Des centaines de milliers, voire des millions de manifestants, sont attendus aujourd’hui à travers la France à l’appel de l’intersyndicale. La manifestation du 24 mars ainsi que celle des méga-bassines de Saint-Soline ont marqué par leur violence. Interpellations, blessures de manifestants – parfois graves comme pour le manifestant de Saint-Soline dont le pronostic vital est engagé, ou encore pour cette manifestante AESH qui a perdu son pouce le 24 mars. Autant dire que les manifestations du jour vont être scrutés pour leur nombre de manifestants mais aussi pour le climat qui y règnera.
Chez les enseignants, 30% de grévistes sont prévus dans le premier degré selon le SNUipp-FSU. « Nous n’avons que des remontées partielles pour le moment comme il fallait se déclarer avant samedi minuit » explique Guislaine David, porte-parole du syndicat. « Les journées se succèdent et cela devient un sacrifice financier pour les collègues. On sait aussi qu’ils n’aiment pas prévenir les parents au dernier moment ». Dans le second degré, les syndicats n’ont pas de visibilité. Pourtant, Sophie Vénétitay se déclare confiante. « Je ne suis pas inquiète car les cortèges enseignants sont toujours très fournis, c’est une des bonnes surprises de ces dernières semaines » observe la secrétaire générale du SNES-FSU. « La résignation ne domine pas, même si aujourd’hui les chiffres de grévistes seront sans doute plus bas que la semaine passée. L’exaspération à l’encontre d’Emmanuel Macron est à son paroxysme, mais beaucoup de collègues nous confient que cela devient compliqué financièrement ».
Les jeunes mobilisés
Les lycéens seront aussi des manifestations. Les syndicats appellent à se mobiliser toute la semaine en bloquant les lycées. Lundi, 200 ont été bloqués selon la Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne (FIDL). « On s’attend à une mobilisation historique » nous confie Gwen Thomas-Alves de la FIDL. « Les renseignements parlent d’un doublement voire d’un triplement du nombre de jeunes en manifestation. Ça confirme bel et bien que nous sommes totalement concernés ».
Du côté étudiant, ça bouge aussi. La 3ème Coordination nationale étudiante réunie le 25 et 26 mars 2023 à Grenoble explique ne rien attendre « des perspectives institutionnelles ni des pseudo “négociations”, qui servent de portes de sorties potentielles au gouvernement. La vraie démocratie est dans la rue et dans nos assemblées à la base ». Pour les étudiants, « il faut aller au-delà des journées de 24h, contrairement à ce que propose l’intersyndicale, il faut construire la grève générale illimitée ». Ils appellent donc à se mobiliser massivement le mardi 28 mais aussi à « « à faire du jeudi 30 mars une journée de mobilisation et de manifestation en direction des lycées visant à les aider à bloquer, à débrayer, à organiser des AG et à manifester. Nous invitons les travailleurs et les travailleuses à nous rejoindre lors de cette journée ».
Des violences dénoncées unanimement
Par ailleurs, la coordination étudiante qui réunit des délégations de 31 établissements différents dénonce les « tabassages, gazages, agressions sexuelles, violences racistes, mutilations… Cette semaine a été marquée par un bond révoltant dans la répression des manifestations qui a atteint un pic à Saint-Soline. Celle-ci s’inscrit dans la ligne de plus en plus autoritaire du gouvernement que nous combattons ». Un constat partage par les professeurs selon Sophie Vénétitay. « Les violences policières qui ont eu lieu après la manifestation du 24 mars sont le symbole d’un pouvoir aux abois, c’est la preuve qu’ils sont fébriles » résume-t-elle « Les collègues nous disent que ce qui est en jeu, c’est l’état de droit et qu’on ne peut pas laisser passer cela ».
Ces inquiétudes sont partagées par plusieurs associations et organismes de défense des droits qui ont interpellé le gouvernement quant à l’usage excessif de la force par la police française. La défenseure des droits s’est dit « préoccupée par les vidéos circulant sur les réseaux sociaux, de nombreux articles de presse, des témoignages et saisines reçus par l’institution sur de possibles manquements déontologiques dans le maintien de l’ordre au cours des évènements des jours derniers ».
Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d’association, s’est lui aussi montré inquiet. « Je suis de très près les manifestations en cours et rappelle que les manifestations pacifiques sont un droit fondamental que les autorités doivent garantir et protéger. Les agents des forces de l’ordre doivent les faciliter et éviter tout usage excessive de la force » a-t-il indiqué sur Twitter.
À la LDH – Ligue des Droits de l’Homme, on ne cache pas son agacement, « après l’annonce du passage en force de sa réforme, le gouvernement met à mal le droit de contestation des citoyen-nes en faisant un usage disproportionné et dangereux de la force publique. La LDH s’inquiète de ce tournant anti-démocratique ».
L’intersyndicale se réunira mardi 28 mars au soir pour décider de la poursuite de la mobilisation et de la forme de celle-ci.
Lilia Ben Hamouda