Le Festival International de BD d’Angoulême 2023 a décerné deux fauves jeunesse, les voilà. L’un se déroule dans un pavillon, l’autre à travers les vastes espaces américains. Une petite famille dans le premier, un jeune garçon qui s’en crée une dans le deuxième. Ici chacun s’évade dans ses rêves et des chansons, là l’évasion c’est de partir à l’aventure. Les deux se lisent d’une traite, les deux allient, de manière très différente, la tendresse, l’humour, les graphismes doux.
Toutes les princesses meurent après minuit, de Quentin Zuttion, Ed. Le Lombard
Unité de lieu ; la maison, Unité de temps : 24 h : ça vous rappelle quelque chose ? L’histoire commence avec l’annonce, chez Lulu, à la radio, de la mort de Lady Diana. Une petite famille apparemment tranquille lors d’une longue journée d’été dans une maison à la campagne. Les heures qui suivent sont en fait un tourbillon d’émotions pour chaque personne de la famille. Chacun aime, ou croit aimer, tremble, s’interroge, décide de l’avenir. Lulu, 8 ans, se barbouille de rouge à lèvres, joue avec ses Barbies, se déguise en princesse pour jouer avec Yoyo, le copain juste un peu plus grand qui va rentrer au collège, et qui se prête de moins en moins aux jeux de Lulu, et affirme haut et fort que lui, il n’est pas un PD ! Cam, la grande sœur, reçoit son amoureux en cachette la nuit, et passe la journée à se dorer au soleil dans une sorte d’euphorie, au mépris des alertes au coup de soleil. Leur mère, présence attentionnée, prépare les tartines du petit-déjeuner, taille les rosiers… Protectrice, on l’a voit éluder les questions sur l’absence du père, mais cette histoire-là est bien une de celle qui va se dénouer au fil des heures. Le père qui s’en va, l’amoureux qui déserte, le copain qui disparait : restent la mère et les enfants, mais leur amour devrait leur permettre de s’en sortir. Le dessin est doux, les émotions parfois moins. Une très belle BD à la fois tendre et complexe, avec en toile de fond les questions existentielles d’un petit garçon et son attrait pour les princesses.
La longue marche des dindes, de Léonie Bischoff et Kathleen Karr, Ed. Rue de Sèvres
C’est Simon qui raconte son histoire dans l’Amérique du XIXème siècle. A 12 ans, pour lui, l’école, c’est fini. Il va devoir déployer ses ailes, comme lui dit son enseignante qui l’encourage et le soutient. On le découvre orphelin de sa mère, abandonné par son père, et vivant chez son oncle et sa tante, peu aimants. Alors qu’il traine une réputation de simplet, il va se révéler incroyablement débrouillard. Son projet, c’est de racheter 1000 dindes à un voisin et de les conduire à Denver, pour les vendre un bon prix. Aucun obstacle ne l’arrête et il sait trouver ceux qui l’aideront à réussir ce défi incroyable. L’enseignante qui lui prête la mise de départ, un muletier alcoolique qu’il arrive à convaincre de le suivre, et au fil des rencontres la jeune esclave en fuite, puis une adolescente fille de fermiers abandonnée à son triste sort. On est en plein Far-West avec le désert, les Rocheuses, des Indiens, des saloons, des escrocs (dont le propre père de Simon) et leurs carabines et même la cavalerie.. Et les dindes ? Arriveront-elles à bon port ? Feront-elles la fortune de notre héros ? L’histoire est formidable, jamais mièvre, toujours tendre. Le dessin installe le décor de cette Amérique mythique avec des personnages attachants et accompagne ce récit attachant qui ne fait pas l’impasse sur