La première journée de mobilisation contre la réforme des retraites – dont le projet a été annoncé par Élisabeth Borne le 10 janvier dernier, est massivement suivie par les enseignants et enseignantes, impactés de plein fouet par cette réforme. Envoi de mails prônant les mérites de la réforme, annonce d’Elisabeth Borne pour les professeurs des écoles… le gouvernement contre-attaque.
Alors que les syndicats annoncent 70% de professeurs du premier degré et une grande majorité des enseignants du second degré grévistes, tous les agents ont reçu un courrier présentant le projet de réforme sur leur boîte mail professionnelle.
Si l’intitulé « Projet pour l’avenir du système de retraites » laissait peu de doutes quant à l’objet d’un tel envoi, la suite montre clairement son parti pris, « après plusieurs cycles de concertation et de consultation, le Gouvernement a présenté le 10 janvier un projet pour les retraites permettant d’assurer l’équilibre du système de retraite par répartition ». 18 slides pour « vendre » une réforme des retraites qui semble largement mobiliser contre elle et est refusée par une grande majorité des français selon les récents sondages. On peut y voir une tentative de contrefeu de la part du gouvernement.
Volonté de désolidariser la profession ?
Une récente annonce d’Elisabeth Borne peut elle aussi être interprétée comme une volonté « d’amadouer » les professeurs des écoles. En effet, mardi, la Première ministre a annoncé un assouplissement des règles du départ à la retraite les concernant spécifiquement. Jusqu’alors, ils étaient les seuls salariés à ne pas pouvoir partir à la retraite à la date anniversaire – ils devaient nécessairement finir l’année scolaire. Pas de bol pour ceux nés le 2 septembre…
« Soudainement, par le plus grand des hasards, le gouvernement vient de se rendre compte que les PE étaient les seuls salariés à ne pouvoir partir à la retraite à date anniversaire… » ironise le SNUDI-FO dans un communiqué. « À deux jours d’une grève massive, le gouvernement, fébrile et effrayé par la mobilisation qui s’annonce dans tous les secteurs professionnels, tente donc d’amadouer les enseignants du 1er degré ».
Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU, y voit aussi un stratagème. « Ils essaient de satisfaire une partie de nos revendications mais cela ne change pas le fond du problème qui est le recul de l’âge de départ à la retraite et le passage à 43 annuités avec une accélération de la réforme Touraine. Les collègues ne sont pas dupes ».
« Nous y voyons là une tentative de déminage. Le gouvernement pressent une très forte mobilisation dans l’éducation nationale » remarque Gilles Langlois secrétaire national du SE-UNSA. « À ce jour, dans le projet de loi tel qu’il a été transmis au Conseil d’État cette mesure n’apparaît pas. On attendra de juger sur acte mais de toutes façons cela ne diminue en rien l’opposition des enseignants, des psychologues scolaires, des CPE, des AED et AESH qui devront travailler deux ans de plus ».
La spécificité du moment de départ à la retraite des professeurs du premier degré a déjà été dénoncée par les syndicats à de multiples reprises auparavant sans qu’ils n’aient jamais été entendus. « Le ministère est déjà en difficulté pour recruter des professeurs des écoles. Ils le seraient d’autant plus si on permettait aux enseignants et enseignantes du premier degré de partir à la date anniversaire. Il faudrait les remplacer en cours d’année » explique Guislaine David.
Mail à destination de tous les enseignants et enseignantes, annonce dans les médias, on sent que le gouvernement est fébrile et qu’il tente de limiter la mobilisation. « Ils veulent éviter l’embrasement social » assure Gilles Langlois, « la mobilisation sera massive sur tout le territoire. Il y a une très très forte opposition des personnels au projet de réforme présenté par la Première Ministre ».
Un métier mis à mal avant même ce projet de réforme
Pour Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, l’exaspération des professeurs est immense. « Dans les salles de profs, on entend beaucoup de colère. Enseigner est un métier épuisant physiquement et moralement. Savent-ils ce que représente une heure de cours, une journée de cours ? On est mal payés, méprisés, on travaille dans de mauvaises conditions et on veut nous faire partir plus tard à la retraite ? ». La responsable syndicale table elle aussi sur une grande majorité de grévistes pour ce premier jour de mobilisation.
Guislaine David rappelle que déjà aujourd’hui de nombreux enseignants du premier degré font le choix de partir avec une décote. « Lors de la dernière campagne de retraite, l’âge moyen de départ pour les femmes était de 60,3 ans et 61,2 ans pour les hommes. 34% ont préféré partir avec une décote. Cela montre bien que les collègues ne peuvent déjà pas aller plus loin. Avec cette réforme, cela ne sera même plus possible. Ajoutez à cela, le faible niveau de rémunération en fin de carrière – que le gouvernement n’envisage pas de revaloriser… On va y perdre de toutes les façons ».
« Cette réforme inutile est majoritairement rejetée par la population » complète Gilles Langlois. « On la fait peser sur une profession dont on a vu à quel point elle est épuisante et n’attire plus »
Cette première journée de mobilisation sera la première mais sans doute pas la dernière. « Cette réforme ne doit pas passer » martèle Guislaine David. « Cette journée n’est que le début de notre mobilisation. L’intersyndicale décidera sans doute de nouvelles journées de grève mais aussi d’autres formes de mobilisation ».
Lilia Ben Hamouda