Pierre Ouzoulias, sénateur communiste, a déposé une proposition de loi au Sénat le 3 avril. Il propose de varier les dotations des établissements privés sous contrat – tant sur le plan du fonctionnement que sur celui des crédits affectés à la rémunération des enseignants – à la composition sociale des établissements. Il explique au Café pédagogique pourquoi une telle proposition.
La mixité sociale, un enjeu de cohésion nationale ?
Plus que de la cohésion sociale, je pense que cela touche au contrat républicain. Dans l’esprit républicain, l’école joue un rôle fondamental. Sur un principe philosophique, c’est un enjeu d’égalité des droits. Je ne parle pas d’égalité des chances – qui est un principe libéral – mais bien d’égalité des droits. L’égalité des droits, c’est la capacité que l’État donne à la Nation pour que chacun de ses enfants puisse poursuivre un parcours de réussite indépendamment de son niveau social. C’est la base du modèle républicain. C’est ce qui fonde le contrat social.
Si aujourd’hui, les citoyens et citoyennes ont le sentiment que finalement quand on naît dans un quartier défavorisé, on tombe dans une trappe sociale qui nous fera fréquenter des établissement ségrégués, et que in fine, avec ParcourSup, on n’aura aucune chance d’accéder à certaines filières, on est dans une impasse sociale. Dans une voie de garage sociale. Tout le monde l’a parfaitement compris.
L’enjeu est donc fondamental, ce n’est rien de moins que notre relation au modèle républicain. Que ce soit aux membres de ce gouvernement, ou chez les mal nommés Les républicains au Sénat, je leur dis toujours que s’ils défendaient vraiment la République, il défendrait l’école de la République. Ce qui n’est pas le cas.
Vous proposez que les dotations de fonctionnement des établissements privés soient liées à la composition sociale des établissements. Qu’en est-il ?
Je pars d’un principe très simple. Les dotations globales allouées par l’État pour le fonctionnement des collectivités varie en fonction de son profil social. L’État ne donne pas la même choses à Bagneux, banlieue populaire, qu’à Neuilly sur Seine.
Il faut appliquer le même système aux établissements privés sous contrat. Plus leur profil social est diversifié, plus ils accueillent d’élèves de milieux défavorisés, plus l’allocation est importante. Ce n’est pas punitif, ce n’est pas privatif. Il s’agit simplement d’ajuster ce que donne l’État à la configuration sociale des établissements. Il ne peut pas y avoir d’aide de l’État, et donc de l’argent publique, sans contrepartie sociale.
Vous proposez aussi d’ajuster les montants des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants au profil sociologique des établissements privés sous contrat ?
Oui. C’est la même chose mais on va plus loin, on touche les salaires. Et ce n’est pas toucher la loi Debré que de faire cette proposition. Cette modulation existe déjà sur certains territoires. Je souhaite l’étendre pour un cadre commun, un cadre normé pour tous. La grande disparité d’IPS sur un territoire est un phénomène très urbain, comme à Paris. En milieu rural, c’est moins flagrant. C’est finalement, donner plus à ceux qui ont moins.
Et vous pensez qu’il y a des choses que votre proposition de loi soit adoptée ?
Aucune. Il y a une levée de boucliers de la droite qui voit dans cette loi un déclencheur de la « guerre scolaire » et menace de mettre un million de personnes dans la rue. Et quant à la gauche, majoritairement, les sénateurs et sénatrices y sont favorables, mais pas complètement. Certains élus de gauche ont des problèmes avec mes positions sur l’école privée.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
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