Pour la septième journée de grève et neuvième journée de mobilisation organisée par l’intersyndicale, ils et elles étaient 3,5 millions à battre le pavé selon la CGT, 1 million selon le gouvernement. 800 000 à Paris, un record. Alors que le Président envoyait le message qu’il passait à autre chose, le « peuple » n’a pas l’air du même avis. Dans le premier degré, 40 à 50 % des enseignants étaient en grève selon le SNUipp-FSU, 23,22 selon le ministère. A paris, ce sont près de 70% des professeurs des écoles qui étaient grévistes. En collèges et lycées, ils et elles étaient 50% selon le SNES-FSU, 19,61% pour la rue de Grenelle. Des chiffres très importants qui semblent annoncer une remobilisation massive ou un dernier sursaut…
« On est épuisés physiquement et financièrement mais la colère ne retombe pas » constate Benoît Teste. « C’est la septième journée de grève, la neuvième de mobilisation et il y toujours énormément de monde. Malgré la lassitude, on ne se résigne pas. Beaucoup de collègues rejoignent aussi des rassemblements après les cours, les journées de salaire en moins commencent à être nombreuses ».
Le secrétaire général de la FSU évoque une « partie loin d’être terminée » : conseil constitutionnel, référendum citoyen… « Il reste toute une série d’étapes avant la promulgation et le pouvoir est plus isolé que jamais. C’est pas le moment de lâcher, il faut y croire, on peut encore gagner ».
La responsabilité du Président engagée
Pour le secrétaire général de la FSU, le Président a ajouté de « l’huile sur le feu » lors de son passage télé. « Ce n’est plus seulement un problème de retraite, c’est devenu un problème démocratique ». Une inquiétude que partage le SE-UNSA. « Le discours du président montre que nous sommes dans une situation très tendue », complète Frédéric Marchand du UNSA éducation. « Il fait comme si le sujet de la réforme était derrière nous, c’est tout simplement impossible. Il ne prend pas la mesure de ce qui se passe. Le Président a une responsabilité, il n’est pas encore trop tard. Il peut ne pas promulguer cette loi».
Au SNES-FSU, là encore, les propos du président ne passent pas. « La très grande colère de la profession a été nourrie par l’utilisation du 49.3 et les dernières déclarations du président de la République : jouant la carte de la provocation et du déni de réalité, Emmanuel Macron souffle sur les braises de la crise sociale et démocratique » indique le syndicat dans un communiqué. « Le président de la République porte une immense responsabilité dans la situation de crise actuelle. L’expérience a montré qu’il était possible de gagner face à un texte passé en force par un gouvernement qui foule au pied la démocratie sociale, à l’image du CPE en 2006. Le monde de l’Éducation nationale est prêt à le refaire et écrire ainsi une page de l’histoire sociale de ce pays ».
La jeunesse investit les mobilisations
Benoit Teste, comme beaucoup de responsables syndicaux, compte aussi sur l’arrivée des lycéens dans la mobilisation. Jeudi, plus de 400 lycées étaient bloqués à 8 heures a revendiqué la FIDL, Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne. « La fin des épreuves de spécialité, le passage du 49-3 et le discours du président sont autant d’éléments qui font que la mobilisation lycéenne ne fait que commencer » prévient Gwenn Thomas-Alves secrétaire national du syndicat lycéen qui participait au blocage du lycée Louis Le Grand. « Une fois qu’ils sont dehors, on les fait plus rentrer » observe Benoît Teste. Et il n’a pas tort. La FIDL annonce déjà plusieurs dates la semaine prochaine selon Gwenn Thomas-Alves.
La morgue présidentielle, épicentre de la colère
Phénomène marquant, dans le cortège parisien, du côté enseignant, on évoque peu la réforme des retraites – comme si elle était passée au second plan. C’est la morgue présidentielle – selon Jérôme, CPE – qui semble concentrer la colère.
Maelle en est à sa septième journée de grève, mais « au moins la dixième manifs avec celles depuis le 49-3 ». La jeune professeure d’EPS est aguerrie. « J’ai été bousculée lors de manifestation de Concorde, cette fois, je suis venue sans sac à main et en baskets… On ne sait jamais s’il faut courir ». Pour Maelle, et sa collègue Isabelle, il n’est plus question de s’arrêter, « c’est soit il recule, soit on bloque tout. Il faut qu’il redescende de son trône le Jupiter, et qu’il vienne voir un peu le peuple » s’agace Isabelle.
« Elles sont loin les manifestations où les enfants de professeurs accompagnaient leurs parents. Il y a quelques années, mon fils qui avait deux ans nous accompagnait à chaque manif » déplore Jérôme, CPE qui a eu dû mal à rejoindre le cortège parisien. « J’habite le Val-D’oise, à la limite de l’Eure. Je n’ai pas eu de train. J’ai finalement réussi à rejoindre un car dans une ville qui organisait un départ pour la manifestation. Je ne sais pas encore comment je vais rentrer… ». Malgré tout, pour le CPE, il y avait un enjeu à être présent. « Je me sens terriblement coupable. Je fais partie de ceux qui avaient voté Macron en 2017, dès le premier tour. Je me suis laissé prendre par ses discours. Ma révolte est à la hauteur de ma déception… voire de ma bêtise d’alors ! ».
Les enseignants ont été nombreux à être en grève pour cette septième journée. Un effort financier qui commence à peser sur les bourses déjà pas très garnies. Mais le mal-être des professeurs est profond comme l’indique Frédéric Marchand. « Le baromètre UNSA des métiers de l’éducation est en cours. J’y ai jeté un œil hier et cela va être encore plus négatif que les précédentes années. La profession va mal et ce n’est pas un hasard ».
L’intersyndicale dénonce le maintien du texte de loi, appelle à une nouvelle journée de mobilisation mardi 28 mars et à des actions locales ce weekend. Les organisations lycéennes, quant à elles, appellent au blocage des lycées dès lundi et ce pour toute la semaine.
Lilia Ben Hamouda