Pour la journée internationale des enseignants, Gabriel Attal a annoncé la mission « exigence des savoirs ». Sur la table des dossiers tels que la refonte des programmes, la fin des cycles, une harmonisation des manuels scolaires, des classes de niveaux en sixième – au moins sur les fondamentaux… Le Ministre donne huit semaines à la mission, il veut une application en septembre 2024. Il annonce aussi une grande consultation des enseignants dans le même temps. Des syndicats réagissent.
À la FSU-SNUipp, on ne décolère pas. L’annonce de la mission « exigence des savoirs », le syndicat la découvre dans le Monde. Pourtant, seront sur la table, les programmes, les cycles, la formation des enseignants, les manuels scolaires… Alors que le ministre multiplie les sorties sur l’importance du dialogue social, il semble en avoir une définition éloignée de celle des syndicats. En tout cas, de celui de la FSU-SNUipp. Guislaine David, porte-parole, évoque un « long monologue » plutôt qu’un dialogue.
Les annonces faites dans le Monde, le ministre les a réitérées lors d’un événement en l’honneur de la journée internationale des professeurs. Son cabinet voulait organiser une table ronde – en plus de celle des lycéens et des professeurs, avec les organisations syndicales. Une rencontre annulée à la suite du refus de participer de plusieurs d’entre elles – « on ne peut être sollicités de la sorte, du jour au lendemain sans même avoir d’informations sur l’enjeu réel de cette rencontre » s’exaspère Guislaine David.
Quant à la mission « exigence des savoirs », la secrétaire générale de la FSU-SNUipp assure ne pas avoir été consultée. « J’ai reçu un appel lundi du cabinet. On me demandait ce que je pensais des cycles. On voulait une réponse rapide. J’ai répondu que c’était un sujet qui nécessitait de se poser autour d’une table et pas une réponse en cinq minutes par téléphone ». Sur la question des manuels – « qui note une conception erronée du métier de professeur, concepteur de ses séquences d’apprentissage », des programmes, là encore la syndicaliste n’a pas eu son mot à dire.
« Le collège modulaire, c’est un renoncement. Un renoncement au fait que l’École puisse faire progresser et s’ouvrir dans la diversité et dans la confrontation à la diversité », complète Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU. « Dans le projet porté par le ministre, on a une place sociale à la naissance, on ne s’en sort pas. Même l’école ne permet pas d’en sortir. C’est donc un renoncement ».
Au-delà de la forme, c’est le fond qui l’interroge. « Nous sommes face à une réforme du système, sans que le ministre n’ait daigné consulter les organisations sociales ». Quant à la consultation des enseignants, Guislaine David questionne : « Sur quel temps ? Par quels moyens ? Une enquête en ligne individuelle ? ». « Ce n’est pas ça consulter les enseignants. En 2015, il y a eu des temps dédiés, des bilans, des moments d’échanges dans les équipes dans un objectif de co-construction. On consulte en se mettant autour de la table. Nous sommes des professionnels de l’éducation ».
« On est sur la journée mondiale des enseignants, et les annonces faites sont contre les enseignants. Gabriel Attal n’a pas parlé aux enseignants, il a parlé à l’opinion publique… comme il le fait depuis un mois et demi », s’exaspère-t-elle. « Le ministre veut des propositions dans huit semaines avec une consultation des enseignants dans le même temps, une application en 2024 et des résultats en 2025. Ce n’est pas la temporalité du monde de l’éducation qui a besoin de temps longs. Ce n’est pas une opération de marketing ».
Des annonces conformes aux demandes du SNALC
Jean-Rémi Girard du SNALC ne partage pas l’analyse de la FSU-SNUipp. Et pour cause. Une partie des annonces rejoint les propositions portées par le syndicat. « On n’a jamais été favorable aux cycles qui sont déconnectés de la réalité des collègues, notamment sur le cycle trois. L’articulation CM2-6e ne fonctionne pas. Ce serait bien qu’on en fasse enfin le constat ». Pareil pour les programmes. « On a plusieurs documents : les programmes, censés être la seule référence mais qui manquent de repères annuels, les guides… On ne demande pas de refaire tous les programmes, mais il n’est pas aberrant de faire un point, de voir ce qui fonctionne et ne fonctionne pas ».
Gabriel Attal a affirmé que sa proposition d’un collège « modulaire » s’est appuyée sur une proposition du SNALC. « Cela ressemble à ce que nous portons, et ce depuis 10 ans. Nous portons l’idée de faire des groupes de niveaux à partir de la cinquième à effectif réduit pour un accompagnement plus individualisé. Mais nous n’avons pas été consultés sur la question par le ministre ».
Un projet ultra conservateur
Pour Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-UNSA, deux éléments clés ressortent de ces annonces. Le premier, « le ministre n’est plus sur un discours de culpabilisation de l’École et des enseignants. Il dit enfin qu’il faut arrêter de mettre sur le dos de l’École tous les maux de la société. C’est habile ». Le deuxième, c’est la confirmation d’une feuille de route ultra conservatrice. « Il a parlé de fondamentaux, d’exigence des savoirs, un nombre incalculable de fois. Aucune surprise, cela fait partie du modèle porté par ce gouvernement ». « Il est compliqué de vendre une école ultra-conservatrice tout en parlant de l’avenir, de la modernité, du challenge », note la responsable syndicale. Et selon elle, ce matin, le ministre n’était pas à une contradiction près. « Quand il évoque la trop grande hétérogénéité des manuels, porteuse d’inégalités, et que quelques phrases plus loin, il loue la liberté pédagogique. Cela questionne ».
Lilia Ben Hamouda