La forte hausse du budget de l’Education nationale obtenue par Pap Ndiaye (+6.5%), dans un budget de l’Etat pour la première fois en baisse, sera-t-elle suffisante ? La publication des plafonds de dépenses des ministères laisse prévoir des choix difficiles entre tous les engagements pris. Le Pacte pourrait être la variable permettant de ne pas sortir du cadre budgétaire.
Une forte progression du budget de l’éducation
« La mission Enseignement scolaire connaîtra une hausse historique sur deux ans, et la plus forte progression en 2024 avec une hausse de 3,9 Md€ (après une hausse de 3,7 Md€ en 2023) », annoncent les plafonds de dépenses publiés par le gouvernement. « Dans les premier et second degrés, l’ambition de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant des filières générale et professionnelle conduira à poursuivre et amplifier la revalorisation des rémunérations des professeurs grâce à la mise en œuvre du Pacte enseignants à compter de la rentrée 2023. Seront par ailleurs financés la revalorisation des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) initiée par le Parlement en 2023, les gratifications des stagiaires de l’enseignement professionnel, le lancement des mesures de la Conférence nationale du handicap et une amélioration de la rémunération des personnels administratifs et techniques« .
Effectivement, dans un budget de l’Etat en baisse, l’Education nationale s’en tire bien avec un budget qui passe de 60 à 64 milliards (hors pensions), soit +6.5% d’augmentation. L’Elysée va au bout de son projet éducatif avec un budget qui augmente au rythme de l’inflation, voire un peu au dessus.
Dans un budget de l’Etat en chute
C’est d’autant plus remarquable que l’Etat fait un volte face budgétaire en adoptant pour la première fois un budget en baisse. Il passera, de 361 milliards en 2023, à 356 milliards en 2024, soit 5 milliards en moins. Dans un rapport publié début juillet, la Cour des Comptes estimait que « la période qui s’ouvre à partir de 2023 doit être mise à profit pour retrouver des marges de manœuvre budgétaires et redresser nos finances publiques« . Elle a été entendue. L’objectif gouvernemental affiché est le « rétablissement des comptes publics » et « la diminution de la dépense de l’Etat« . La Cour des Comptes a fixé comme objectif de ramener le déficit public en dessous des 3% en 2027 alors qu’il frôle les 5% en 2023. Pour la Cour « la plus grande partie du déficit , à hauteur de 4 points de PIB, est de nature structurelle et ne se résorbera pas du seul fait du redressement de l’économie« . Elle a publié début juillet un rapport appelant à privatiser l’enseignement.
D’autres ministères en hausse
L’Education nationale fait partie des trois ministères qui bénéficient d’une hausse budgétaire. C’est aussi le cas de la Défense (+7.6%) et de l’écologie (+11.5%). L’essentiel des économies est fait par la suppression des aides énergétiques (14 milliards), la baisse du plan de relance, et la réduction des budgets de l’Outre-Mer, de l’économie, de la Santé et du Travail. Par comparaison avec l’Education nationale, le budget de l’enseignement supérieur augmente de 1 milliard, soit 3%, nettement moins que l’inflation.
Un budget qui reste insuffisant
Revenons à l’Education nationale. 3.9 milliards supplémentaires représente une forte hausse. Pour autant sera-t-elle à la hauteur des engagements pris ? La revalorisation promise représente déjà plus de 3 milliards. Il faut y ajouter le glissement vieillesse technicité (GVT), c’est à dire l’augmentation automatique de la masse salariale du fait de l’ancienneté. Le GVT compte pour 300 à 400 millions. On a déjà dépensé la quasi-totalité de la hausse budgétaire.
Or il y a d’autres engagements. A compter du 1er juillet, le point fonction publique augmente de 1.5%, ce qui grève le budget de plus de 500 millions. La gratification annoncée pour les lycéens professionnels pèsera pour près de 200 millions. Les versements au privé pour la prise en compte de leurs maternelles (effet de la loi Blanquer) devraient monter à 100 millions , soit une cinquantaine de millions supplémentaires. Et ce n’est pas tout ! Il reste à financer l’extension des dédoublements en GS de maternelle, la revalorisation des AESH, les mesures pour le handicap. Il faudra aussi financer le SNU (qui devrait monter à 80 000 jeunes soit le double) et l’apprentissage.
Le nombre d’enseignants devra baisser
Des plafonds publiés le 17 juillet, on peut déduire que, malgré la hausse du budget, l’Education nationale ne sera pas à l’aise et devra faire des choix. A coup sur, la baisse démographique ne servira pas à améliorer le système éducatif, comme le ministère le prétend. La revalorisation, jugée insuffisante par les enseignants, n’ira pas plus loin. Il n’y aura pas d’amélioration de l’attractivité enseignante. Bien au contraire, la baisse du nombre effectif d’enseignants sera nécessaire pour appliquer le budget. Le Pacte lui-même se trouve en première ligne. Le retard dans la publication des textes illustre peut-être le flou budgétaire.
François Jarraud