Décidément, la caricature, voire la nostalgie d’une école qui n’a jamais existé ont encore de belles années devant elles quand on prend connaissance des circulaires pédagogiques ministérielles récemment publiées et censées présenter des remèdes à la baisse du niveau des élèves.
En partant du premier niveau de l’école primaire, la maternelle fait l’objet d’un recentrage sur les « enseignements fondamentaux » avec l’accent mis sur l’évaluation des tous jeunes enfants ainsi que sur l’apprentissage du langage limité à l’acquisition du vocabulaire et à l’association phonèmes-graphèmes dans l’optique d’évaluations à l’entrée au CP.
Cette « primarisation » de l’école maternelle va une fois de plus aggraver la pression anxiogène exercée sur les parents mais également sur les enseignants de maternelle dont le nouveau plan de formation pluriannuel annoncé n’est à ce jour doté d’aucun moyen. La disparition des références aux champs d’apprentissages liés à la découverte du monde et à la socialisation est également particulièrement inquiétante, écartant par là même l’importance du jeu et des apprentissages informels.
La campagne de communication sur l’augmentation du temps d’enseignement consacré aux français et aux mathématiques -les « enseignements fondamentaux » – et l’heure hebdomadaire de soutien aux élèves en difficultés en 6ème -financée avec la suppression de l’enseignement technologique en première année de collège- traduisent un profond mépris des enseignants, instillant l’idée qu’ils n’en feraient pas assez tout en les réduisant au simple statut « d’exécutants ».
Au-delà, c’est nier le fait que ces apprentissages fondamentaux occupent déjà 70 % du temps scolaire en France, bien au-dessus de la moyenne des pays européens qui en moyenne y consacrent 50%.
En faisant porter la responsabilité de cette baisse de niveau à des enseignants qui méritent mieux que des injonctions pédagogiques et qu’un ruissellement d’évaluations à tous les niveaux, le Ministre se garde bien d’avancer des propositions concrètes et urgentes pour remédier à cette aggravation des inégalités qui, rappelons-le, touchent majoritairement les élèves des milieux populaires notamment dans les territoires d’éducation prioritaire.
Quitte à prendre la question du collège à bras le corps, le Ministre ne pourrait-il pas plutôt s’attaquer au fait que notre pays a les classes les plus chargées parmi les grands pays développés, que les remplacements ne sont plus assurés dans bon nombre d’établissements où encore que la ségrégation scolaire accentue la fracture éducative au détriment des plus modestes comme viennent de le confirmer les récentes publications des indices de position sociale –IPS- ?
Au final, ces circulaires n’apportent aucune piste crédible d’amélioration de l’enseignement et des progrès des élèves mais, imbibées d’un pilotage par les résultats, elles stigmatisent et culpabilisent les équipes éducatives déjà maltraitées sous le quinquennat précédent.
En s’inscrivant dans la ligne pédagogique de son prédécesseur Jean-Michel Blanquer, le ministre Pap Ndiaye donne à « l’Ecole du futur » macroniste une coloration réactionnaire qui confirme une triste réalité : les fermetures de postes augmentent comme augmentent les injonctions envers les enseignants, injonctions destinées à se dédouaner d’une politique de régression éducative.
Yannick TRIGANCE
Conseiller régional Ile-de-France