Un jeudi sur deux, Daniel Gostain, enseignant et Jacques Marpeau, docteur en sciences de l’éducation, nous proposent de décortiquer certaines notions pour en faire un sujet de réflexion, pour ouvrir le débat, afin de mettre en relief les enjeux qui découlent de leur utilisation.
Si on va chercher l’étymologie du terme de précarité, on découvre qu’il signifie « obtenu par la prière », c’est-à-dire révocable à tout instant. La précarité est donc un état de dépendance et d’instabilité absolue qui empêche tout positionnement autre que celui d’une urgence.
Il ne faut pas parler de la précarité mais des précarités.
On parle souvent de la précarité matérielle et économique et ses répercussions pour une famille sont souvent considérables. Pour autant, on ne va pas minimiser ni oblitérer les autres formes de la précarité.
Ainsi la précarité affective fait barrage à la stabilité émotionnelle de l’enfant comme à un accès à faire confiance à autrui, et donc conditionne l’élaboration du rapport à l’autre et aux autres, qui s’organise alors sous un mode défensif, voire agressif.
Sans parler de la précarité psychologique qui trouve ses racines dans l’absence de l’attachement ou encore dans l’instabilité des liens affectifs qui se nouent dans la petite enfance. Cette précarité peut englober une soumission aux attentes d’autrui reposant sur l’absence de confiance en soi et d’estime de soi.
Il faut encore prendre en compte la précarité identitaire et sociale, voire culturelle, dont ce qu’on appelle la langue maternelle et les habitudes quotidiennes constituent des repères de l’existence-même de l’enfant.
On retrouve une instabilité des cadres, des règles et des limites contenantes dans toutes ces formes de précarité.
En situation précaire, un enfant se vit à la merci d’autrui et des évènements. Il subit un état instable qui lui demande un effort épuisant de vigilance à ce qui peut lui arriver. Il est donc dans l’instant de ce qui se passe. Il ne peut ni anticiper ni se projeter et il y a sidération de sa pensée.
Il est alors habité par un sentiment de danger imminent et multiforme qui le conduit à l’épuisement, à l’absence de répit ou de repos. Il ne vit pas, il survit. Il développe alors ce qu’on appelle une sur-adaptation à l’immédiateté des nécessités du moment.
Quels enjeux se cachent sous la compréhension de ce qu’est la précarité ?
Faute d’être alerté sur ce qu’est la précarité, l’enseignant risque de se focaliser sur sa méthode d’apprentissage en s’efforçant de mieux réussir avec l’élève en difficulté, alors qu’en fait, il s’agit de se décentrer et de détecter, d’accueillir et d’accompagner un enfant en situation de détresse.
Comprendre ce qu’est le vécu de précarité permet de témoigner qu’on a perçu la détresse de l’enfant, afin qu’il puisse se sentir compris et épaulé., ce qui permet alors de restaurer chez lui l’estime de soi et la confiance en soi, en attestant qu’il a des ressources particulières et en lui donnant du temps. C’est la question de la décentration entre ce qu’on a à faire et là où en est l’enfant dans une situation d’urgence.
Une parole de Jacques Marpeau transcrite par Daniel Gostain