Mardi 11 avril, le ministre de l’Éducation nationale était attendu au Sénat pour débattre autour de la proposition de loi de Marie Mercier sur le harcèlement scolaire que le Café pédagogique vous présentait le 28 mars dernier. La sénatrice les Républicains demandait que les élèves désignés harceleurs soient sanctionnés par un changement d’établissement. Mais c’est dès le matin que le Ministre a fait des annonces. Invité sur le plateau de RTL matin, Pap Ndiaye a annoncé vouloir un changement réglementaire pour qu’en dernier recours l’élève harceleur puisse être déplacé et la généralisation du programme pHARe.
« Dans les écoles primaires, il n’y a pas de conseil de discipline, et dans le cas où il faut séparer l’élève harceleur de l’élève harcelé, on en arrive à une situation qui n’est pas normale, par laquelle, c’est l’élève harcelé qui doit partir » a-t-il expliqué. Le Ministre souhaite que les élèves harceleurs soient déplacés, « en dernier recours » a-t-il insisté, même si les parents s’y opposent et avec l’accord du maire de la commune.
Un plan de lutte contre le harcèlement sur trois niveaux
Plusieurs niveaux de réponses aux situations de harcèlement sont évoqués par le ministère. Le premier niveau concerne les situations qui sont « prises en charge » par l’équipe éducative et qu’elle est à même de résoudre. « Les élèves et les parents adhérent à la méthode : la situation est résolue ».
Dans le second niveau, malgré une tentative de conciliation, la « situation de harcèlement perdure ». Dans ce cas, une cellule « départementale d’intervention » se rend dans l’établissement pour « concourir à la résolution de la situation de harcèlement et de son suivi ». « Les psychologues de l’éducation nationale ainsi que les personnels de santé pourront être associés à la réflexion » ajoute la rue de Grenelle. Une aide sur laquelle ne pourront compter que très peu d’équipes de l’aveu même du Ministre qui reconnaissait l’état de délabrement de la médecine scolaire, avec 6 postes de médecins vacants sur 10. Plusieurs sénateurs l’ont d’ailleurs questionné à ce sujet lors du débat au Sénat. « L’année dernière, j’alertais le Sénat sur la situation scandaleuse de la médecine scolaire : un médecin pour 14 000 élèves, un infirmier pour 1 600 élèves, une chute des effectifs de 15 % en cinq ans. Le « quoi qu’il en coûte » s’est arrêté à la porte de l’école. Ces professionnels pourraient détecter les situations à risque et alerter, mais comment faire avec des moyens aussi dérisoires ? » a interrogé Thomas Dossus, sénateur membre d’Europe Écologie Les Verts. « Nous sommes mobilisés pour la médecine scolaire, mais un tiers des postes offerts ne sont pas pourvus : doubler leur nombre n’y changerait rien. Avec le ministre de la santé, nous préparons un plan d’action ; pour l’instant, nous attendons le rapport des trois inspections générales » lui a répondu le Ministre.
Le troisième niveau du plan de lutte contre le harcèlement prévoit le déplacement de l’élève harceleur, en cas d’échec des mesures précédentes. « Lorsque, par son comportement intentionnel et répété, l’enfant auteur de harcèlement fait peser une menace grave sur la sécurité ou la santé des autres élèves, il pourra être affecté dans une autre école sans que l’accord des représentants légaux soit nécessaire ».Une annonce qui nécessite une modification du code de l’éducation. « La scolarisation dans une nouvelle école doit faire l’objet de l’accord du maire de la commune concernée ».
Généralisation du programme pHARe
Autre annonce du ministre, la généralisation du programme de lutte contre le harcèlement pHARe aux lycées et à l’ensemble des établissements. Il concerne aujourd’hui 60% des écoles primaires et 86% des collèges. Une annonce qui a fait réagir la sénatrice communiste Céline Brulin, « Je regrette que la généralisation du programme pHARe ait été lancée avant le retour d’expérience des six académies tests (…) Difficile de trouver cinq adultes par collège (la sénatrice fait référence aux ambassadeurs adultes du programme pHARe), à moyens constants, alors que le personnel assume déjà de plus en plus de missions. Qui assure les dix heures de formation des élèves, et avec quels outils ? » a-t-elle interrogée. Une question à laquelle n’a pas répondu le Ministre.
A la rentrée 2023, les numéros d’urgence 3018 et 3020 seront systématiquement indiqués dans les carnets de correspondance. Et pour finir, les enseignants devront être formés à la lutte contre le harcèlement scolaire dès leur année de stage.
Lilia Ben Hamouda