Deux romans pour adolescents (13-18), qui ont pour point commun de se dérouler aux USA, mais les époques, les lieux et les personnages sont bien différents…
Les sœurs Lakota, de Benoit Séverac, Editions Syros
Au cœur d’une réserve indienne, Bearfoot, 16 ans, apprend que les services sociaux vont venir la prendre en charge, avec ses petites sœurs dès le lendemain matin, et placées dans différentes familles d’accueil. Animée d’une grande colère vis-à-vis de sa mère incarcérée pour conduite en état d’ivresse, et déterminée à éviter la séparation avec les deux benjamines, Bearfoot charge la voiture et embarque ses sœurs dans un road-movie à travers les espaces désertiques en direction de la Californie où elle espère se mêler aux migrants latino qui y travaillent dans les exploitations agricoles. Loin d’être une tête brûlée, cette jeune fille, affublée d’un handicap qui justifie son surnom, est prête à tout pour échapper au déterminisme social et culturel. Mais l’urgence de la situation l’entraîne dans une série d’évènements sur lesquels elle n’a pas toujours prise. Elle les affronte avec un grand courage, trouve de belles (et de moins belles) personnes sur sa route… Une adolescente attachante pour qui on compatit, on tremble, on espère ! Malgré des circonstances très particulières, sa vie est traversée par des préoccupations d’ados, les relations aux parents, les élans amoureux, les copains, le lycée… Raconté par Denisa-Bearfoot, donc au plus près des émotions et des pensées de l’héroïne, ce récit nous entraîne dans une Amérique des défavorisés, ses rebondissements nous tiennent en haleine de la première scène à la fin, tout en étant toujours porteur d’espoir.
La longue route de Little Charlie, de Christopher Paul Curtis, traduit par Frédérique Pressmann, Éditions L’école des loisirs
On est en 1858, au Sud des Etats-Unis, dans une famille de métayers pauvres. L’esclavage existe encore dans les grands domaines voisins, et la violence n’épargne évidemment pas les noirs, mais pas non plus les familles comme celle de Charlie. Malgré sa grande taille Charlie n’a que 12 ans, quand il perd son père dans un accident stupide. Très vite, le sombre Captain Buck vient réclamer une dette que Charlie et sa mère ne peuvent rembourser. Charlie se retrouve entraîné par cet horrible et puant personnage dans une traque cruelle dont il ne comprend pas tout de suite de quoi il s’agit. Buck, chasseur d’esclaves, veut retrouver et ramener un couple ayant pris le fuite dix ans auparavant et réfugié à Detroit, où l’esclavage est interdit. En revanche, les nouvelles lois autorisent les propriétaires d’esclaves à y récupérer des fugitifs. Charlie, illettré, empreint de tout ce qu’il a entendu dire toute sa vie, va progressivement changer de regard sur les Noirs. Arrivera-t-il à se libérer lui-même de l’engrenage dans lequel il est ? Deviendra-t-il complice d’un homme qu’il déteste ? C’est Charlie qui parle, dans une langue orale marquée par des expressions type du petit gars de la campagne qu’il est. Le récit est prenant, parfois difficile, mais s’il ne fait pas l’impasse sur les violences il ne soumet pas le lecteur à l’insupportable. Un roman lui aussi porteur d’espoir en l’humain, mais chut… on vous laisse le plaisir de découvrir ce que Charlie va faire et devenir.
Marion Katak