Le droit à la déconnexion est le droit pour le salarié de ne pas se connecter à ses outils numériques professionnels et de ne pas être contacté, en dehors de son temps de travail.
L’objectif est triple : garantir le respect des temps de repos et de congé, le respect de la vie personnelle et familiale, et, plus largement, protéger la santé des salariés.
Dans mon métier d’enseignante, pour des raisons pratiques et comme la plupart de mes collègues, les messages arrivant sur mon ENT (Espace Numérique de Travail) basculent directement sur ma boite mail personnelle. Ceci n’est pas une obligation mais cela permet d’être véritablement réactive quand les élèves me sollicitent pour des questions « du jour pour le lendemain ».
Cette bascule qui permet de la promptitude en semaine fait que, très régulièrement, je reçois des messages très tardifs ou le week-end alors que ceux-ci ne présentent aucun caractère d’urgence.
Alors oui, rien ne m’oblige à répondre mais le simple fait d’être contactée n’aide pas à mettre à distance le travail pour pouvoir faire baisser la pression.
Nous effectuons une activité professionnelle où il est déjà très difficile de couper car nous amenons obligatoirement des copies, des préparations, des soucis à la maison alors cette déconnexion, au moins numérique, peut s’avérer salvatrice.
Consciente du décalage entre la prise en charge de ce problème dans le monde de l’entreprise et au sein de l’éducation nationale, dès la rentrée, je me suis autorisée à dire à mon chef d’établissement que, dans le cadre de mon droit à la déconnexion, je ne répondrais plus aux mails le week-end au durant mes vacances.
La semaine dernière, je me suis encore étonnée auprès de lui qu’un élève s’autorise à envoyer un message à tous les enseignants de l’établissement un samedi soir à 21h33. Je me considère chanceuse car il a été à l’écoute de ma légère irritation. Je trouvais légitime d’exprimer mon malaise grandissant face à cette situation qui tend à devenir la normalité mais je sais que d’autres collègues n’auraient pas osé le faire.
On peut se féliciter que certaines académies, dans le cadre du plan académique de prévention des risques psycho-sociaux, aient mis en place une charte académique relative au droit à la déconnexion.
Après quelques recherches, à titre d’exemple, la région académique de Corse réaffirme « l’importance du bon usage professionnel des outils numériques et de communication professionnels et de la nécessaire régulation de leur utilisation pour assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et familiale des personnels ».
Autre illustration, l’université d’Aix Marseille a aussi sa charte très complète concernant le droit à la déconnexion .
Peut-être pourrait-on au Ministère s’inspirer de ces exemples pour rédiger une charte à l’échelle nationale s’appuyant sur le droit du travail et cadrant l’usage des mails professionnels pour ensuite la diffuser largement ?? Elle existe peut-être mais, si c’est le cas, elle est restée très confidentielle.
Pour une fois, je pense qu’une décision d’en haut serait la bienvenue et cela éviterait ainsi aux personnes qui, comme moi, commencent à souffrir de ces sollicitations incessantes de passer pour des « empêchieuses » de tourner en rond !
Ce sujet et plus globalement la santé au travail m’interrogent ces derniers temps.
Les enseignants vivent de plein fouet la crise de sens et la perte du sentiment d’accomplissement qui ont touché de nombreux salariés après le covid.
A l’heure d’un délitement du lien au sein des établissements scolaires surtout au lycée (l’équipe pédagogique n’existe plus à partir de la classe de 1ere), de l’épuisement lié aux injonctions contradictoires, il me semble important de véritablement prendre en compte les risques psycho-sociaux et d’écouter le sentiment de mal-être qui s’exprime de plus en plus dans les salles des professeurs.
Si j’avais vu le médecin du travail, j’aurais peut-être pu échanger avec lui sur ces sujets, mais je n’en ai pas vu depuis plus de 25 ans …
Aurélie BADARD