Vincent Dufau, Principal du Collège Daniel Argote d’Orthez (64) organisait le 23 février dernier une conférence animée par Philippe Meirieu : « Attention aux personnes et construction du collectif. Individualiser sans enfermer, différencier sans exclure ».Introduit par François-Xavier Pestel, directeur académique, le chercheur a comme à son habitude, réussit à entrainer l’ensemble de son auditoire.
Philippe Meirieu, n’a pas manqué d’entrainer enseignants, responsables d’établissements et de services dans une activité pédagogique liminaire inspirée de la « classe puzzle » – concept d’Elliot Aronson – avant de s’interrompre pour un moment de recueillement à la mémoire de l’enseignante de Saint-Jean-de-Luz.
Il a ensuite déroulé un exposé argumenté, illustré d’anecdotes souvent vécues au fil de sa carrière, attestant de son ancrage à la pratique d’enseignement. Il a interrogé l’assistance en replaçant l’école dans la finalité du projet républicain, pour cultiver « le bien devenir », visant à faire société : « L’identité de l’école ce sont nos valeurs ». La valeur de l’apprendre ensemble, et du passage de l’interpersonnel à l’intrapersonnel, lui apparaît première pour favoriser l’accès à une « socialité intériorisée », et au « penser par soi-même ». Cette valeur semble contrariée par la tendance actuelle à « détricoter le collectif au profit des intérêts individuels ». Il a illustré ce propos en prenant à nouveau l’exemple de la « classe puzzle », où l’apport de chacun est indispensable au travail de tous. Philippe Meirieu a ensuite complèté ce sujet en évoquant un véritable « métabolisme de l’apprentissage », le rapprochant des découvertes d’Albert Jacquard, l’appuyant sur l’implication et la coopération, qui mettent au cœur de ce processus le « donner et recevoir » qui enrichit autant le tuteur que le pair aidé.
Sur le thème de l’attention au sujet, Philippe Meirieu a notamment insisté sur l’essentialisation (réduire l’individu à certaines de ses caractéristiques) que l’École résume et fige souvent en identifiant l’individu à ses déficits et non à ses ressources, participant à une forme de « complicité du fatalisme ». Il a conclu ce propos en affirmant que « les classifications nécessaires deviennent parfois essentialisations dangereuses ». En termes d’évaluation, il a confié qu’un « passage de l’évaluation photo à l’évaluation cinéma permettrait l’accès au « re-travail », à la fierté du dépassement de soi, « à aider l’élève à devenir meilleur que lui-même ».
Tout au long de sa conférence, le public a suivi le chemin de l’adolescent qui se construit grâce à la socialisation par le travail, l’altérité et la solidarité.
L’enseignant-chercheur a ouvert des voies d’accomplissement de l’acte pédagogique, confirmant que « le collectif est fondamental, non comme un supplément d’âme, mais comme principe structurant de la transmission scolaire ». Il a conclu que l’École ne peut agir seule dans ce chemin du rapport à l’effort, et doit être complémentaire des effets de la parentalité, et de l’intervention des mouvements associatifs…
Un moment d’échanges qui a assurément permis aux participants d’entrevoir de nouvelles perspectives dans leurs interventions et missions éducatives.
Jean-François Liaudiois