Le GFEN dénonce violences policières et arrestations arbitraires. Le Groupe Français d’Éducation Nouvelle s’inquiète du modèle démocratique qui est offert à la jeunesse par ce gouvernement. Il signe cette tribune.
La jeunesse que nous voyons battre le pavé nous incite à prendre la parole aujourd’hui. Parce que, depuis plus d’un siècle, l’éducation nouvelle porte un message d’espoir dans les valeurs de la démocratie, celles et ceux qui s’en réclament aujourd’hui ne peuvent se taire.
Cette jeunesse que nous nous engageons au quotidien à former aux principes et exigences d’une pratique démocratique, à laquelle on nous charge de montrer les vertus d’un gouvernement démocratique, c’est elle que nous préparons à une citoyenneté active forte de l’exercice d’une pensée critique. Depuis longtemps, déjà, il nous faut faire preuve d’une foi et d’une conviction sans faille pour répondre au scepticisme, au relativisme, à la défiance de ces jeunes citoyen.nes, alors même que la réalité des faits invalide notre action éducative. En contredisant méthodiquement chaque principe qu’il nous est demandé d’inculquer aux élèves par des discours, des actes et des choix, l’exercice actuel du pouvoir sape la confiance en notre parole et entame le respect des institutions républicaines.
– Comment expliquer l’interdit du recours à la violence (entendue comme l’atteinte délibérée à l’intégrité d’une personne) lorsque le recours aux violences policières est tel qu’il est dénoncé par le Conseil de l’Europe ?
– Comment affirmer que la loi protège les citoyen.nes de toute arrestation arbitraire et garantit leur sécurité, quand chaque jour les personnes, même mineures sont arrêtées au hasard, prises dans le piège des nasses ?
– Comment parler du droit de manifester quand le gouvernement a recours à des mesures dissuasives et que des représentant.es du peuple affichent leur mépris à l’égard « des foules qui gesticulent dans la rue » ?
– Comment démontrer que les décisions démocratiques se construisent grâce à la prise en compte du dissensus, grâce au recours au dialogue et à la diplomatie, grâce à la recherche de compromis, quand un gouvernement revendique son inflexibilité ?
– Comment faire entendre que la « démocratie des urnes » est la seule légitime quand s’accumulent les effets de ses faiblesses ?
– Comment enseigner les principes d’une autorité fondée sur les compétences à faire advenir des sujets autonomes alors que les pratiques et les postures actuelles visent à faire disparaître toute singularité dès lors qu’elle est considérée comme non conforme ?
Face à de telles contradictions comment porter nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité pour tous les humains ? Ce n’est pas seulement l’enseignement moral et civique qui devient caduc, c’est l’école dans son ensemble qui risque de perdre tout son crédit, ce sont les enseignant.es qui risquent de se retrouver en position d’imposture.
Or, le mouvement de protestation de fond, qui ne cesse de s’amplifier, révèle des aspirations à une autre société, rappelle qu’il existe des alternatives et dénonce les inégalités économiques insupportables.
En continuant à revendiquer le monopole de la vérité et de la légitimité, au nom de l’expertise et de la légalité, en s’enfermant dans le déni, en refusant de s’accorder le droit à l’erreur, le gouvernement semble décidé à se séparer définitivement d’un peuple qui refuse de se démettre de sa souveraineté et affirme sa volonté de reprendre la main sur son avenir. En criminalisant les expressions pacifiques de la démocratie sociale, il met en péril la confiance dans les fondements même de la démocratie.
Parce que nous pensons que les valeurs n’existent que dans les pratiques qui les construisent, nous dénonçons la « pédagogie » du matraquage qui asservit les intelligences.
Nous voulons que nos enfants et nos élèves deviennent des esprits libres qui s’autorisent à réfléchir, à proposer, à inventer, à distinguer l’obéissance de la soumission, le consentement de la résignation. Nous leur apprenons que les lois autorisent avant d’interdire et que le droit délivre de la peur.
Nous voulons que demain, les jeunes gens gardent confiance dans le politique et continuent à se battre pour des projets de société porteurs de justice sociale, d’égalité et de paix.