Jeudi 13 avril, douzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Une date qui n’a pas été choisie au hasard. En effet, c’est demain, vendredi 14 que le Conseil constitutionnel rendra ses décisions sur la conformité de la loi et la demande de référendum d’initiative partagée. Saisie par la Première ministre dès le 21 mars, puis le 22 mars par 60 députés et 60 sénateurs, les neuf sages du Conseil constitutionnel pourront censurer partiellement ou totalement la loi ou décider que le processus de son adoption n’est pas entaché d’irrégularités et donc la valider. Ils statuerons également sur la demande d’organisation de referendum d’initiative partagée.
Peu de chances que les sages déclarent inconstitutionnelle la loi dans son ensemble, de l’aveu même des responsables syndicaux. C’est plutôt sur le referendum d’initiative partagé (RIP) qu’ils tablent. Dispositif très récent, le RIP est entré en vigueur en 2015, il permet à un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième du corps électoral de soumettre une proposition de loi au référendum. C’est la quatrième fois que le Conseil constitutionnel est saisi d’une demande de RIP. Les sages n’ont déclaré la saisie conforme qu’à une seule occasion, lors de la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris. Le RIP n’a pourtant jamais eu lieu, faute d’avoir réussi à rassembler le nombre de signatures nécessaires.
Le RIP, dernier recours des organisations syndicales ?
Du côté des organisations syndicales de l’éducation, peu d’entre elles pensent que l’option d’un retoquage total de la loi soit envisageable. « Bien entendu, on espère que le Conseil constitutionnel retoque l’intégralité de la loi, mais on sait que ce n’est pas forcément ce qu’il en ressortira » confie au Café pédagogique Michaël Marcilloux, co-secrétaire général de la CGT Éduc’action. À la FSU, on y croit pas non plus. « On attend beaucoup du Conseil constitutionnel, pas tant en termes de censure, il faut bien l’avouer, mais surtout concernant le referendum d’initiative partagée (RIP) » explique Benoit Teste secrétaire général de la FSU. « Le RIP, c’est laisser la parole au peuple à défaut d’avoir permis le dialogue social. Si le Conseil constitutionnel le retoque, ce serait un message terrible, on priverait aussi la population de la parole ». « On espère que le Conseil constitutionnel prendra la mesure de la situation et tiendra compte des arguments donnés par les responsables politiques et par les organisations syndicales sur les problèmes posés par la façon dont ce texte a été adopté » déclare Frédéric Marchand secrétaire général de UNSA éducation. « Et s’il valide ce texte, on attend qu’il valide a minima le référendum d’initiative partagée sur lequel nous nous engagerions fortement pour recueillir les quelques 4,7 millions de signatures dans les neuf mois ».
Si le referendum d’initiative partagée est validé, « nous entrerons dans une campagne de fond pour que les gens signent cette pétition référendaire » estime Benoit Teste. « Ca nous obligera à parler du fond en rappelant pourquoi cette question des retraites pose la question du travail, des droits sociaux et donc du projet de société ». Si pour la FSU et l’UNSA éducation, on croit dans le RIP, à la CGT Éduc’action, on a pas le même enthousiasme. « On se méfie. Il n’empêchera pas a priori le gouvernement de promulguer la loi, pour autant on se mobilisera pour obtenir les signatures » admet Michaël Marcilloux.
Une colère toujours aussi forte malgré une mobilisation en baisse
Concernant la mobilisation d’aujourd’hui, les syndicats n’affichent pas de chiffres, une partie des enseignants étant déjà en vacances. Pour Frédéric Marchand, « ce ne sera pas le chiffre de grévistes que nous avons connu mais faut tout de même noter qu’il y a une frange de collègues qui ont fait grève systématiquement, et cela, ça compte ». Même constat à la FSU, « nous n’attendons pas une grève majoritaire mais nous aurons beaucoup de manifestants : ceux qui sont en vacances, ceux qui ne sont pas de service ou ce qui nous rejoindrons après les cours ». « Mais personne ne nous reproche d’avoir appelée à cette nouvelle journée de grève. Au contraire tout le monde nous dit de continuer, de maintenir la flamme » tempère Benoît Teste.
Après le 14 avril, la lutte continue
Et si le Conseil constitutionnel valide la loi et retoque la demande de referendum partagé, le combat n’est pas terminé selon les responsables syndicaux. « On travaillera dans le cadre de l’intersyndicale mais on ne se résignera pas, on continuera à dire que cette réforme est injustifiée et brutale » nous dit Frédéric Marchand. Pareil à la CGT Éduc’action. « La mobilisation n’est pas finie. Quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel, on lâche rien » promet Michaël Marcilloux. « La questions salariale est devant nous. Depuis le début nous lions la réformes de retraites aux salaires, et comme le Président a décidé de s’attaquer à l’école, il nous faut continuer à mobiliser ». À la FSU, on anticipe déjà le 1er mais, qui doit être « exceptionnel » raconte Benoit Teste. « D’ici là il faut que l’on soit dans un positionnement politique fort pour montrer que nous continuons. Les différentes expressions politiques actuelles – proches de Macron d’un point de vue idéologique, nous montrent que la majorité se fissure. On a Dominique Strauss-Kahn, socio-libéral qui sort une note de quatre pages dans laquelle il reproche au Président d’avoir mal mené cette réforme et qui lui dit qu’il faut qu’il revoie sa manière de faire avec les syndicats. Et on a Elisabeth Borne qui parle de période de convalescence. Une convalescence c’est lorsque l’on a tapé très fort sur quelqu’un et qu’il est groggy. Nous ne le sommes pas, nous sommes au contraire déterminés. On a posé un vrai problème politique, il y a une crise démocratique et le Président comme tout l’exécutif ne savent plus comment s’en dépatouiller. On continuera à montrer notre détermination ». Au Sgen-CFDT, « on prendra acte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel » nous confie Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale. « Cela n’enlèvera rien aux critiques que nous avons fait sur le fond de la réforme des retraites. Nous sommes et resterons convaincus que la mesure d’âge est injuste, inefficace et brutale. C’est d’abord dans le cadre de l’intersyndicale interprofessionnelles que se décidera la suite en termes de mobilisation ».
Lilia Ben Hamouda