Les élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) ne sont pas tous traités de la même façon. C’est ce que révèle un nouveau rapport de la Cour des Comptes. A juste titre, 20 000 jeunes Ukrainiens ont été bien accueillis par l’Education nationale. On ne peut pas en dire autant des jeunes d’autres nationalités. Le rapport pointe les insuffisances des structures au niveau collège et surtout lycée avec des temps d’attente très longs pour la scolarisation. Il souligne aussi le manque de formation des enseignants nommés dans les unités pédagogiques spécifiques pour accueillir ces élèves (UPE2A). La Cour demande une évaluation du niveau de français de ces jeunes et aussi des statistiques fiables de l’Education nationale….
Les Ukrainiens mieux accueillis que les autres
Ils sont peu nombreux. Mais la Cour des Comptes s’intéresse à eux. Faute de données fiables, il est impossible de connaitre le nombre de jeunes » allophones nouvellement arrivés » qui devraient être scolarisés mais ne le sont pas. L’Education nationale a recensé 64 000 élèves EANA en 2020-2021 auxquels il faudrait ajouter environ 20 000 jeunes Ukrainiens arrivés depuis l’invasion de leur pays.
Si la France compte moins d’élèves ukrainiens que ses voisins (ils sont 100 000 en Allemagne), elle les a bien accueillis. Et c’est très bien. La moitié est scolarisée dans le premier degré, un tiers en collège et le reste en lycée. L’Education nationale facilite les contacts avec le système éducatif ukrainien pour que ces jeunes puissent passer les examens de leur pays.
Six mois d’attente avant d’aller en classe
Malheureusement, le tableau est nettement moins bon pour les jeunes des autres nationalités en métropole. Et il est carrément mauvais là où les jeunes sont proportionnellement les plus nombreux : à Mayotte et en Guyane, deux académies en souffrance pour tous leurs élèves.
Selon la Cour, l’accès à la scolarisation est difficile pour les élèves allophones nouvellement arrivés. C’est particulièrement le cas pour le second degré. Entre leur évaluation en Casnav et leur scolarisation, un jeune collégien sur dix attend plus de 6 mois. C’est le cas d’un jeune lycéen sur cinq. Tout ce temps perdu pousse à la déscolarisation.
Mais il y a pire. Rien n’est prévu, selon la Cour, pour les enfants allophones nouvellement arrivés âgés de moins de 6 ans, alors que l’instruction est obligatoire en droit à partir de 3 ans.
Les 16-18 ans laissés à eux-mêmes
Selon la Cour, « s’agissant des EANA de plus de 16 ans, l’écart important entre leur nombre et celui des mineurs non accompagnés pris en charge par les conseils départementaux laisse penser qu’une bonne partie de ces derniers ne bénéficie d’aucune formation… Les UPE2A en lycée sont de création récente, et restent en nombre insuffisant dans certains départements, comme le montrent les délais plus longs pour accéder à ces structures ». De fait les rares places sont prises en début d’année scolaire et les jeunes ne trouvent pas de place en cours d’année. Les jeunes sont dirigés systématiquement en lycée professionnel : les UPE2A lycée » sont le plus souvent insérées dans les lycées professionnels, ce qui concentre les difficultés et pose le problème de l’inclusion. Certaines sont de fait en réalité « fermées », c’est-à-dire sans inclusion en cours d’année ni cours commun avec des classes ordinaires, à l’exception de l’éducation physique et sportive (EPS), si bien que la scolarisation des EANA de 16 à 18 ans ne s’effectue pas dans des conditions satisfaisantes« .
Les recommandations
La Cour demande une véritable mise à niveau du système français selon les standards européens. Cela passe par une évaluation des élèves en français. La Cour souhaiterait qu’ils passent le DELF (diplôme d’étude en langue française) ce qui n’est pas du tout généralisé actuellement. Elle demande aussi une formation des enseignants. La Cour relève que les enseignants français, en général, sont peu formés à la multiculturalité à la différence de leurs collègues de l’OCDE. Ceux des UPE2A ne sont généralement pas formés pour enseigner dans ces classes. La plupart des enseignants des UE2A n’ont pas reçu de formation en Français Langue Seconde (FLS).
Enfin la Cour demande « une enquête concertée avec les autres départements ministériels concernés sur la situation des EANA de 16 à 18 ans au regard de l’obligation de formation« . Elle souhaite aussi » une expertise de l’intérêt d’un dispositif de soutien linguistique pour les EANA arrivant en dernière année de maternelle, notamment en étendant le champ de l’enquête du ministère aux enfants de trois à six ans« .
Alors que le gouvernement pose à nouveau la question de l’immigration à travers un projet de loi, que la droite fait campagne pour diminuer les droits de ces personnes, le rapport de la Cour des Comptes souligne les insuffisances du système éducatif français au regard des autres pays d’Europe. En 2015, la ministre de l’Education nationale s’était souciée de ces jeunes et avait visité le Casnav de Paris…
François Jarraud