Samedi 11 février, parmi les centaines de milliers de manifestants, de nombreux enseignants et enseignantes défilaient pour dire non au projet de réforme des retraites. Les manifestations ont réuni plus de 2,5 millions de personnes, 963 000 selon la place beauvau. 500 000 à Paris selon la CGT, 93 000 selon la préfecture. 140 000 à Marseille, selon la CGT, 12 000 selon la police. 70 000 à Lille, 10 000 selon la police. Ces chiffres montrent une mobilisation qui ne faiblit pas, une mobilisation « qui s’ancre » comme nous l’expliquait Benoît Teste secrétaire général de la FSU.
Ils étaient 500 000 à Paris, 112 000 selon le cabinet Occurrence et 93 000 selon la police. Parmi les manifestants de nombreux professeurs. Certains en sont à leur quatrième journée de mobilisation comme Léandre, professeure d’espagnol dans un lycée de la capitale. « Aujourd’hui, comme les trois dernières fois, je manifeste car j’ai besoin de savoir que j’ai des perspectives » nous confie-t-elle. « J’ai 52 ans. Je travaille dans des conditions de plus en plus dégradées. Je touche un salaire qui ne suffit absolument pas pour se loger, se nourrir, se vêtir et avoir des loisirs quand on habite à Paris. Quand j’ai signé avec l’Éducation nationale, je devais partir à la retraite à 55 ans… Alors là, non, non et non ! Je suis prête à manger des pâtes le temps qu’il faudra ». Près d’elle, défile Arnaud, professeur d’histoire dans le même lycée. « Je n’ai pas fait la dernière grève mais les deux précédentes. Ma femme est professeure des écoles. On essaie d’alterner car sinon ça ferait un trou trop important dans notre budget, on a deux enfants en bas âge, entre les frais de garde et le loyer, c’est compliqué ». Selon les deux professeurs qui ont assisté à des assemblées générales intersyndicales et interprofessionnelles, « ce qui retient le plus les collègues de faire grève, c’est le porte-monnaie. Ils le savent là-haut (ndlr : le gouvernement) et ils comptent là-dessus ».
Le 16 février, une journée de mobilisation plus qu’une grève
Dans le milieu de l’éducation, difficile de se projeter dans la grève du 16 février qui arrive pendant les vacances de deux zones sur trois. « C’est surtout par la participation aux cortèges que l’éducation continuera de se mobiliser » modère Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU. Même son de cloche chez SUD éducation, « la journée du 11 est un succès sur tout le territoire. La prochaine étape décisive dans le rapport de force est la grève à partir de la date du 7 mars, la journée du 16 février étant une journée d’actions et de mobilisations » nous explique Brendan Chabannes, responsable au sein de l’organisation syndicale. « La journée de samedi a été un vrai succès alors que deux zones sont en vacances, les cortèges de la FSU étaient très denses et les enseignants ont manifesté partout où ils ont pu, y compris sur leur lieu de vacances » nous déclare Guislaine David, porte-parole et co-secrétaire générale de la FSU SNUipp. « Ce qui montre leur détermination contre ce projet de réforme. La semaine prochaine ils seront aussi présents dans les manifestations et la FSU SNUipp appellera à solliciter son député ».
Un durcissement de la mobilisation dès le 7 mars
Dans un communiqué de presse, l’intersyndicale se dit « prête à durcir le mouvement ». Et « si le malgré tout le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire, l’intersyndicale appellerait les travailleurs et les travailleuses, les jeunes et les retraité·es à durcir le mouvement en mettant la France à l’arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain » indique les organisations syndicales. « L’intersyndicale se saisira du 8 mars, journée internationale de luttes pour les droits des femmes pour mettre en évidence l’injustice sociale majeure de cette réforme envers les femmes ».
Les grèves reconductibles dans l’éducation sont assez rares. Pourtant, les syndicats s’y prépare si nécessaire. « On assume de durcir le mouvement face à l’obstination du gouvernement qui n’écoute pas la colère qui s’exprime dans la rue » indique Sophie Vénétitay. « Il y a là une forme de déni gouvernemental et présidentiel qui confine à de l’irresponsabilité. Ça veut dire que le 7 mars, les collèges et lycées, comme le reste du pays, doivent être à l’arrêt. La grève reconductible ne se décrète pas, elle se décide par les collègues, elle sera donc mise en débat, ce n’est pas un tabou. Mais avant tout, nous allons tout faire pour réussir un immense 7 mars dans la grève et dans la rue ». Pour Stéphane Crochet, secrétaire général du SE UNSA, l’enjeu est aussi « de réussir la mobilisation du 7 mars ».
Chez SUD éducation, la stratégie déployée est moins nuancée. C’est le durcissement et ce, dès le 7 mars avec « une grève reconductible » nous explique Brendan Chabannes. « À cette fin les équipes syndicales sur le terrain seront mobilisées dès la rentrée de chaque zone pour la populariser dans les écoles et les établissements, et en communiquant aux professeurs des écoles les moyens pour organiser la reconduction notamment avec des modèles de déclaration d’intention de grève couvrant plusieurs jours. Si le gouvernement persiste dans son refus de retirer le projet, nous nous donnerons donc les moyens du blocage de l’économie par la grève ».
Lilia Ben Hamouda