Lors de la Journée Mondiale du Refus de la Misère, le gouvernement sera interpellé à l’Assemblée Nationale pour la création en urgence de 10 000 places d’hébergement supplémentaires.
Des rassemblements de soutien auront lieu devant les préfectures, comme à Lyon où l’inter collectif Jamais Sans Toit a demandé des audiences auprès du maire Grégory Doucet, de Bruno Bernard, Président de la Métropole et de Fabienne Buccio, Préfète du Rhône.
Le droit au logement est inscrit à la loi DALO de 2007, dans la Déclaration universelle des DDH de 1948, dans le Pacte de l’ONU de 1966 et dans le préambule de la Constitution de 1946. Un toit, c’est un droit… Pourtant sans les initiatives citoyennes et élans de solidarité des habitant·es, on n’ose imaginer ce qu’il adviendrait de ces familles et enfants alors que l’hiver approche.
Laura Lahaix